En Calabre, sur les terres de l'anti-mafia

Sur les grilles des vergers de la Coopérative Valle del Marro, à Gioia Tauro, un panneau indique "Bene confiscato alla mafia" : terres confisquées à la mafia. La parcelle de cinq hectares a été saisie en 2000 à la famille d’un "boss" de la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, parti en prison pour des années. En 2013, ces terres laissées à l’abandon ont été confiées par l'Etat à la coopérative. Sept ans plus tard, les onze salariés ont débroussaillé, replanté et produisent ici agrumes et huile d’olive bio. 

L'ombre de la mafia près des champs

La mafia a toujours été très intéressée par l’agriculture  à cause des subventions de la communauté européenne, qu'elle pille depuis des années. Et si aujourd'hui, les ouvriers agricoles travaillent ici dans la légalité, l’ambiance mafieuse reste prégnante alentour. Les dirigeants racontent qu'il ne se passe pas six mois sans qu’il y ait une attaque contre eux. 

À leur grande époque, les "familles" ont affiché leur puissance dans toute la région, en construisant les maisons  les plus impressionnantes. Ces immeubles ont aujourd’hui changé de destin, comme l’ex-"palazzo Versace", du nom d’une des familles mafieuses. Confisqué, il abrite aujourd’hui un centre polyvalent pour les jeunes, une auberge de jeunesse, et une antenne médicale qui prend en charge les travailleurs immigrés de propriétés mafieuses de la région, payés au noir et sans couverture maladie. La grande salle des mariages qui était installée au premier étage du "palazzo" n’a pas tout a fait disparu, les nouveaux habitants du lieu ont voulu en garder trace pour se souvenir du passé.

Le souvenir de Rossella Cassini, victime de la mafia

A Gioia Tauro, une grande villa confisquée abrite un centre de recherche sur les pratiques mafieuses. Dans le hall d’entrée, l’immense portait d’une jeune fille : Rossella Cassini ,dont la maison porte dorénavant le nom. C'est une martyre de la mafia. L'homme qu'elle a aimé était le fils d'un mafieux, la famille l'a faite assassiner et jeter son corps à la mer. On n’a jamais pu lui rendre justice, les exécuteurs n'ont même pas été identifiés. 

En Calabre, comme dans toutes les provinces où sévissent des clans mafieux, l’Eglise est très engagée dans le combat anti-mafia. De nombreux bâtiments ou terrains lui sont confiés, grâce à la place qu’elle tient encore dans la société italienne, à la confiance de la population, et aussi parce qu’elle parvient parfois plus facilement que des associations à financer des projets. La ville de Gioia Tauro, s’enorgueillit d’avoir la première église bâtie sur un terrain confisqué à la mafia. 

En Italie, 100 000 biens ont été confisqués en 25 ans et  cela commence à compter à l’échelle du pays. Dans les régions, l’exemple de ceux qui parviennent à s’affranchir des pouvoirs mafieux participe aussi au changement des mentalités.
En France, une loi qui s’inspire de la loi italienne est en gestation, elle devient cruciale au moment où les forces de polices soulignent comment la mafia s’est petit à petit installée dans le sud de la France.  

* Reportage réalisé à l'occasion d'une formation Erasmus + de l'Union Européenne organisée par l'association française Crim'Halt