"Le système de Ponzi" de David Lescot

Charles Ponzi en 1934
Charles Ponzi en 1934 ©Getty -  Bettmann
Charles Ponzi en 1934 ©Getty - Bettmann
Charles Ponzi en 1934 ©Getty - Bettmann
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Charles Ponzi était un Italien immigré aux Etats-Unis au début du XXème siècle, et qui après 15 années de galères inimaginables, monta à Boston une escroquerie financière, garantissant 50% d'intérêts en 45 jours, qui le rendit millionnaire pendant un an.

La première fois que j'ai entendu le nom de Ponzi, c'était dans la bouche de Bernard Madoff, l'escroc qui possède sans doute le plus beau palmarès de tous les temps (50 Milliards de dollars détournés et 150 années de prison). "Mon système, c'était une Chaîne de Ponzi" disait Madoff. Alors je me suis renseigné sur Ponzi. Charles Ponzi était un Italien immigré aux Etats-Unis au début du XXème siècle, et qui après 15 années de galères inimaginables, monta à Boston une escroquerie financière, garantissant 50% d'intérêts en 45 jours, qui le rendit millionnaire pendant un an. Surtout, à travers lui, c'est le siècle à venir qui se raconte, d'un point de vue qui n'est ni celui des utopies, ni celui des régimes politiques, ni celui des guerres, mais celui de l'argent. Ponzi ne croit en rien, sinon qu'il est destiné à faire de l'argent, ce qui est relativement vrai. Après la crise de 2008 (les crises sont fatales aux escrocs, 2008 a fait tomber Madoff), on se mit à parler plus que jamais de capitalisme sauvage, de moralisation des banques. Alors remontons à l'âge du far-west financier, 1920, l'époque de Ponzi, figure tutélaire de Madoff et peut-être aussi créature à l'image du système lui-même, et engendrée par lui. Durant l'aventure de Ponzi, on assiste à une crise financière diagnostiquée dans des termes qui annoncent déjà celle qui aura lieu cent ans plus tard, un ouragan dévaste la Nouvelle-Orléans, les devises européennes encaissent des dévaluations record… Hasard ou bégaiement de l'histoire ? Elément de comparaison en tout cas, non pour constater que tout est toujours identique, mais pour mesurer ce qui nous sépare de notre passé, et mieux nous voir à travers cette lentille-là.      
Je crois en un théâtre qui soit conscient de son histoire, et qui soit conscient de l'Histoire. Et qui sache inventer les formes nouvelles propres à l'exprimer. *Le Système de Ponzi * n'est pas une reconstitution. C'est une pièce musicale, un opéra parlé, et pas seulement parlé, un récit épique qui convoque tous les moyens propices au récit. Du choeur jaillissent les personnages, une kyrielle, qui rejoignent à nouveau, le choeur, d'où jaillissent d'autres personnages. Seul moyen de couvrir un temps, un espace, une foule, une action si épique car si étendue.      
J'avoue que j'aime bien les escrocs. Ils sont nécessaires, comme les crocheteurs au monde de la serrure. À travers eux, le système apparaît plus distinct. On peut l'améliorer. Encore que je me soucie peu d'améliorer le système capitaliste. Mais les escrocs, les usurpateurs, les affabulateurs, les charlatans réussissent bien au théâtre (*Le Menteur * de Corneille, *Le Révizor * de Gogol, *Le Baladin du monde occidental * de Synge, et même *Peer Gynt * d'Ibsen). Condamnons-les (dans la vie), mais rendons-leur grâce (sur la scène) de savoir gripper la machine, d'introduire une brèche poétique dans le réel. Et rappelons-nous que le système de Ponzi, après tout, c'est le nôtre.

David Lescot

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Réalisation Laure Egoroff

Avec : Wallerand Denormandi ,Nina Paloma Polly, Pauline Belle, Najda Bourgeois, Marlène Goulard, Jeanne Lepers, Hélène Rencurel, Sébastien Depommier, Etienne Durot, Julien Drion, Baptiste Drouillac, Nassim Haddouche, Antoine Sarrazin, Bachir Tlili

Musique originale et saxophone : Michaël Havard Piano : Lawrence Lehérissey Batterie : Benjamin Pellet Contrebasse : Damien Varaillon Mandoline : Carmine Ghersi Prise de son, montage, mixage : Eric Boisset, Manon Houssin Prise de son musicale : Pierric Charles, Sébastien Labarre Bruitage : Sophie Bissantz Assistante à la réalisation : Laure-Hélène Planchet

David Lescot  est auteur, metteur en scène et musicien, et artiste associé au Théâtre de la Ville. Il mêle le théâtre à des formes non dramatiques, en particulier la musique et le chant. Il obtient le Grand Prix de littérature dramatique pour L'Européenne  en 2008 et le Molière de la Révélation théâtrale en 2009 pour La Commission centrale de l'Enfance . Il crée en en 2011 33 tours  au Festival d'Avignon, le spectacle est repris les saisons suivantes sous le titre 45 tours . En 2012 il met en scène sa pièce Le Système de Ponzi . La pièce est adaptée pour la télévision par Arte, dans une réalisation de Dante Desarthe (2013).

En 2007, Véronique Bellegarde met en scène son texte L'Instrument à pression , avec notamment Médéric Collignon et Jacques Bonnaffé. En 2013 aux Bouffes Du Nord, David Lescot met en scène Tout va bien en Amérique , une rencontre entre le jazz et l'histoire des Etats-Unis, avec le pianiste Benoît Delbecq, et les interprètes Irène Jacob, D' de Kabal, Franco Manara, Mike Ladd, Steve Arguelles, Ursuline Kairson.

Dernière création : Les Jeunes , au Théâtre de la Ville (novembre 2012). Il prépare actuellement la création de sa pièce Nos Occupations  pour la saison 2013-2014. Ses textes sont joués et traduits dans de nombreuses langues et publiés aux Editions Actes Sud Papiers.

Il est Maître de conférences en Arts du spectacle à l'Université de Paris Ouest Nanterre.

Dernier ouvrage paru : Mises en scène de la guerre , Théâtre et cinéma , avec Laurent Véray, Nouveau Monde Editions, 2011.

Plusieurs de ses textes ont fait l'objet d'enregistrements radiophoniques. Ses pièces sont traduites et publiées en différentes langues. En 2008, à la Maison de la Poésie, il joue son texte La Commission Centrale de l'enfance , accompagné d'une guitare électrique tchécoslovaque des années 60 (autant dire rare). Il remporte en 2009 le Grand Prix de Littérature dramatique pour sa pièce L'Européenne .

Le Système de Ponzi est publié aux éditions Actes-Sud – Papiers.

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