Comédiens, auteurs, metteurs en scène, musiciens, circassiens... les acteurs du spectacle vivant, frappé de plein fouet par la crise du Covid-19, se préparent à la réouverture des lieux culturels. Coup de projecteur sur leur diversité et leur détermination à réinventer le rapport au public.
- Emmanuelle Gourvitch présidente du Synavi, le Syndicat National des Arts Vivants
- Françoise Benhamou économiste de la culture, professeure à Sorbonne Paris Nord, co-présidente du Cercle des Economistes.
La réouverture à partir du 19 mai des lieux culturels, promise par le chef de l'État Emmanuel Macron, est attendue avec autant d'impatience que d'inquiétude par le monde du spectacle vivant, fortement meurtri par la crise du Covid-19.
Comment cette longue période d'arrêt a-t-elle été vécue, selon les structures ? Comment se réinventer ? Comment se relancer, dans un contexte toujours aussi tendu, tant au plan sanitaire qu'économique ? Alors que le mouvement d'occupation des théâtres, entamé le 4 mars, se poursuit dans plus d'une centaine d'établissements partout en France, la question d'une prolongation de l'année blanche pour les intermittents n'est toujours pas réglée et la réforme de l'assurance chômage, fortement contestée par les artistes, doit entrer en vigueur le 1er juillet.
"La précarité est inhérente à nos métiers, on enchaîne les petits CDD, on le sait. Mais elle va s’accentuer à l’avenir, mes nuits ne sont pas paisibles", s’inquiète Céline Brunelle, metteuse en scène et comédienne, de la compagnie Le Passe-Muraille basée près d’Abbeville dans la Somme. Elle et son compagnon sont tous les deux intermittents du spectacle, "nos droits au chômage ont été renouvelés récemment, cela nous soulage, même si on a perdu une grosse partie de salaire. Avec la réforme engagée par le gouvernement, qui va toucher tous les précaires, on risque de perdre 30% des allocations". Une angoisse qui vient s’ajouter à un contexte déjà difficile à cause de la crise sanitaire.
Lors du premier confinement, une fois passée "la surprise", la metteuse en scène a choisi de se lancer dans une nouvelle création, "je n’ai pas réussi à investir ce temps libre pour ma vie personnelle, j’étais obnubilée par mon métier". Là où certains de ses amis ont fait le choix de reculer leur création en se demandant s’ils pourront l’aboutir un jour, Céline Brunelle a essayé de se projeter, "je me suis dit que lorsque l’on sortira de cette crise, je n’aurais rien à proposer".
La programmation de ce nouveau spectacle est prévue en novembre, au Safran, scène conventionnée d’Amiens. La metteuse en scène y répète depuis plusieurs jours, et ce matin-là, elle se lance également dans la captation vidéo de son dernier spectacle, "la crise lui a mis un coup d’arrêt, par cette vidéo, je veux continuer à le faire vivre".
Dans Mon livre de la jungle, My Calais story, avec l’artiste Isaiah, elle raconte son engagement auprès des migrants sur la jungle de Calais, mais aussi les parcours des exilés qu’elle y a rencontrés.
Cette captation, détaille-t-elle, est à destination des théâtres, des salles de spectacles qui seraient intéressés pour le diffuser, l’objectif est d’en faire la promotion.
Car elle refuse de diffuser en ligne avec une billetterie, "le spectacle vivant doit rester vivant, face à un vrai public, ça serait se tirer une balle dans le pied de tout faire numériquement !".
Lassitude face au manque de perspective
Continuer à exister et à faire vivre les spectacles sur Internet, via les réseaux sociaux notamment, beaucoup d’artistes s’y sont essayés depuis le début de la crise sanitaire. L’Orchestre de Picardie, à Amiens, n’y fait pas exception. Récemment, les musiciens ont joué au milieu des œuvres du Musée de Picardie, pour une captation vidéo à destination de la page Facebook de l’Orchestre.
"Mais cela ne remplace pas un vrai public", admet François Garraud, flûte solo depuis treize ans à l’Orchestre. S’il s’estime privilégié, car salarié, le musicien oscille entre lassitude et baisse de motivation, "pendant le premier confinement, j’ai dû laisser de côté mon instrument, je n’avais plus envie". L’énergie que renvoient les spectateurs lors d’un concert, ce lien imperceptible et indescriptible, lui manque terriblement, "Je veux jouer, même si c’est deux ou trois personnes !".
