Iphigénie commence dans le silence et la pesanteur de l’aube immobile, progresse dans un crescendo de bruit et de fureur pour culminer dans le fracas du tonnerre, le souffle des vents et la mer qui se déchaîne, réconciliant enfin les hommes avec les éléments.
La scène est en Aulide dans le camp des Grecs dont la flotte s’apprête à appareiller vers Troie sous la conduite d’Agamemnon, roi de Mycènes, et d’Ulysse, roi d’Ithaque. L’absence de vent rendant ce départ impossible, le devin Calchas fait savoir à Agamemnon que l’oracle a réclamé, pour que les vents se lèvent, le sacrifice d’une "fille du sang d’Hélène". Iphigénie, fille d’Agamemnon et de Clytemnestre qui est la sœur d’Hélène, devra être immolée aux dieux. Agamemnon fait donc venir Iphigénie à Aulis, sous le prétexte qu’Achille, son fiancé, veut qu’on célèbre ses noces avant le départ de l’armée. Iphigénie arrive au camp accompagnée de sa mère Clytemnestre et d’Ériphile, une jeune captive qu’Achille a ramenée d’une expédition à Lesbos. Entre-temps, Agamemnon pris de remords cherche à gagner du temps contre l’avis d’Ulysse qui, pressé de gagner Troie, lui reproche son manque de fermeté. Pour accomplir la volonté des dieux, Agamemnon veut éloigner Clytemnestre mais il est trahi par Arcas, son serviteur, qui révèle à Iphigénie et à sa mère le crime qui se prépare. Le roi doit alors affronter la colère et la douleur de Clytemnestre. Il décide de faire évader les deux femmes avec la complicité d’Achille. Mais Ériphile, amoureuse en secret d’Achille, va dénoncer leur projet. Iphigénie se prépare alors au sacrifice malgré Achille qui est prêt à tout pour la soustraire à la mort. C’est alors qu’on apprend qu’Ériphile, fruit d’un amour clandestin entre Thésée et Hélène, a été nommée à sa naissance Iphigénie par sa mère et cachée au reste de la Grèce sous le nom d’Ériphile. Pressée de faire un choix, l’armée la désigne comme étant celle que l’on doit immoler. Mais Ériphile devance le sacrificateur et se tue elle-même.
Cette pièce fut représentée pour la première fois à Versailles le 18 août 1674.
Si le théâtre de Racine est, pour reprendre les mots de Barthes, un théâtre de la violence, Iphigénie apparaît immédiatement comme l’une de ses œuvres les plus emblématiques. Une pièce saisissante, qui, de plein fouet, frappe le lecteur par la violence qui la traverse comme un fer brûlant. Des personnages hors d’eux mêmes, plongés dans la rage et le désespoir par l’horreur du sacrifice exigé par les dieux. Cette violence est omniprésente dans le texte. Violence verbale tout d’abord. Jamais, je pense, la sauvagerie des mots n’a atteint dans l’œuvre de Racine une telle incandescence. Mots terribles, dévastateurs, où l’injure, l’anathème, la fureur et la douleur annihilent toutes convenances. Perte de soi, perte de sa propre conscience, du sens de la hiérarchie. Perte des repères sociaux, moraux, amoureux, balayés par l’urgence frénétique du désespoir. Violence morale également, par laquelle les amis, les époux, les amants veulent imposer leur volonté et leur autorité. Volonté de « tuer » l’autre, de le détruire psychologiquement, pour être seul dépositaire du droit et de la vérité ! Violence physique enfin, par l’évocation monstrueuse du sacrifice d’Iphigénie, de la folie vengeresse et suicidaire d’Éryphile, de la fureur guerrière d’Achille et de ses armes, et par la contrainte inconcevable que ce dernier ose commettre sur son amante. Tenter par la simple lecture, à travers nos corps immobiles, de rendre la violence frénétique de cette œuvre brûlante, voilà l’enjeu !
Thierry Hancisse de la Comédie-Française, conseiller artistique
Iphigénie commence dans le silence et la pesanteur de l’aube immobile, progresse dans un crescendo de bruit et de fureur pour culminer dans le fracas du tonnerre, le souffle des vents et la mer qui se déchaîne, réconciliant enfin les hommes avec les éléments. C’est dans ce mouvement que nous mêlerons les voix et les musiques, sans artifices, au plus près du verbe et de l’émotion.
Christophe Hocké, réalisation
Distribution
De la troupe de la Comédie-Française :
- Catherine Salviat (Doris)
- **Martine Chevallier (**Clytemnestre)
- Thierry Hancisse (Agamemnon)
- Alain Lenglet (Arcas)
- Coraly Zahonero (Eriphile)
- Christian Gonon (Ulysse)
- Jérôme Pouly (Eurybate)
- Suliane Brahim (Iphigénie)
- Clément Bresson (Achille)
- Et de l’académie de la Comédie-Française, Camille Seitz (Aegine)
Musique
- Direction musicale : Miguel Henry au théorbe
- Accompagné d’Andreas Linos et Thomas de Pierrefeu à la viole de gambe
Equipe France Culture
- Réalisation : Christophe Hocké
- Assistante à la réalisation Sophie Pierre
- Equipe technique : Pierre Monteil, Matthieu Leroux, Baptiste Lesnard
- Son : Eric Villenfin, Kevin Delcourt, Nicolas Depasgraff, Philippe Thibaut
- Lumière : Titouan Oheix, Maxime Bayol
- Régisseur plateau : Farid Melab, Dominique Fournier
France Culture et la Comédie-Française ont entrepris une grande aventure artistique : l’enregistrement en public ou en studio de l’intégrale des tragédies de Racine, c’est-à-dire onze pièces.
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