Strange Fruit : épisode 2/5 du podcast "Billie Holiday, Night and Day" de Sophie Lemp

Billie Holiday
Billie Holiday  ©Maxppp - ace
Billie Holiday ©Maxppp - ace
Billie Holiday ©Maxppp - ace
Publicité

Billie Holiday et son père.

Tu as vu, on s’occupe bien de moi ici. Je me repose, je rêve, je reprends des forces. Papa n’a pas eu cette chance, lui. Ils ont refusé de le soigner, juste parce qu’il était noir. Ils l’ont regardé mourir. C’était en 37, en février, j’étais en tournée à Dallas. Il faisait un froid terrible. Je suis tombé malade, une mauvaise grippe. La fièvre ne baissait pas, j’avais mal partout, je toussais à m’en décrocher les poumons. J’ai vite senti que je ne m’en sortirais pas tout seul. Je me suis présenté à l’hôpital le plus proche. Ils ont refusé de me prendre. De plus en plus faible, il a fait tous les hôpitaux de la ville. Comme il avait fait la guerre, il a fini par être admis à l’hôpital militaire, dans un pavillon réservé aux anciens combattants Noirs. Il est mort quelques heures plus tard, d’une hémorragie. Ma fille est devenue l’interprète de la première « protest song ». Elle l’a chantée pour moi, pour dénoncer la façon dont j’étais mort. Elle ne savait pas que Strange fruit deviendrait l’hymne de tous ceux qui souffrent du racisme. C’est un plaidoyer pour la justice, l’expression de notre dignité. Certains trouvent le texte trop violent mais cette violence n’est rien en regard de celle que nous avons subie dans le Sud. Dans les années 1930, on était lynché pour avoir simplement regardé une Blanche dans la rue. On était pendu, brûlé. Des familles entières venaient assister au spectacle. Le Ku Klux Klan organisait des cérémonies funestes pour « nettoyer » le pays. Alors une chanson, ce n’était pas trop pour lutter. La première fois que j’ai chanté Strange fruit, la salle est restée silencieuse. Ils étaient tous abasourdis. Au bout d’un moment, ils ont commencé à applaudir doucement puis de plus en plus fort. Après, partout où j’allais, on s’est mis à me la réclamer. Chaque soir, c’était le même rituel. Un seul projecteur, qui s’éteignait à la dernière mesure. Et quand les lumières se rallumaient, je n’étais plus sur scène.

Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière    
Réalisation Juliette Heymann
Avec Sandy Boizard (Billie), Eric Challier (Clarence), Jules Churin (Un infirmier), Frédéric Pierrot ( Count Basie), Olivier Peigné (Artie Shaw)
Othello Vilgard (le Directeur du dancing), Eric-Herson Macarel ( Louis Armstrong), Pierre Baux ( John Hammond)
Et la voix d’Elodie Huber
Equipe de réalisation : Manon Houssin, Julien Doumenc, Louise Loubrieu

Publicité