L’Orchestre a dû s’adapter et ne peut plus répéter dans son lieu habituel, situé dans le quartier Saint-Anne d’Amiens, dans une ancienne chapelle. "C’est trop petit, nous sommes une grosse trentaine, alors pour respecter les distances de deux mètres entre chacun, nous allons au Zénith ou à la maison de la culture", explique François Garraud. Avec toutes les contraintes que cela implique, jouer à distance brouille l’écoute des musiciens entre eux, et perturbent l’oreille.
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Perturbés également, les cours que Marie-Claire Méreaux-Rannou, alto solo de l’Orchestre de Picardie, donne au conservatoire de la capitale picarde. "Nous faisons tout par visio, et dans mes méthodes pédagogiques, j’ai l’habitude de toucher l’instrument, d’aider l’élève à placer ses doigts". Alors elle montre elle-même comment faire, derrière l’écran. "Pour accorder, on a souvent besoin l’aide des parents, car il faut une certaine force que l’enfant de 7 ou 8 ans n’a pas !". Des cours forcément différents, mais la musicienne tient à garder un lien avec ses élèves.
L’espoir des étudiants en école de cirque
Maintenir le lien, et continuer à pratiquer son art, malgré tout. Pour certains, cela n’a pas été évident. Notamment pour les élèves en formation professionnelle de l’école du cirque Jules Verne, à Amiens. Lors du premier confinement, les longs entraînements qui rythmaient leur semaine, se sont interrompus brutalement.
La spécialité de Kema, 22 ans, est le tissu aérien. A huit mètres de hauteur, elle réalise des acrobaties. Une pratique rendue impossible, "dans ma petite maison". Alors elle a eu recourt au système D, "mon père a installé un guidon de vélo dans le jardin pour que je puisse faire des tractions !". Même problème pour Elsa, 24 ans, qui pratique le mât chinois, "cela a été un soulagement quand l’école a rouvert il y a quelques mois pour nous permettre de préparer les concours aux grandes écoles".
Mais les stages ont été annulés. "J’en avais deux de prévu, l’un au Canada, l’autre à Paris", détaille Louis, jongleur. L’étudiant souhaitait se diversifier, apprendre d’autres choses, pour ne pas se limiter à une spécialité et ainsi se donner plus de chance de trouver un travail. Louis terminera bientôt sa deuxième année à l’école du cirque, et habituellement, un spectacle est donné par les élèves "pour montrer tout ce que l’on a appris. On est prêt quand ça rouvrira, et on pourra donner toute l’énergie que l’on garde en nous depuis un an !".
Car tous les trois n’ont envie que d’une chose : se produire devant un public.
J’ai besoin d’un but, explique Elsa, et j’espère que la crise sanitaire aura fait prendre conscience aux gens de l’importance de la culture.
Elle est convaincue que le public reviendra dans les salles de spectacles encore plus nombreux, et que cela durera dans le temps, "Je pense que l’on s’est rendu compte de ce qui manquait vraiment, pendant tous ces confinements, ces couvre-feux, il y a de très belles choses qui ont vu le jour et qui vont perdurer dans le temps, la culture, c’est essentiel … pour tout le monde !".
Spectacle vivant : innovations et réinvention vers le public
Livraisons de spectacles à domicile, adaptations de pièces de théâtres à l'extérieur, représentations numériques et interactives... dans un contexte de paralysie du monde de la culture, depuis plus d'un an, des artistes sont parvenus à surmonter les obstacles, en montant des projets, dans un nouveau rapport avec les spectateurs.
A Fréniches, joli village de 300 habitants dans l’Oise, l’association Yapluk’A s’est installée fin 2019 dans une ancienne maison, dans le but de promouvoir la culture en milieu rural. Le premier confinement a été l’occasion pour les bénévoles et artistes qui la composent, de s’atteler entièrement à la rénovation de ce tiers-lieu, baptisé La Commune. De gros travaux ont été menés pour le transformer en salle de spectacle, aux normes, pouvant accueillir 49 personnes. L’objectif est également d’en faire une résidence pour artistes. "Tout est quasiment prêt, il n’y a plus qu’à ouvrir", lance Corentin Soleilhavoup, artiste conteur musicien, et chargé de production dans l’association.
