Louis, trente-quatre ans, est à l'aube de sa mort. Il a peur, mais il a décidé : il retournera voir sa famille. Après un très long silence ponctué de cartes postales, "petites lettres elliptiques", il parlera. Lors d'une ultime visite, il annoncera sa mort prochaine à sa mère.
Au travers l'engagement de Lucien Attoun et de son "Nouveau répertoire dramatique" créé en 1969, France Culture a accompagné très fidèlement la vie et l'œuvre de Jean-Luc Lagarce en enregistrant la quasi-totalité de ses textes. Il manquait Juste la fin du monde et l’enregistrement de cette lecture en public et en direct dans la cour du musée Calvet s’est fait en juillet 2007
Une lecture dirigée par François Berreur et réalisée par Marguerite Gateau
Avec Elisabeth Mazev, Danièle Lebrun,Clotilde Mollet, Laurent Poitrenaux et Bruno Wolkowitch
Quelques mois avant d'apprendre qu'il est séropositif, au début de l'année 1988, Jean-Luc Lagarce a l'idée d'écrire une pièce courte Les adieux, l'histoire d'un fils qui revient dans sa famille en sachant qu'il va probablement mourir bientôt. En fait, la pièce ne sera pas courte. Jean-Luc Lagarce finira de l'écrire lors de son séjour à Berlin au printemps de la même année et au début de l'été 1990 et l'intitulera Juste la fin du monde.
Dans l'ensemble des événements mis en place dans le cadre de l'année Lagarce en 2008, cette lecture a été donnée en avant-première à Avignon. Ce projet donnera naissance à une mise en scène de la pièce par François Berreur à Grenoble à la MC2, puis en tournée jusqu'à fin janvier 2008. La distribution sera quasiment la même, à l'exception de Laurent Poitrenaux, qui remplace Hervé Pierre, retenu à la Comédie-Française. Continuité du personnage, Laurent Poitrenaux a par ailleurs déjà lu des textes du journal de Jean-Luc Lagarce à Théâtre Ouvert. Au cours de la lecture, un intermède illustre un des cauchemars de Louis où les personnages se courent les uns après les autres pour se chercher vraiment dans la réalité. La réalisatrice Marguerite Gateau a donc prévu deux espaces différents pour l'enregistrement de la fiction : le plateau à l'extérieur et l'intérieur du musée Calvet. Le son est différent car les deux environnements acoustiques ne renvoient pas la même impression : à l'extérieur on entend les grillons et vent alors qu'à l'intérieur les murs réverbèrent le son.
François Berreur au micro de Blandine Masson, revient sur la genèse de ce texte Juste la fin du monde
François Berreur au micro de Blandine Masson
16 min
Louis, trente-quatre ans, est à l'aube de sa mort. Il a peur, mais il a décidé : il retournera voir sa famille. Après un très long silence ponctué de cartes postales, "petites lettres elliptiques", il parlera. Lors d'une ultime visite, il annoncera sa mort prochaine à sa mère, à sa petite sœur Suzanne, et à son frère Antoine. A la discrète Catherine, la femme de celui-ci, il parlera aussi. Mais le retour inespéré du fils aîné dans "la maison de la mère" ranime d'anciennes querelles et de vieux fantômes de famille. Les mots s'empêtrent et les malentendus s'accumulent sous l'œil de la mère, car à la ville, "vous vivez d'une drôle de manière", dit-elle. Digressions, arrêts brusques, redites, la parole est en errance. Chacun tente de rattraper le temps perdu. Expression maladroite de la solitude, du doute, du manque, de l'envie, et de l'amour dissimulé sous un voile de rancœur. Finalement, Louis repart sans avoir pu se livrer, "sans jamais avoir osé faire tout ce mal", emportant à jamais son secret, comme si le silence était la seule issue.. Le titre de la pièce, Juste la fin du monde, annonce la gravité légère du propos. Ecrite en 1990, alors que Jean-Luc Lagarce se sait atteint du sida, elle est la matrice de sa dernière pièce, Le Pays lointain, achevée juste avant sa mort le 30 septembre 1995. Essentielle dans son œuvre, elle évoque les thèmes du retour, de la disparition, de la perte et de la difficulté à communiquer. Elle est créée en 1999 au théâtre Vidy-Lausanne, dans une mise en scène de Joël Jouanneau.
Méconnu de son vivant**, Jean-Luc Lagarce** est aujourd'hui unanimement reconnu comme un auteur majeur. Son œuvre donne vie à un nouveau langage en perpétuelle invention, parsemé de multiples ajustements, en quête du mot exact. Les méandres de la parole reflètent ainsi ceux de la pensée.
Depuis Juste la fin du monde est devenu un film dramatique franco-canadien écrit, réalisé, coproduit et monté par Xavier Dolan, sorti en 2016. Le film remporte en 2016 le Grand prix et le prix du jury œcuménique au Festival de Cannes, puis, en 2017, il obtient trois César : meilleur réalisateur, meilleur acteur et meilleur montage.
Juste la fin du monde est suivie de Ebauche d’un portrait Adaptation du Journal de Jean-Luc Lagarce par François Berreur Avec Laurent Poitrenaux Réalisation Marguerite Gateau Spectacle enregistré à Théâtre Ouvert en 2009
Ebauche d’un portrait est un montage d’extraits du Journal de Jean-Luc Lagarce (1977-1990 et 1990-1995) conçu par François Berreur qui en a assuré la mise en scène pour le théâtre. Le spectacle a été présenté à Théâtre Ouvert, coproducteur avec la Cie les Intempestifs, de mars à octobre 2008, lieu de l’enregistrement pour France Culture. Pour Jean-Luc Lagarce, Théâtre Ouvert –dirigé par Micheline et Lucien Attoun- fut un lieu de compagnonnage et de fidélité dès ses premiers écrits. Avec Ebauche d’un portrait, Laurent Poitrenaux, seul en scène, a obtenu le Prix du syndicat de la critique et celui du Souffleur 2008 comme "Meilleur comédien de l’année 2008 ". Une idée idiote mais comme elle revient tout le temps, qu’elle réapparaît à chaque détour et qu’elle passe parfois dans les rêves, admettons. L’idée toute simple –mais très très apaisante, très joyeuse, c’est ça que je veux dire, très joyeuse, oui- l’idée que je reviendrai, que j’aurai une autre vie après celle-là où je serai le même, où j’aurai plus de charme, où je marcherai dans les rues la nuit avec plus d’assurance encore que par le passé, où je serai un homme très libre et très heureux. L’idée souvent, machinale : "-Je ferai ça quand je reviendrai... "
Equipe de réalisation : Clotilde Thomas, Serge Ristitch, Benjamin Hû
Extrait de "Ebauche d'un portrait", journal de Jean-Luc Lagarce
11 min
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