On fête cette année les 400 ans de La Fontaine, le poète français dont les enfants apprennent les fables à l’école, de génération en génération depuis la fin du XVIIè siècle, et les chantent souvent – oui, les fables sont mises en musique depuis les Nouvelles Poésies Morales et Fables.
On fête cette année les 400 ans de La Fontaine, le poète français dont les enfants apprennent les fables à l’école, de génération en génération depuis la fin du XVIIè siècle, et les chantent souvent – oui, les fables sont mises en musique depuis les Nouvelles Poésies Morales et Fables choisies dans le goût de M. de La Fontaine dès 1737, composées par Louis-Nicolas Clérambault, surintendant de la musique particulière de Madame de Maintenon, dernière épouse de Louis XIV…
Pourtant, de quoi nous souvenons-nous ? Quelques histoires de cigale et de fourmi, de corbeau et de renard, de loup et d’agneau ?
Des animaux drôles, cruels souvent – à moins que ce ne soit la société qui les rende tels ?
Des fables où les plus forts sont monstrueusement injustes ?
Où l’on apprend aussi à ne pas se vanter, à partir à point, à ne pas rêvasser…
Auteur prolixe, La Fontaine écrira des fables toute sa vie – tout comme il reviendra à l’écriture de contes érotiques jusqu’à sa mort, ce que l’on sait moins. Et il s’essaiera à tous les genres, se faisant par exemple librettiste pour Lully – avant de renoncer.
Inspiré d’Ésope (dont il écrit une vie reconstituée en préambule de ses fables), mais aussi d’une tradition orale venue d’Orient, d’Inde d’abord à partir du IVème siècle, puis d’Iran et du monde arabe, La Fontaine s’inscrit dans une longue histoire, où les fables sont le plus souvent animalières – masque pratique pour parler des hommes. Mais la révolution qu’il accomplit et son trait de génie, c’est de versifier ces courts récits édifiants. Et puisqu’on connait déjà la morale, (les fables d’Ésope sont au fondement de la culture classique), c’est le récit qui la précède que La Fontaine voudra rendre "gai", "agréable", et surprenant – quitte à le développer. D’ailleurs ses fables ont tendance à être plus longues qu’on ne croit. Plus compliquées aussi. Non seulement par la tournure de ses phrases, parfois retorses, mais le sens même de certaines fables fait débat, jusqu’à se dérober parfois. À commencer par l’interprétation qu’on peut donner de la toute première de ses fables, La cigale et la fourmi : on trouve encore aujourd’hui, parmi les spécialistes de La Fontaine, de farouches partisans de la cigale, et d’autres de la fourmi… des tenants d’une forme de jouissance, même imprévoyante ; ou au contraire des défenseurs d’une économie bien comprise. Difficile de déterminer avec assurance le parti de La Fontaine… Et ce d’autant plus qu’il serait bien malaisé d’unifier le sens de ses écrits : "diversité, c’est ma devise."
Originaire de Champagne, bourgeois d’abord en charge des Eaux et Forêts, La Fontaine, dont les grands écarts ne semblent étonner personne et dont la distraction était légendaire, sera très vite protégé et soutenu financièrement par les salons parisiens, Madame de Sévigné étant l’une des premières à saluer ses écrits. Poète reconnu, lu et célébré à la cour, il jouit ainsi d’une liberté d’écriture absolue pour ses fables, aussi critiques et subversives soient-elle à l’endroit des puissants, dont les abus de pouvoir sont souvent mis en scène sans concession. Il publie 243 fables en trois recueils, (1668, 1678, 1693), et dédicace le premier au grand dauphin, fils de Louis XIV… alors âgé de six ans et demi. Pourtant, la plupart des fables ne sont manifestement pas réservées aux enfants. Disons plutôt, avec Rousseau, qu’on peut les lire à tout âge, et y trouver d’autres plaisirs que les morales ésopiques. Si l’on connaissait déjà certaines fables qui épinglent « la raison du plus fort », nous avons aussi été sensibles ici à d’autres sonorités engagées, « notre ennemi, c’est notre maître ! » ; à la façon qu’a La Fontaine de lutter contre les passions tristes qui empêchent de vivre, « les gens de naturel peureux / Sont, disait-il, bien malheureux », « fi du plaisir que la crainte peut corrompre » ; à son appel aux plaisirs enfin, "chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux", à la jouissance même : "Jouis. Je le ferai. Mais quand donc ? Dès demain. / Eh ! mon ami, la mort te peut prendre en chemin. / Jouis dès aujourd'hui ! "Voilà les accents de La Fontaine que nous souhaitons donner à entendre aujourd’hui, à travers la vingtaine de fables que nous avons choisies. Ainsi que sa façon d’écouter les arbres, le soleil, le vent même, prêtant voix à une nature incarnée, et malmenée par l’homme
Sur l’origine des fables.
