Cycle francophone Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire

France Culture
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En partenariat avec Francofffonies, le festival francophone en France « Aimé Césaire est bien sûr l'une des grandes figures poétiques et politiques, issues de la Caraïbe, du 20ème siècle. Aujourd'hui, Aimé Césaire (né en 1913) est toujours là, vieux Monsieur qui entend très peu, qui voit très mal, qui marche difficilement mais demeure présent, fidèle à sa mairie de Fort-de-France, à ceux qui demandent à le rencontrer, fidèle en quelque sorte à ce petit bout de rocher qui est sa Martinique natale. Il a écrit dans l'un de ses poèmes : « Je croise mon squelette, il va sans dire que j'ai eu soin de ma parole ». Et c'est cette parole qui est là, toujours présente, et qui est encore là au-delà de son propre être , de son propre corps, en cette orée du 21ème siècle, pour dire encore un peu plus. Peut-être que sa dimension universelle s 'explique par ce petit coin de Martinique qui l'a vu naître et qui l'a fait renaître à lui-même. La Martinique, c'est quoi ? Les Antilles, c'est quoi ? « Paradis raté, l'invivable en son site, la retombée d'un festin de volcan, une rescapée, comme un malentendu de salut qui recueille une cargaison de naufragés. » Comme si l'on avait la possibilité folle de l'exode après le déluge et après les noyades. Quand on parle comme ça des Antilles, de l'histoire de la Guadeloupe, de la Caraïbe et des Amériques noires qui sont en quelque sorte son centre d'origine, l'on se rend compte que c'est peut-être aussi une manière de décrire tout simplement le 20ème siècle : les naufrages, les ratages de paradis évoqués, l'invivable dans des génocides sur presque tous les continents, des débris de synthèse que l'homme essaie de recoller. C'est peut-être ce qui explique l'importance, la puissance et l'actualité de la parole d'un homme comme Aimé Césaire. « Je n'ai cure de l'état civil établi, je ne sais plus mon adresse exacte, je ne broute pas la panique, je ne rumine pas le remords » : voilà son message. Depuis « Cahier d'un retour au pays natal » (1939) jusqu'au dernier grand poème « Moi, laminaire » (1982) Aimé Césaire répète son message, non pas pour avancer, comme il le précise, mais pour devancer, car l'heure est grave et le poète se doit de devancer l'avance même que les autres croient entretenir. C'est pour ça qu'il faut « recenser les récifs, réinventer les mots, il faut défoncer la friche, il faut communiquer par ô quel Essentiel, il faut barrer la route au bavardage » et, comme il l'a encore dit récemment : aux simagrées. C'est en cela que la poésie d'Aimé Césaire est celle d'un jeune homme d'aujourd'hui Au-delà de l'âge, au-delà de l'histoire, au-delà de la généalogie, au-delà, encore une fois, du corps et de son état, il y a une jeunesse dans la genèse du « Cahier d'un retour au pays natal » qui nous donne « la force de regarder demain »... Daniel Maximin Paroles recueillies en février 06 Partir. Mon coeur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ». Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : « Embrassez-moi sans crainte...Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai ». Et je lui dirais encore : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir ». Et venant je me dirais à moi-même : « Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... » Extrait de « Cahier d'un retour au pays natal » Présence Africaine Editeur « Ce « Cahier d'un retour au pays natal », qui eut pour titre initial (selon une confidence qu'Aimé Césaire fit à Leopold S. Senghor) « Cahier pour un retour au pays natal », n'est pas la profération du poète rentré au pays, revenu à son peuple et qui les célèbre. Le poète, rentré de la solitude -parturition très douloureuse, à la limite de la mort, du suicide, peut-être de l'asile- , a tout perdu. Pas de peuple. Pas d'adresse. Pas de pays. Rien que la solitude, descente aux enfers. Il y a des statues de Joséphine, des statues de Schoelcher et des statues du Conquistador, une inanité pour « raison d'être ». Le poète, en réaction à celle-ci, grâce aussi à la femme aimée et à l'enfant à naître, grâce encore à la réalité puissante d'un peuple qui n'a rien d'autre que son silence pour s'exprimer, parvient à synthétiser pour remonter de la solitude et devenir un prophète. » Daniel Maximin Paroles recueillies en février 06 Avec : Pascal Nzonzi, Robert Liensol, François Marthouret, Mouss, Jacques Martial, Martine Maximin, Laurence Durand, Dominique Massa. Réalisation : Michel Sidoroff

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