

Les relations que nous entretenons avec les animaux sont composites. Tantôt domestiqués, tantôt exclus de nos espaces quotidiens, les animaux peuvent être compris à la lumière de la géographie, qui offre un éclairage sur les espaces et les manières dont ceux-ci sont occupés, partagés, divisés.
- Eudes Jouët-Pastré berger dans la Drôme
- Eric Baratay professeur d’histoire contemporaine, université Lyon 3
- Sarah Bortolamiol géographe, chercheuse au Muséum national d'histoire naturelle.
- Thibaut Sardier Journaliste à Libération
Bienvenue dans Géographie à la carte, avec pour fil rouge ce soir : les relations entre les humains et les animaux.
Qu’ils traversent au loin les zones sans homme, sans présence invasive, qu’ils peuplent les parcs et les réserves que nous daignons leur dessiner, qu’ils tournent en rond dans leurs enclos ou leurs cages, s’exposent dans nos cirques, patientent dans nos abattoirs, qu’ils s’approprient, réinvestissent et survolent nos villes, migrent d’un territoire à l’autre, ou qu’ils vivent dans nos appartements, nos maisons, dorment dans nos chambres ou nos salons, les relations que nous entretenons avec les animaux diffèrent, évoluent, se métamorphosent selon les lieux et l’époque, selon nos représentations et nos imaginaires, selon les contextes sociaux, économiques, culturels, politiques, les contextes locaux, surtout.
Comment la géographie nous permet de penser et de repenser les relations entre les humains et les animaux ?
Tel est l’horizon, ce soir, de notre émission : Géographie à la carte.
Pour en discuter, nous recevons Sarah Bortolamiol, géographe spécialiste de la géographie animale et végétale et chargée de recherche au CNRS, Eric Baratay, historien spécialiste des relations entre humains et animaux, et Eudes Jouët-Pastré, berger dans la Drôme.
En fin d'émission, Thibaut Sardier, journaliste, géographe et président de l'Association pour le Développement du Festival International de Géographie de Saint-Dié des Vosges, interviendra pour présenter le festival, qui se tient du 1er au 3 octobre 2021. Rendez-vous sur le site du Festival International de Géographie, pour trouver toutes les informations nécessaires : dates, interventions et thématiques explorées au cours de cette 32ème édition.
Les animaux font-ils de la géographie ?
Les animaux font de la géographie dans le sens où ils occupent un espace qu'ils s'approprient parfois en territoire. Et nous, en tant que géographes, on s'intéresse à comment ils occupent cet espace, et pourquoi. On utilise par exemple des cartes pour pour spatialiser ces interactions, ces rapports entre les humains et les non-humains. Sarah Bortolamiol
Si on prend les pigeons voyageurs, par exemple, ils savent très bien cartographier l'espace dans lequel ils sont. Alors ils ont besoin pour cela de prendre en charge le territoire, c'est-à-dire qu'il faut les lâcher. Il faut qu'ils volent, qu'ils tournent en rond, qu'ils cartographient l'espace, qu'ils prennent en compte la position du soleil, le rapport au pôle Nord. Et avec ça, on sait très bien qu'ils font de la cartographie et qu'ils savent ainsi se déplacer. Alors c'est très variable selon les individus : il y en a qui sont très bons, d'autres qui sont un peu plus lents. Eric Baratay
Bien sûr que mes brebis font de la géographie. Je distingue plusieurs échelles de temps pour considérer la géographie en question, c'est à dire qu'à l'échelle d'une année, on se rend compte qu'on suit une géographie des temps immémoriaux : on est un troupeau transhumant, donc, c'est-à-dire qu'on monte en alpage l'été, et cette transhumance-là correspond à la perpétuation des migrations ancestrales qui sont même antérieures, je pense, à la domestication (...) Et puis, sur une échelle de temps plus courte, on va avoir une une appréhension du territoire par les bêtes qui va leur être propre et qui va aussi être en interaction à la fois avec les végétaux qu'elles vont trouver sur place, et puis avec le chien et le berger, qui constituent une sorte de système dans lequel elles évoluent. Eudes Jouët-Pastré
Quelles frontières entre les humains et les animaux ?