S’il y a désormais une perspective de pouvoir faire vivre ce lieu un jour, en début d’année, l’avenir était très flou et incertain. "Je suis tombé sur une tribune de Jaques Livchine, directeur du théâtre de l’Unité dans l’Est, se souvient Corentin Soleilhavoup. Il trouvait ça complètement dingue que les artistes n’aient pas inventé des choses depuis le début de la crise. Je me suis dit qu’il avait raison, même si en réalité il y a plein de choses qui s’inventaient, mais cela nous a donné envie de recréer une dynamique plutôt que de rester passif ".
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Un spectacle de 15 minutes sur le pas de sa porte
L’association décide alors de se lancer dans une nouvelle forme de spectacle, "certains d’entre nous l’avaient déjà fait, il y a 15 ans", à savoir : livrer des spectacles à domicile. Plusieurs artistes, des jongleurs, magiciens, marionnettistes, conteurs, musiciens, etc., se retrouvent donc à se produire chez les gens, pour 15 minutes. "Ça permet de respecter les gestes barrières, on se met dans les jardins, sur le balcon ou à la porte de la maison". Une formule clé en main proposée aux mairies, qui payent les prestations sur la journée.
Nous nous occupons de la communication, les gens ont un menu et réservent des créneaux selon les spectacles qui les intéressent.
L’association sillonne ainsi les villages et les villes alentours. "Pour les artistes, ce sont des grosses journées, explique Benoit Ferré, président de Yapluk’A, ils enchainent les spectacles de 15 minutes, et ce n’est pas la même dynamique que pour un long numéro d’une heure, ils doivent apporter tout de suite de l’énergie". Ces livraisons à domicile ont beaucoup de succès. Parmi les demandeurs, un public d’habitués, "c_eux que j’appelle les cultureux_, s’amuse Corentin Soleilhavoup, et puis il y a aussi des gens isolés, loin de la culture. Pour eux, c’est un vrai bol d’air, des séniors nous ont dit que ça leur avait fait beaucoup de bien, parfois ils n’ont vu personne depuis des mois, et ça, pour nous, c’est super de pouvoir de recréer du lien".
Ces spectacles à domicile sont aussi l’occasion pour les artistes de se remettre dans un " trac créatif", et de se frotter à nouveau à un public, avec une grande proximité. Pour le conteur, c’est l’occasion de tester une nouvelle forme de spectacle, qui va persister après la crise, "cela s’appelle rap conte ta mère, c’est du rap accordéon jeune public, toute la matière est extraite des contes traditionnels que tous les enfants connaissent".
A proximité de l’aéroport d’Orly, à Villeneuve-Saint-Georges, une ville populaire au Sud-est de Paris, la compagnie Isabelle Starkier, en résidence au théâtre municipal, multiplie les initiatives depuis le début de la pandémie, pour conserver et renouveler aussi le contact avec le public.
Un spectacle, Boxing Shadows, écrit par un de ses auteurs, le dramaturge australien Timothy Daly, sera joué dans un square et peut-aussi dans des cours d’HLM, au mois de juillet, au Festival Off d’Avignon.
Pour la répétition d’une scène avec une chanteuse lyrique et une comédienne, c’est justement dans une cour d’immeuble que la metteuse en scène et directrice de la compagnie, Isabelle Starkier, installe le décor, en forme de ring, en quelques minutes :
Un décor minimaliste pour pouvoir jouer partout, travailler l'imaginaire. Et je pense que ce qu'on vient chercher au théâtre, c'est ça, c'est à être des "spect'acteurs". Parce qu'on joue avec les comédiens, d'autant plus aujourd'hui ! Et je pense que cette interaction que crée justement le théâtre, il faut la retrouver à tout prix.
Et pour Isabelle Starkier, "en rue, dans des lieux qui ne sont pas théâtraux, cette interactivité est beaucoup plus forte. On demande aux spectateurs à partir de trois bouts de tapis rouge, de deux cordes de ring et de trois piliers en ferraille, d'imaginer qu'ils sont chez quelqu'un, dans un ring, dans une rencontre entre deux personnages, venus de nulle part".
