Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, la politique environnementale brésilienne a opéré un virage à 180 degrés. En 9 mois, la déforestation a bondi de près de 70%, le nouveau gouvernement a autorisé l’utilisation de plus de 150 nouveaux pesticides et l’orpaillage illégal revient à la mode.
- Vincent Dubreuil climatologue, professeur des Universités Rennes 2
- Yves Saint-Geours Historien de l'Amérique latine et ancien ambassadeur de France à Brasilia
Sa statue trône en plein centre de Boa Vista. Gigantesque, imposante, anonyme, le chercheur d’or de la capitale de l’état du Roraima symbolise l’espoir d’un avenir fortuné, celui d’un aventurier libre qui a sué sang et eau pour dénicher la pépite qui changera son existence. À Boa Vista, le taux de chômage touche désormais 14% de la population.
Aux dernières présidentielles, 72% des électeurs ont choisi Jair Bolsonaro, le candidat qui durant la campagne criait son amour pour les chercheurs d’or : "J’ai déjà été chercheur d’or, le Brésil doit beaucoup aux orpailleurs !"
Grand Reportage d'Olivier Poujade et Gilles Gallinaro. Montage de la vidéo ci-dessus réalisée par Franck Ballanger, avec la participation de Nicolas Dewit.
"Les chercheurs d’or ont un ami à Brasilia"
Depuis son arrivée au pouvoir, une nouvelle ruée vers l’or se profile ici... Près de 10 000 personnes se seraient installées dans des campements, le long des fleuves, au cœur de la forêt amazonienne, sur le territoire indigène Yanomami.
John Boyle est Ecossais. Il a été chercheur d’or pendant près de quarante ans. Aujourd’hui, il organise l’approvisionnement des orpailleurs depuis la ville de Boa Vista.
Les chercheurs d’or ont décidé de retourner à la mine pour voir ce qui allait se passer. Ils considèrent aujourd’hui qu’ils ont un ami à Brasilia. Ils y ont peut-être 1 000 ennemis mais maintenant ils ont un ami. On assiste à la grande rencontre entre deux groupes qui ont la même philosophie : les Bolsonaristes qui sont au Parlement et les chercheurs d’or. Et les chercheurs d’or sont unanimes dans leur soutien à Bolsonaro, il le voit comme le sauveur de la patrie.
L’orpaillage illégal, au même titre que l’extension des terres agricoles, constituent les principales raisons de la déforestation dans cet état brésilien. Paulo Basta est spécialiste des populations indigènes à la fondation Oswaldo Cruz de Rio. Il découvre les images de l’une des importantes mines d’or illégales que nous avons survolée :
C'est triste non ?! Sur ce 2e plan, l’image est effrayante... Elle illustre clairement la dimension de l'impact de l'exploitation minière en Amazonie.
La communauté indigène de Waïkas, située à quelques kilomètres de cette mine, souffre des conséquences de cette activité illégale. L’eau est souillée, impossible de pêcher, de se laver, et une étude de la fondation Oswaldo Cruz indique qu’à certains endroits jusqu’à 92% de la population peut être contaminée au mercure.
Démantèlement des institutions protectrices de l’environnement
À plusieurs reprises cette année, le chef de l’État brésilien a tenté de transférer la Fondation nationale de l’indien du ministère de la Justice au ministère de l’Agriculture. À plusieurs reprises cette année, le chef de l’État brésilien a tenté de transférer la Fondation nationale de l’indien du ministère de la Justice au ministère de l’Agriculture. Le budget du ministère de l’Environnement devrait être réduit de 12% pour l’année 2020, selon Exame un hebdomadaire économique brésilien. Budget dont dépendent des institutions essentielles pour lutter contre les agressions faites à l’environnement, l’IBAMA (Institut brésilien de protection de l’environnement) et le laboratoire ICMBio. Rares sont les agents qui ont accepté de nous parler à Boa Vista. Paulo Basta :
Nous traversons une période d'incertitude au Brésil. Toutes ces protections légales sont remises en question, mises à l'épreuve. Les mesures qui sont prises sont arbitraires. Tous les employés, tous les gens honnêtes qui travaillent dans ce secteur vivent dans une certaine anxiété. Ils pensent à leur carrière à leur emploi et leur famille... et préfèrent ne pas prendre position ou dénoncer ce qui arrive.
Il existe toute une constellation de déclarations sceptiques voire hostiles de Jair Bolsonaro concernant l’environnement. Ce style provocateur, se voulant incorrect politiquement, s’est depuis neuf mois traduit en actions et a eu des conséquences concrètes sur le territoire brésilien.
Même si l'armée dit continuer à lutter contre l'orpaillage illégal :
S’attaquer aux indigènes pour mieux exploiter leurs terres
Le paysage édénique du lac Caracaranã. Un soleil brûlant. Autour de l’agora, des abris en bois sous lesquels sont installés les hamacs des communautés réunies. Macuchi, Taorepangi, Yanomami, Waï Waï, une dizaine de délégations de jeunes indigènes se retrouvent ici pour la sixième année consécutive.
Aujourd’hui, l’arrivée du nouveau gouvernement est au centre des discussions. Une centaine de représentants écoutent attentivement. A la tribune, Joenia Wapichana, première députée indigène de l’histoire du Brésil. Elle reprend les déclarations de Jair Bolsonaro et met en garde l’assemblée : "Nous allons intégrer les indiens à la communion nationale. C'est grave ça ! Parce que cela nous replonge en arrière, à l'époque de la dictature militaire, quand ils refusaient d'accepter notre différence culturelle, quand ils considéraient que les indigènes devaient devenir blancs ! C'est important de comprendre ce qu'il est en train d'arriver dans ce Brésil, cette haine immense dirigée contre les Indiens depuis l'élection. Mais on ne va pas s'endormir, non…"
L’objectif du nouveau président d’extrême droite est limpide : faire de l’Amazonie une terre comme les autres. Une terre que l’on peut exploiter, au mépris des peuples qui y vivent et des institutions qui sont chargées de la protéger.
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