

Que reste-t-il des printemps arabes ? Dix ans après le déclenchement, les révoltes qui avaient suscité tant d’espoir ont pour beaucoup un goût amer. En Égypte, le bilan catastrophique en terme d'avancées démocratiques a traumatisé une génération entière. Qui refuse, pourtant, de se résigner.
- Stéphane Lacroix Professeur associé à l’Ecole des affaires internationales de Sciences Po, chercheur au CERI
25 janvier 2011. Le souffle du vent de colère qui a chassé du pouvoir Ben Ali en Tunisie arrive sur l'Égypte.
A son tour, le peuple s’y soulève, faisant tomber Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trente ans à la tête du plus grand pays du monde arabe.
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Pendant des semaines, le monde entier vit, fasciné, au rythme de la place Tahrir. Une révolte incarnée par une jeunesse frondeuse et cyberactive, pleine d’idéaux.
Une jeunesse vite broyée par son impuissance et son inexpérience face au duel qui se joue au dessus-d’elle entre les deux principales forces du pays : l’armée et les Frères musulmans.
Elle est incarnée par ces blogueurs, érigés au statut de stars internationales par les médias du monde entier venus les interviewer en 2011, désormais réduits au silence par la dépression, la répression, l'exil.
Parmi eux, Alaa Abdel Fattah, figure emblématique de la révolution, Esraa Abdel Fattah, symbole de la résistance des femmes, ou Solafa Magdy, journaliste indépendante et défenseure des droits humains".
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Toujours emprisonnés, ils font partie des cas régulièrement évoqués par la communauté internationale et les ONG des droits humains qui interpellent le président Abdel Fattah al-Sissi, qui a juré qu'il ne laisserait plus jamais le chaos se reproduire en Égypte.
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Après l’élection du président islamiste Mohamed Morsi, puis sa destitution par l’armée en 2013, et l'arrivée au pouvoir l'année suivante d 'Abdel Fattah al-Sissi, une répression croissante s'est en effet abattue sur toute forme d'opposition, islamiste ou libérale.
L'Égypte d'Abdel Fattah al-Sissi compte quelque 60 000 "prisonniers politiques", selon les organisations de défense des droits humains. Ce pays de 100 millions d'habitants est une "prison à ciel ouvert", selon l'ONG Amnesty International.
La reprise en main, avec répression sanglante et emprisonnement de milliers d'islamistes, a été féroce.
Une génération traumatisée
Pour la jeunesse de la place Tahrir, la chute est terrible. L'espoir et l'euphorie renvoyés par ces images de soulèvement relayées en boucle sur les chaînes d'informations avaient chassé un temps le fatalisme de la vie politique du Moyen-Orient, rendant tout "possible".
Si je pouvais revenir en arrière, j’essaierai de faire mieux, pour que ça termine mieux. Si je pouvais revenir en arrière, J’essaierai d’apprendre des autres révolutions pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Nous étions prêts à tout sacrifier pour mettre en l’air le système, sans être capable pour autant de proposer un plan alternatif. La prochaine fois, dans un an, cinq ans, ou dix ans, il faudra que l'on soit prêts.
Ramy Essam, le "barde" de la place Tahrir
En 2011, Ramy Essam, jeune musicien de 23 ans, avait accédé à la notoriété en grimpant, guitare à la main sur l'estrade de la place Tahrir.
Il reprend les cris de la foule : Dégage !" ("irhal !") - et un slogan - "Le peuple veut la chute du régime" ("Al-chaab yourid iskat al-nidham"). Des mots qui se sont répandus à travers tout le Proche-Orient, renforçant le sentiment d'une destinée régionale commune.
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Ces paroles résument le puissant désir de changement et de liberté parmi des dizaines de millions d'Arabes. Le cri d'une génération qui ignorait jusque-là ses propres capacités, et qui résonnent aujourd'hui dans les colères qui secouent à nouveau cette région, en Irak, au Liban ou au Soudan.
Pour la militante égyptienne Shahinaz Abdel Salam, ces mouvements sont des "répliques" sismiques de la place Tahrir. "Il y a dix ans, les jeunes qui se soulèvent aujourd'hui dans ce pays étaient des enfants. Ils ont été marqués par ces images, peut-être. Et ils ont appris de nous : ils nous disent qu'ils ne se feront pas avoir comme les Égyptiens, ils savent qu'il ne faut pas faire comme nous, laisser la place à l'armée ou aux islamistes", regrette-t-elle aujourd'hui.
Cette "naiveté", cette "inexpérience", est un prix lourd à payer reconnaissent les jeunes de Tahrir : la prison, la mort pour certains, comme le jeune réalisateur Shady Habash, mort en prison à 24 ans après avoir été arrêté pour avoir monté et réalisé la vidéo du clip Balaha, de Ramy Essam, sorti en 2018.
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A découvrir aussi sur internet :
Araborama "Il était une fois... les révolutions arabes", ouvrage collectif (2021, éditions du Seuil/Institut du Monde arabe)
"Egypte, les chemins de la liberté", Shahinaz Abdel Salam et Tangi Salaün (Éditions Michel Lafon)
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