Cette rencontre oppose Cathy, chanteuse lyrique vêtue d'un peignoir de boxe rouge, à Clara qui dialogue avec elle, en répondant par des mots à ses paroles chantées. Clara, jeune comédienne âgée de 24 ans, a conscience de la plus grande difficulté aujourd'hui de faire son métier :
Oui, c'est compliqué parce qu'avec tout ce qui se passe, le Covid, plus de salle de théâtre où jouer, les castings sont compliqués à repérer. Mais c'est vrai qu'avec la compagnie Isabelle Starkier, on a la chance de pouvoir continuer quand même à travailler. Enfin moi, à mon âge, je suis vraiment celle de mes amis qui joue le plus aujourd'hui et je suis vraiment heureuse d'avoir cette chance-là. C'est ma famille, cette compagnie. J'ai appris à finir de me former avec eux. Surtout sur Boxing Shadows. C'est la première fois qu'on m'a confié un aussi gros rôle.
A l'avenir, Clara espère pouvoir réussir à faire du théâtre partout, "à aller peut être plus loin que ce qu'on faisait avant, ne pas aller juste dans les salles et pour les personnes de plus de 90 ans, en déambulateur... qu'on va réussir à aller dans les quartiers qui vont moins au théâtre, à aller partout, dans les écoles ou même dans les prisons, de bouger plus peut-être, "grâce" à ce Covid qui nous empêche d'avoir un lieu fixe".
"Une nécessité vitale de retourner dans tous les lieux, de retrouver d'autres formes"
Et le slogan de la compagnie qui n’est pas subventionnée, souligne Isabelle Starkier, c’est le théâtre partout et pour tous, "plus que jamais, en temps de pandémie. Je pense que la pandémie a révélé une véritable crise qui était que le théâtre était à l'intérieur et entre soi. On est donc maintenant dans une obligation, une nécessité vitale - le théâtre est une nécessité vitale - de retourner dans tous les lieux, de retrouver d'autres formes".
Les cours d'immeubles, les marchés, les endroits insolites sont des lieux qu'elle découvre comme étant théâtraux et fédérateurs :
Quand les gens ouvrent leurs fenêtres, en entendant chanter, en entendant parler, en voyant un décor, il se passe tout d'un coup quelque chose, parce que c'est la surprise de leur vie, j'allais dire. Mais oui, c'est une surprise. C'est plus la télé, c'est plus la routine. C'est quelque chose d'extraordinaire. Et de porter du rêve comme ça, de l'extraordinaire, oui, c'est la mission du théâtre.
De l'escape théâtre pour résoudre une enquête en ligne
A quelques centaines de mètres de la cour d'immeuble, le théâtre municipal permet à la compagnie, en résidence depuis deux ans, de préparer ses projets. Le plus innovant, imaginé dès le début de la pandémie, est bien l'Escape Théâtre. Dans la salle dont la troupe dispose pour monter ses spectacles, Stéphane Miquel, un des plus anciens membres de la compagnie d’une vingtaine de comédiens, passe beaucoup de temps devant son ordinateur, sur ces représentations numériques dont la première a été créée et jouée, dès le premier confinement :
Ça s'appelle Meurtre confiné et on l'a joué d'ailleurs le 5 mai 2020. C'était vraiment en plein confinement et l'intrigue a à voir avec le confinement. C'est une enquête en fait, c'est un jeu. Les spectateurs se connectent en visio. Il y a un meneur de jeu qui est joué par Daniel et qui donne toutes les instructions, comme on peut le voir à l'écran : "Quand l'un d'entre vous veut poser une question, il allume sa caméra et nous savons que c'est lui qui va parler".
Dans cette pièce, le théâtre du meurtre est un hôtel. Stéphane Miquel joue le rôle du gardien. Et il n'y a pas que des comédiens. Le public, précise-t-il, participe vraiment activement :
C'est une interaction, c'est à dire que le public est là tout le temps à trouver les suspects qu'ils vont pouvoir interroger en direct. Avec ce projet, nous avons travaillé, pendant la crise, en nous demandant comment reprendre les rênes, comment redevenir actif, à travers l'improvisation, le théâtre de tréteaux. Même si le média est différent, finalement, nous, on a toujours fait du théâtre en direction d'un public populaire, de tous les publics, en cherchant à amener le théâtre là où il ne va pas. Et donc, l'obstacle a généré notre réponse, cette réponse qui est d'inventer une forme qui puisse continuer à faire vibrer les spectateurs.