Les fables de La Fontaine sont d’abord inspirées d’Ésope, mais après la publication d’un premier recueil, il ira chercher d’autres sources plus lointaines, orientales, indiennes, perses et arabes. La Fontaine lira notamment une traduction française du Livre de Kalila et Dimna, livre politique destiné aux princes, dont les fables se nichent dans un dialogue entre deux chacals. Ce texte d’Ibn al-Muqaffa' date du VIIIe siècle, et c’est la traduction en arabe du Pantchatantra, les fables de Bidpaï, venues d'Inde par la Perse. La trajectoire de ce récit est assez proche d’un autre texte majeur que l’on connait sans doute mieux en occident : Les mille et une nuits.
Note d’intention Marion Stoufflet
Conception et Réalisation : Christophe Hocké
Pour le 400e anniversaire de Jean de La Fontaine, l’idée première était de faire entendre les Fables qui sont, aujourd’hui encore, une des références majeures de la littérature française et pourtant si mal connues. Les Fables évoquent pour la plupart d’entre nous des souvenirs d’école et de récitations plus ou moins agréables. La Fontaine est pour moi l’incarnation du fantasme universaliste du tronc commun, imposé hier comme aujourd’hui à tous les écoliers, quelle que soit leur histoire. Dans un premier temps, cela m’a donné envie de faire dire les Fables par une enfant. Un personnage qui nous aide, avec une fausse candeur, à prendre conscience de ce paradoxe : l’École s’obstine à faire de La Fontaine un auteur pour enfant alors que son style et la complexité de ses écrits le destinent surtout à des lecteurs matures. Dans un second temps, j’ai aussi souhaité faire entendre la grande diversité des sources de ces petits contes moraux qui empruntent aussi bien à la littérature persane qu’à la littérature indienne ou arabe. D’où cette idée, très importante pour moi, d’inviter des musiciens et des chanteurs à mettre en musique les Fables dans une grande diversité de genres et d’influences, à l’image de leurs origines. Acteurs, musiciens et chanteurs sont ainsi réunis au plateau comme des camarades dans une salle de classe idéale. Dans ce cadre fictionnel, les Fables peuvent à nouveau résonner et nous prouver qu’elles ont encore des choses à nous dire sur notre époque et ne se résument pas à la littérature académique, voire identitaire, qu’on en a fait.
Christophe Hocké
Choix des fables, dramaturgie et textes écrits par Marion Stoufflet
Musique originale : Mocke et Claire Vailler
Arrangements : Nicolas Worms
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Bastien Stil
Avec Loïe Desroc-Martinez , Émilie Incerti Formentini et Denis Podalydès (de la Comédie-Française).
Chanteurs/euses : Chevalrex , Adama Diop, Mohamed Lamouri, Emmanuelle Parrenin, Sing Sing, Claire Vailler.
Musiciens :
Mocke : guitare
Chevalrex : guitare
Nicolas Worms : clavier piano
Lucas Henri : basse - contrebasse
Tancrède Derijard-Kummer : batterie
Conseillère littéraire Caroline Ouazana
Equipe de réalisation
Assistantes à la réalisation Laure Chastant, Alexandra Garcia-Vila
Musicien Metteur en Ondes Vincent Villetard
Chef opérateur Musique Djaïsan Taouss
Chef opérateur Fiction Catherine Déréthé
Opérateur Fiction Mathieu Touren
Plateau Sébastien Royer, Alex Olarewaju Otinwa
Opérateur postproduction Lucas Derode
Sonorisation Jean-Benoit Têtu, Nicolas Depas Graf
Fables dites et/ou chantées : Les animaux malades de la peste, La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf , Le loup et l’agneau , Le loup et les bergers , Le lion abattu par l’homme , L’homme et la couleuvre , Phébus et Borée, Le soleil et les grenouilles , Le lièvre et les grenouilles, Les oreilles du lièvre , Le rat de ville et le rat des champs , Le corbeau et le renard, Le vieillard et l’âne, La cigale et la fourmi, Le loup et le chasseur (11 premiers vers), La laitière et le pot au lait , Le loup et le chien , Le philosophe scythe , La mort et le malheureux , La forêt et le bûcheron, Le songe d’un habitant du mogol
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