Il y a des frontières qui sont plus ou moins tangibles et d'autres plus ou moins intangibles. Savoir quelle est la frontière qu'un animal s'attribue... Je ne voudrais pas parler pour lui, de même que pour nos frontières à nous, humains : est-ce que la limite d'un parc naturel devrait être une frontière pour des humains et pour des animaux ? On peut symboliser tout ça en prenant l'exemple d'un animal comme l'éléphant. Nous, en Europe, on va avoir tendance à dire qu'il faut absolument le protéger. Un agriculteur en Ouganda qui lui, vit sur le terrain et qui se fait piller, par exemple ses cultures, parce que l'animal sauvage sort du parc pour aller manger ses denrées, lui va le voir comme une vermine. Donc, ce que je trouve important, c'est de travailler à la fois sur ces frontières et des perceptions différentes de ces frontières par les différents acteurs. Sarah Bortolamiol
Les hommes aussi sont différents, c'est-à-dire que s'il y a de plus en plus de renards dans les villes, c'est aussi parce que nous les acceptons, nous sommes devenus avec ces animaux-là conciliants. Par exemple, dans la banlieue de Londres, il y a beaucoup de gens qui acceptent sans problème, d'autres ne les acceptent pas, mais beaucoup les acceptent sans problème, voire les abritent, leur font des abris, ou leur donnent de la nourriture. Et donc, on a un environnement qui n'a rien à voir avec celui qu'on pouvait connaître il y a un siècle. Eric Baratay
Ce qu'on observe avec les loups, qui nous obligent à mettre des chiens de protection - j'ai un patou et une bergère d'Anatolie - je constate que la cohabitation est plus difficile avec les villageois du fait de ces chiens-là. Par exemple dans le département des Hautes Alpes, là, cet été, il y a eu une trentaine de cas de morsures de randonneurs à cause des chiens de protection qui ont justement pour mission de protéger le troupeau du loup. Mais parfois, il peut y avoir effectivement des dérapages. Et c'est vrai que la cohabitation entre la ville, au sens large, et puis le pastoralisme, est de plus en plus compliquée. Eudes Jouët-Pastré
Pour aller plus loin :
- Un article Cairn de Sarah Bortolamiol, Richard Raymond et Laurent Simon : Territoires des humains et territoires des animaux : éléments de réflexions pour une géographie animale
- Un article Libération, écrit par Gilles Fumey : Les animaux ont droit à une géographie (31/03/19)
- Une tribune dans Le Monde, par Philippe Reigné et Amandine Sanvinsens : « Protégeons les animaux “liminaires” qui vivent en liberté dans l’espace urbain » (07/08/21)
- La série "Bêtes de philo", quatre épisodes consacrés à des animaux hautement philosophiques : le chat, l'âne, la souris et le poulpe. Diffusée du 27/09 au 30/09 sur France Culture, dans Les chemins de la philosophie.
- Un dossier publié sur le site Géoconfluences à propos de la géographie des animaux.
- Le livre Vivre avec les animaux, de Jocelyne Porcher, aux Éditions La Découverte (2014).
- Le livre Réparons le monde, de Corine Pelluchon, aux Éditions Rivages (2020).
Extraits sonores :
- La Matinale de France Inter du 10 octobre 2019 avec Sylvain Tesson et Vincent Munier, pour la présentation de leur livre La panthère des neiges
- Un reportage du 18 juin 2020 sur les ours et les randonneurs, diffusé sur France 3
- Un documentaire du 22 septembre 2021 sur la domestication des animaux, diffusé sur France Bleu Dordogne
- La Corrida, de Francis Cabrel (1994)
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