Un spectacle conçu sans lumière ni décor dans l'attente du Off d'Avignon
Dans une ambiance plus feutrée, au prestigieux théâtre du Rond-Point, à Paris, tout près des Champs-Elysées, l’auteur et metteur en scène Pierre Notte, reprend les répétitions de sa pièce L'Homme qui dormait sous mon lit : une pièce programmée à l’extérieur, au Festival Off d’Avignon, avec trois comédiens de sa compagnie Les gens qui tombent, Muriel Gaudin, Silvie Laguna et Clyde Yeguete.
Et s’il peut profiter en tant qu’artiste associé du Théâtre du Rond-point de la salle Tardieu, Pierre Notte, bien que figure reconnue du théâtre contemporain, ne bénéficie d’aucune subvention pour son spectacle, conçu sans lumière, ni décor :
Nous avons une scénographie qui consiste à poser des scotchs au sol pour signifier un lit, une fenêtre, les différents espaces de circulation dans l'appartement, la place de la chaise et des absences d'accessoires qui sont mimés par les acteurs. On organise pour que les corps et les voix signifient tout !
Pour des raisons d'abord économiques, le seul moyen de jouer, pour Pierre Notte, "c'est de jouer sans lumière, de jouer sans accessoire, de jouer sans mobilier, de jouer sans costume. Pour des questions de possibilité de rencontrer le public, il faut qu'on joue en extérieur dans ces conditions-là".
La direction d'acteur et le jeu par conséquent s'en trouvent modifiés, comme le confirme la comédienne Muriel Gaudin : "Pierre nous a beaucoup fait travailler une dimension chorégraphique, corporelle. On joue différemment, même au niveau de nos voix, quand on c'est à ciel ouvert".
Et c'est un tout autre rapport au public qui souligne-t-elle aussi, en découle :
On n'est pas dans notre bulle quand on joue. Pas du tout. On voit les réactions des gens. On les sent réagir parce qu'on les voit déjà tout simplement. Ce qui n'est pas le cas quand on a des projecteurs dans la figure. Donc, effectivement, ça change notre rapport. On sent qu'ils sont là, on les voit bouger. Ils sont beaucoup plus présents pour nous, bien sûr ! Quand on sent que le public nous écoute, on le sent plus encore que dans une salle où ils sont dans le noir et où on peut avoir des doutes.
“Un comédien, il doit s’adapter à tout !” : Silvie Laguna, habituée à jouer très proche des spectateurs.
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Puisque la pièce L'Homme qui dormait sous mon lit est adaptée pour être jouée à l'extérieur, en plein jour, Pierre Notte, n'utilise pas de "noir", mais de la musique pour ses transitions : "comme on ne peut pas faire de noir, on a des sons qui permettent de passer d'un temps à un autre temps. C'est le seul effet que nous ayons. Ce sont des morceaux composés très courts de 10 à 15 secondes".
Et il n’est pas question pour Pierre Notte de réserver ces nouvelles pratiques aux représentations à l’extérieur : "Quand on rejouera la pièce dans cette salle Tardieu au Rond-Point, on sera dans la même approche que celle qui nous aura tenue pendant toute la période de confinement. Il n'y aura pas de noir puisqu'on en veut plus maintenant". Il s'agit pour lui de faire exploser les conventions :
On veut aller contre les conventions. On ne peut rien faire ici au théâtre, quand on n'est pas dans la volonté de remettre en cause tout ce qu'on a fait préalablement et quand on ne réinvente pas notre manière d'être ensemble sur le plateau. On travaille donc toujours à inventer de nouvelles formes, de nouveaux moyens de représenter le monde, pour être à nouveau dans une relation nouvelle avec un public, un public nouveau.
“On a hâte que ça commence, on a hâte d’y aller !” : Clyde Yeguete, jeune comédien de la compagnie de Pierre Notte, “Les gens qui tombent”.
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