Voix de femmes : Linda Lê

France Culture
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Lecture par** Carole Bouquet** d’extraitsdePar ailleurs (exils) de** Linda Lê**

Suivie d’un entretien par** Jean Birnbaum, ** responsable du Monde des livres, avec** Linda Lê**

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Enregistré en public à l’Odéon-Théâtre de l’Europe le 2 février 2015

Coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe / France Culture, en partenariat avec le Monde des livres

Réalisation** : Blandine Masson**

Pour la deuxième saison, France Culture, l’Odéon-Théâtre de l’Europe et le Monde des livres se sont associés pour un cycle de lectures intitulé * Voix de femmes.*

Quelles sont ces voix que nous avons convoquées sur le plateau de l’Odéon ? Catherine Millet, Linda Lê, Amélie Nothomb, Mona Ozouf, autant d‘auteures qui occupent une place centrale sur la scène littéraire et intellectuelle française. Ce que nous avons souhaité par-dessous tout, c’est créer la rencontre entre une artiste et un texte, en leur donnant du temps. Nous avons choisi des femmes dont nous aimons les livres, qui creusent patiemment le sillon d’une œuvre. Cette série se déroule à chaque fois en deux temps : en première partie, la lecture par une grande comédienne d’un extrait d’une œuvre, suivie par un entretien conduit par Jean Birnbaum avec l’auteure.

Par ailleurs (exils) de Linda Lê est publié aux éditions Christian Bourgois

«J’écris comme avec un couteau dressé dans l’obscurité », disait Alejandra Pizarnik dans l’un de ses derniers poèmes avant de se suicider à l’âge de trente-six ans. Elle avait la certitude d’être pour toujours de trop, elle s’était débattue contre ses démons, vivant dans un constant exil : « Je connais la gamme des peurs et ce recommencer à chanter tout bas dans le défilé qui reconduit vers mon inconnue que je suis, mon émigrante de soi. » Durant sa brève existence, elle s’était attachée à inventer de nouvelles formes pour trouver un espace littéraire qui soit sa patrie, tout en sachant qu’elle ne viendrait pas à bout du langage. Les mots, disait-elle encore, étaient son seul héritage. Elle n’avait rien d’autre que ses poèmes, et elle écrivait, rappelait-elle, pour que quelqu’un la sauve d’elle-même, elle qui était si près de rendre les armes, elle que des angoisses étouffaient, elle qui était « définitivement à part, de l’autre côté », elle qui ne pouvait trouver refuge dans rien, elle qui habitait le silence et était un être évanescent, elle qui cherchait à se conjurer, car elle mourait de « désirs irréconciliables », elle qui aurait voulu divorcer d’elle-même, se détacher de tout, et qui pourtant avait un « appétit balzacien de possession du monde, une volonté de le comprimer dans un livre », tout en se gardant de tout exhibitionnisme littéraire. »

Linda Lê est née en 1963. Elle habite Paris. Depuis Dalat, sa ville natale du Viêt-nam, jusqu'à Paris, il y a eu de nombreuses étapes : Saïgon d'abord et ses études au lycée français, puis après la chute de Saïgon, son rapatriement en France avec sa mère française et sa soeur. Après avoir publié très jeune trois livres, elle a publié Les Evangiles du crime dont une presse unanime a salué l'originalité exceptionnelle. En 1993, Christian Bourgois a édité son cinquième livre, le roman Calomnies (traduit et publié aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et au Portugal) puis en 1995,* Les dits d'un idiot* . Les Trois Parques et Voix ont paru chez Christian Bourgois Editeur en 1998, Lettre morte en 1999, Personne en 2003, Kriss/L'homme de Porlock en 2004, In * memoriam* en 2007 et Cronos en 2010. Linda Lê obtient le prix Wepler-Fondation de la Poste 2010 pour Cronos .

« La littérature n'est pas faite pour les acquittés, elle n'est pas faite pour les élus. Elle est dans le camp des victimes et des sacrifiés, dans le camp des condamnés qui essayent, comme moi, de trouver leur salut et qui se cassent les dents. » Linda Lê

Suivie de :

Rediffusion du 24/11/2012

**Lettres à Genica **
d’Antonin Artaud

Réalisation : Laure Egoroff

Enregistré en public le 18 novembre 2012 au Théâtre de la Criée à Marseille dans le cadre du Festival Mauvais Genre

Lettres lues par Carole Bouquet

Cette lecture musicale sur la correspondance d’Artaud s’oriente particulièrement sur son amour pour Genica, sa maladie, sa jalousie, sa folie…

"Là où d'autres proposent des œuvres, je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit", écrit Artaud, "le poète maudit", en préambule de "L'ombilic des Limbes". Et posant cela, il dit toute l'essence de son œuvre et de ses poèmes. Anarchie, désordre, délire et surtout quête de lui-même, de l'esprit et de la réalité. L'impossible harmonie entre son corps et sa pensée et la difficulté à trouver le sens de l'être le conduiront à être interné pendant 9 ans en hôpital psychiatrique (notamment à Rodez où il subit les électrochocs dans les années 40).

Refusés initialement en 1884 par Jacques Rivière directeur de la NRF (la N ouvelle R evue F rançaise) avec qui il échangera une correspondance riche, ces poèmes ne sont pourtant pas l'œuvre d'un fou mais celle d'un homme qui va au bout de lui-même, pousse le questionnement jusqu'aux derniers retranchements, jusque dans ces limbes. Il invente une "poésie mentale", presque psychotique et obsessionnelle, inspirée des idées surréalistes où l'humanité jaillit à vif, gangrenée par la douleur et la rage face au mystère de l'incarnation.

Il se livre ainsi à des descriptions aigues de la douleur interne qu'il ressent, de son "effondrement central de l'âme", de "l'érosion à la fois essentielle et fugace de la pensée". Il utilise pour cela des approches à la fois cliniques, poétiques et quasi philosophiques.

Son écriture est cathartique, il va démultiplier les efforts pour mettre des mots sur l'indicible et se heurter à ses limites tout en déployant une précision lexicale rare sur la souffrance humaine.

"J'ai choisi le domaine de la douleur et de l'ombre comme d'autres celui du rayonnement et de l'entassement de la matière."** – Antonin Artaud**

Lecture à partir d’extraits d’œuvresd’Antonin Artaud, Editions Gallimard (Quarto)

Production : Les visiteurs du soir

Assistante à la réalisation : Cécile Laffon

Equipe de réalisation : Pierre Minne, Hervé Dubreuil

Merci à toute l’équipe du Théâtre de la Criée de Marseille

L'équipe