Forcément Duras : India Song

France Culture
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C'est l'histoire d'une création sonore et radiophonique qui précéda une création cinématographique. India Song est né de l'amitié d'Alain Trutat (alors responsable des émissions dramatiques sur France Culture, et créateur de l'ACR) et de Marguerite Duras. Alain Trutat a toujours oeuvré pour mêler la radio aux autres disciplines artistiques, pour l'ouvrir aux écrivains, aux artistes, à la création sous toutes ses formes. En bref, pour que la radio ne reste pas une affaire de spécialistes. C'est ainsi qu'il donna la possibilité à Marguerite Duras, de créer India Song à la radio, accompagnée d'une équipe de réalisation. Elle fabriqua cette bande sonore dans la perspective du film à venir, celui que nous connaissons aujourd'hui, et qui reste légendaire, avec les voix inoubliables de Delphine Seyrig et Michael Lonsdale. A la radio, Duras confia le rôle d'Anne Marie Stretter à Vivianne Forrester, écrivain, qui publia plus tard, un très beau récit dans un numéro spécial du Magazine littéraire, sur le tournage radiophonqiue d'India song. En voici quelques extraits. Je me souviens du saisissement, de ce "ravissement", à la première lecture d'India Song , où Lol V. Stein et en palimpeste, le vice-consul, Anne-Marie Stretter, Michael Richardson, la mendiante de Savannakhet, palpitaient dans les vestiges de leur propre récit happé, interrogé par des voix qui le décantaient, l'offraient à ses propres échos, lui conféraient une acuité nouvelle. Et puis la navigation de ces voix, leur turbulence pure, leur mélodie véhémente émise à la radio. Je me rappelle Marguerite me proposant de jouer à la radio le rôle d'Anne Marie Stratter et moi l'acceptant comme le plus beau, le plus surprenant des cadeaux. Et cette volupté de dire un texte qui n'était pas de moi, dont je n'avais pas pris le risque, où je pouvais d'autant mieux laisser passer toutes les voix d'Anne-Marie Stretter, ses silences. La musique interdite, érotique et la science nouées, oscillantes dans la gorge d'Anne-Marie Stretter. Le texte en abyme de Marguerite Duras, le texte remué d'autres textes, eux-mêmes évoquant tant de mémoires, d'absences possibles, semblait tout englober, contenir, enserrer jusqu'au déchirement, au déferlement du cri interdit, qui d'ordinaire, en permanence, n'en finit pas de se taire et de tout imprégner. Ce cri, je me souviens de Lonsdale le hurlant, le modulant, le voyageant dans la cour de la Maison de la Radio. Toute la souffrance, les opéras du monde, dans le viol des mutismes coercitifs, à travers le corps, la voix du vice-consul. Michael se ployait, s'agenouillait, se relevait, se balançait, portait le son de la détresse, de la protestation, de l'aveu, de la clameur enfin déchaînés. J'assistais avec Marguerite, Claude Régy et Georges Peyrou à cette supplication comme on y assiste toujours, séparée par une vitre du lieu où elle appelle et s'achève . Vivianne Forrester avec Marguerite Duras, narratrice, et Alain Adair, Louis Amiel, Jean-Pierre Andreani, Jean Bollery, Mildred Clary, Claire Deluca, Daniel Dobbels, Douchka, René Erouk, Vivianne Forrester, Nicole Hiss, Gilles Guillot, Maria Laborit, Michael Lonsdale, François Marthouret, Dionys Mascolo, Jean-Marie Patte, Monique Simonnet, Humbert Smith, Uta Taeger, et Hans Verner.. Piano : Gérard Frémy Musique originale: Carlos d'Alessio réalisation : Georges Peyrou (1ère diffusion 12.11.1974)

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