Titus Andronicus

Titus Andronicus
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Avec
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© Radio France - L. Courtois

Traduction de Daniel Mesguich

Réalisation : Jacques Taroni

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En direct et en public du studio 105 de la maison de la radio

Jeu et mise en espace : Daniel Mesguich

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© Radio France - L. Courtois

Avec la troupe de Daniel Mesguich,

Sarah Gabrielle, Tamora

Daniel Mesguich, Titus

William Mesguich, Saturninius

Frédéric Souterelle, Aaron

Rebecca Stella, Lavinia

Tristan Wilmots, Chiron

Yann Richard, Démétrius

Jean-Marie Frin, Marcus

Mathias Maréchal, Lucius et Chiron

Catherine Berianne lira les didascalies et la nourrice.

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© Radio France - L. Courtois

*Titus Andronicus * est une pièce embarrassante. Et les raisons invoquées contre cette seule pièce sont souvent, bizarrement, les mêmes que celles qui l’étaient contre l’œuvre de Shakespeare tout entière au XVIIIe siècle. Confondant le texte – sens et discernement – et ce qu’il met en jeu – sang et aveuglement – on accuse *Titus Andronicus * d’être une pièce sale, sanglante, barbare, une pièce primaire, désordonnée, un pauvre brouillon des chefs-d’œuvre à venir.

S’il s’agit là d’un brouillon, c’est d’un brouillon génial, une machine à rêver affolée et affolante, matrice intelligente et vénéneuse qui tient en germe touts les autres tragédies de Shakespeare : il y a du *Roi Lear * dans Titus Andronicus , et du Macbeth , du Richard II , du Roméo et Juliette , du Othello , du Hamlet

Car tout se passe comme si Titus Andronicus ne commençait pas à son premier mot ni ne se terminait à son dernier. Œuvre protéiforme, sans cadre autonome et sans frontières sûres, elle déborde sans cesse sur les autres pièces, et les hante. Ou encore, c’est malicieusement, un interminable palimpseste, circulaire infiniment : et sous les phrases de Yago perceront celles d’Aaron, plus tard et sous les mots de Tamora, ceux de Lady Macbeth, déjà.

Cette traduction voudrait, ludiquement, accuser ce vertige. S’éloignant souvent du sens littéral du texte anglais – qu’elle n’ignore jamais cependant, jouant parfois, elle aussi, à rechercher le mot-à-mot le plus serré –, elle s’en va sonder, et traduire, des correspondances * ailleurs* dans le reste de l’œuvre de Shakespeare, des phrases autres mais proches, prononcées par d’autres personnages dans d’autres pièces, mais qui résonnent elles-mêmes déjà comme une traduction – de l’anglais en anglais – de la phrase première. Et Aaron dit vraiment tels mots de Yago, et Tamora telle réplique de Lady Macbeth.

Traduction de Shakespeare en Shakespeare avant de l’être de l’anglais en français, ce texte est donc aussi la traduction d’un effet-Titus, celle d’une traversée, et d’un souvenir. Plus que Titus Andronicus traduit, c’est Titus Andronicus raconté en dialogues.

Cette traduction essaie de montrer que, quoi qu’on en dise, Titus Andronicus n’échappe pas un instant à l’œuvre de Shakespeare. On la dit brutale et sanglante : elle est peut-être la plus délicate mise en œuvre de l’acte théâtral, de l’art de faire du théâtre, qu’ait écrite Shakespeare on la dit faible et grossière :elle est la machine la plus élaborée qu’il ait construite pour jouer le corps par le livre, l’écriture par la parole.

C’est une pièce qui pense et dit l’amour, l’héritage, la transmission, la mémoire. Modèle de réflexion politique internationale, elle nous enseigne aussi, en passant, que les chiffres de la haine ne tombent pas justes, et qu’ainsi ce n’est jamais la justice (l’égalité des vengeances) qui termine une guerre : il faut seulement qu’à un moment, n’importe quand, quelqu’un prenne en charge l’injustice et, seul, arrête les comptes.

C’est surtout une pièce qui pense et dit les deux faces du symbole, le creux et le plein, et le danger qu’il y a à les confondre. C’est surtout une pièce qui pense et annonce le devenir-barbare de toute civilisation – quand le symbole, « symbolique » sur l’un de ses versants, jeu et représentation donc, sur l’autre, s’incarne jusqu’à devenir sang versé. Et ne joue plus. Titus Andronicus prend le risque de passer pour une pièce barbare, mais c’est le contraire d’une pièce barbare. Titus Andronicus est une pièce philosophique.

Daniel Mesguich

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