

Après l'escalade verbale, la rupture : les tensions entre Rome et Paris ont culminé début février, avec le rappel de l'ambassadeur français. Du jamais vu depuis la Seconde Guerre. En arrière-plan, la relation complexe entre peuples cousins, façonnée par l'Histoire, exacerbée par le fait migratoire.
- Marc Lazar Pofesseur d’histoire et de sociologie politique, directeur du Centre d’histoire de Sciences Po à Paris
Le 15 février dernier, l’ambassadeur français à Rome Christian Masset réintègre le prestigieux palais Farnèse, après avoir été, pendant une semaine, rappelé à Paris. Fait inédit depuis la seconde guerre mondiale, et paroxysme d’une crise diplomatique qui couve depuis plusieurs mois. Car entre le français Emmanuel Macron et les italiens Matteo Salvini et Luigi di Maio, la guerre est très vite déclarée. Guerre des mots – « lèpre nationaliste » contre « très mauvais président de la République » - et guerre des images, dont celle de Luigi di Maio rendant visite en France à des "gilets jaunes".
Une crise diplomatique alimentée par des considérations de politique intérieure italienne, la Ligue et les 5 Etoiles gouvernant ensemble, mais s’affrontant dans les urnes. Crise sentimentale aussi, tant le lien qui unit les « cousins » français et italiens relève de la jalousie, de l’admiration, du dépit, de la frustration. Interroger le « sentiment anti-français » qui affleure en Italie, suppose de traverser la frontière, et les frontières entre le sport, la culture, les travaux publics, la politique… un voyage où l’on croise des cousins qui ne nous aiment pas, mais aussi de nombreux francophiles.
La Coupe du monde... sans l'Italie
A l'été 2018, les Bleus sont champions du monde... et l’Italie déprime. Dans un pays où le Calcio est une affaire éminemment sérieuse, les supporters ont massivement soutenu la Croatie. Réflexe anti-français ? Dépit, surtout, de ne pas en être : la Squadra Azzurra a été éliminée à l'issue des phases de qualification.

Les migrants
Plus question d'accueillir les bateaux de migrants. A son arrivée au pouvoir en juin 2018, Matteo Salvini, chef de la Ligue et ministre de l'Intérieur, prévient : l'Italie ne gérera plus seule les bateaux de migrants s'approchant de ses côtes. Emmanuel Macron dénonce l'"irresponsabilité" et le "cynisme" italiens, et fustige la "lèpre" nationaliste, à quelques mois des élections européennes. Au-delà des Alpes, on brocarde le double-langage de la France, qui donne des leçons de morale mais refoule les migrants. Pendant qu'à la frontière, des jeunes gens en quête d'une vie meilleure continuent de tenter leur chance, au péril de leur vie, en essayant de traverser les Alpes en plein hiver.

Photos : à droite, en haut : en gare de Bardonecchia, devant la porte de l’ONG forcée par les douaniers français le 30 mars 2018, Abdulai, médiateur, tente d’orienter les migrants en errance. A droite, en bas : Roméo, médiateur, dans la tente de la Croix Rouge installée à proximité de la gare de Oulx.
La liaison ferroviaire transalpine Lyon Turin
En France, on l’appelle « la Lyon-Turin ». En Italie, « il TAV », ou Treno Alto Velocità. Né il y a près de 30 ans, ce projet de tunnel de 57 km creusé dans le massif du Mont Cenis est ardemment combattu dans le Val de Suse, où on le juge inutile et dangereux. Un projet aujourd’hui au point mort. La France et l’Union européenne réclament une décision rapide, mais l’Italie hésite. Car la ligne Lyon-Turin est avant tout l’enjeu d'un bras de fer italo-italien, projet suspendu à une coalition à l'avenir incertain..


Photos : Chiomonte, dans le Val de Suse, à proximité du chantier du TAV côté italien.
Pier Giuseppe Gilli, directeur construction, dans la galerie de reconnaissance de la Maddalena.
Léonard ou Leonardo de, da Vinci ?
Entre la France et l’Italie, la querelle est aussi culturelle. En octobre prochain, doit se tenir au Louvre une grande exposition célébrant le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. L'Italie menace de ne pas prêter ses chefs d'œuvre, malgré l'accord conclu par le précédent gouvernement.

"France - Italie : nous nous sommes tant aimés", un "Grand Reportage" de Louise Bodet. réalisé par Jean-François Braun et présenté par Catherine Petillon.
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