Agriculture : la guerre de l'eau aura-t-elle lieu ?

Retenue de Juanon, dans la Drôme, près de Valence.
Retenue de Juanon, dans la Drôme, près de Valence. ©Radio France - Anne-Laure Chouin
Retenue de Juanon, dans la Drôme, près de Valence. ©Radio France - Anne-Laure Chouin
Retenue de Juanon, dans la Drôme, près de Valence. ©Radio France - Anne-Laure Chouin
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Sans eau, pas d'agriculture. Mais depuis la bataille du barrage de Sivens, force est de constater que le sujet de l'irrigation, et particulièrement des retenues d'eau, tend des relations déjà compliquées entre les agriculteurs et les riverains. Car on n'irrigue pas impunément.

Avec
  • Jean-David Abel Formateur en environnement et développement durable, représentant de France Nature Environnement au CESE
  • Sami Bouarfa Spécialiste de l'irriguation et de l'agriculture à l'INRAE de Montpellier

Le salon de l’agriculture s’ouvre à Paris dans un contexte d’inquiétude du monde agricole.  Entre des difficultés économiques pesantes et la montée de ce qu'ils appellent "l’agri-bashing", les agriculteurs français traversent une crise identitaire profonde.  

Parmi les sujets de tensions entre agriculteurs et écologistes, il y a la gestion de l’eau. Face au changement climatique, éleveurs et cultivateurs font évoluer leurs pratiques, mais vont-elles bien dans le sens de la transition écologique ?  Construire des retenues d’eau, pour l’utiliser en période de sécheresse, ce n’est pas une solution satisfaisante aux yeux des défenseurs de l’environnement. Illustration de ces tensions : le barrage de Sivens, dans le Tarn. Projet abandonné après la mort du jeune écologiste Rémi Fraisse. Plus récemment : la retenue de Caussade, dans le Lot-et-Garonne, construite illégalement par des agriculteurs convaincus de leur bon droit.

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L’irrigation est-elle compatible avec la préservation de la biodiversité ? 

Les agriculteurs peuvent-ils produire autant avec moins d’eau ?  

Un reportage d'Anne-Laure Chouin, réalisée par Annie Brault, et présenté par Aurélie Kieffer

Invités : Sami Bouarfa, spécialiste des usages de l'eau à l**'INRAE**, et Jean-David Abel, vice président de France Nature Environnement

L'exemple du lac de Caussade

Illustration dans le Lot et Garonne, où la construction illégale du lac de Caussade a été la source de nombreuses tensions. 

Cette retenue d'eau dite de "soutien d'étiage" a été mise en place sur le bassin versant d'un ruisseau à sec pendant l'été. Le lac va permettre de le réalimenter à cette période, pour soutenir l'irrigation d'une trentaine d'exploitations agricoles à proximité. L'autorisation avait été accordée dans un premier temps, avant d'être retirée quelques mois plus tard, provoquant la colère de la Chambre d'Agriculture et de ses élus de la Coordination Rurale, qui ont décidé de mener les travaux tout de même. 

Il s'agit pour ces agriculteurs de "sécuriser" leurs exploitations et d'assurer un rendement stable de leurs productions. Notamment pour Mathieu Martinet, qui s'est lancé dans la noisette. Sans irriguation, son verger n'aurait pas pu voir le jour. 

Mathieu Martinet, agriculteur producteur de noisettes dans le Lot et Garonne
Mathieu Martinet, agriculteur producteur de noisettes dans le Lot et Garonne
© Radio France - Anne-Laure Chouin

"Sans le lac de Caussade, je n'aurais pas planté mes noisetiers"

4 min

J'ai souhaité planter un verger pour chercher de la rentabilité, c'était trop compliqué avec l'élevage. Avec le verger, je m'assure un débouché. C'est un investissement important car les noisetiers ne produisent qu'au bout de 5 ans. L'irrigation est indispensable pour cette culture, pour assurer un rendement convenable, et aussi une certaine qualité. L'intérêt de la retenue de Caussade est de venir remplir le lac de mon exploitation lorsqu'il sera à sec pendant l'été. En ce qui concerne l'arrosage, on est toujours en recherche de performance : goutte à goutte ou sondes. 

Mais pour les opposants locaux au projet (très isolés dans la région), ce raisonnement ne tient pas. D'une part parce qu'on ne construit pas une retenue d'eau sur 20 hectares sans effet sur l'environnement alentour (déboisement, menaces sur des espèces parfois protégées, aggravation du déficit hydrique du bassin etc.). Mais aussi parce que, selon Lionel Feuillasse, de la SEPANLOG et France Nature Environnement, s'approprier la ressource n'incite pas à changer de pratiques culturales. 

Lionel Feuillasse, de la société de protection de la nature du Lot et Garonne
Lionel Feuillasse, de la société de protection de la nature du Lot et Garonne
© Radio France - Anne-Laure Chouin

"On ne peut pas s'approprier la ressource en eau simplement pour avoir une élévation du niveau de vie agricole. Il faut aller la chercher ailleurs"

1 min

Les pratiques agricoles conditionnent l'utilisation de l'eau. Avec la production de noisetiers, par exemple, il faut de l'eau, et ces cultures sont prônées par l'industrie agro-alimentaire. Or ces sociétés ne passent des contrats avec les agriculteurs que s'ils peuvent irriguer, et le prouver. On peut entendre que les agriculteurs souhaitent des productions rentables, mais cette élévation du niveau de vie ne doit pas être cherchée grâce à l'eau. Il faut plutôt veiller à rémunérer les agriculteurs au juste prix, ou via la PAC.

Dans la suite de ce reportage, vous entendrez également les acteurs de la gouvernance de l'eau d'irrigation près de Valence, dans la Drôme, où la réserve de Juanon a permis que les agriculteurs n'aillent plus puiser dans la dernière rivière sauvage de France. 

Vous découvrirez le témoignage d'agriculteurs en bio qui tentent, grâce à du matériel coûteux, d'économiser une ressource dont il ne peuvent pas se passer.

Enfin dans la Beauce, une plate forme d'Arvalis, Institut du végétal, observe le comportement des céréales soumises à différentes sortes de stress hydriques. Ou comment l'agronomie et la sélection de variétés peuvent permettre de s'adapter à la sécheresse. 

L'équipe