"Gilets jaunes", un an après : les mutations d'une contestation

A Paris, une semaine avant la date anniversaire du mouvement, ils étaient près de deux cent personnes à défiler dans la rue.
A Paris, une semaine avant la date anniversaire du mouvement, ils étaient près de deux cent personnes à défiler dans la rue. ©Radio France - Sophie Delpont
A Paris, une semaine avant la date anniversaire du mouvement, ils étaient près de deux cent personnes à défiler dans la rue. ©Radio France - Sophie Delpont
A Paris, une semaine avant la date anniversaire du mouvement, ils étaient près de deux cent personnes à défiler dans la rue. ©Radio France - Sophie Delpont
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Un an après la première mobilisation des "gilets jaunes" dans la rue, sur les ronds-points et dans les villes, où en est la mobilisation ? Immersion au cœur des actions des "gilets jaunes" à la veille du premier anniversaire de ce mouvement social inédit.

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C'est un mouvement inédit, qui a bouleversé l'actualité depuis un an. Ce reportage propose d'explorer la manière dont les "gilets jaunes" se mobilisent et tentent toujours de se structurer un an après. Le 17 novembre 2018, lors de l’Acte 1 du mouvement, les autorités avaient dénombré 282.000 manifestants. Lors des derniers actes, ils n’étaient plus que quelques milliers dans les rues. L’avenue des Champs-Elysées est sous haute surveillance depuis les dégradations du 16 mars, alors que des gilets jaunes rêvent de s’y rassembler à nouveau pour rappeler leurs revendications non satisfaites malgré le grand débat national et les 17 milliards d'euros de mesures promises. Les mots d'ordres en faveur du pouvoir d’achat, de la lutte contre les inégalités sociales, et l'instauration d'une démocratie participative, restent au cœur de leur protestation. 

Michel, 63 ans, gilet jaune du rond-point d'Allonnes près de Beauvais dans l'Oise.
Michel, 63 ans, gilet jaune du rond-point d'Allonnes près de Beauvais dans l'Oise.
© Radio France - Sophie Delpont

Dans l'Oise, à Allonne, près de Beauvais, des "gilets jaunes" occupent toujours un espace qu'ils ont baptisé leur "QG", un terrain qui surplombe le rond-point au sud de la ville. "On est jamais parti" déclare Michel, 63 ans. Il a établi des permanences deux fois par semaine et fondé une association pour le maintien d'une agriculture paysanne. Sur le rond-point, il raconte comment les personnes qui ne s'étaient jamais engagées avant se sont "politisées" à travers les échanges, tout en restant apolitiques.

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Grand reportage
56 min
Sandrine et Olivier, anciens gilets jaunes de l'Yonne à Sommecaise.
Sandrine et Olivier, anciens gilets jaunes de l'Yonne à Sommecaise.
© Radio France - Sophie Delpont

A Sommecaise, petit village de l'Yonne, Sandrine et Olivier, chauffeurs de bus scolaire à temps partiel en situation très précaire, ont participé au mouvement au début, en allant manifester à Paris, avant d'être découragés par les charges des forces de l'ordre mais aussi par les mutations des revendications des "gilets jaunes". 

On aurait dû rester sur le pouvoir d'achat et ne pas dévier,

selon Sandrine. Un an après, elle estime que "le mouvement est toujours nécessaire" et réfléchit à aller manifester à Paris le 16 novembre.

Des actions sociales issues des ronds-points

Plusieurs maraudes de "gilets jaunes" ont vu le jour, à l'origine en redistribuant de la nourriture donnée par des automobilistes sympathisants du mouvement. C'est le cas notamment à Beauvais. A Nice, un an après, un petit groupe continue d'organiser une collecte de produits alimentaires, via internet cette fois, et distribue ensuite ces dons aux sans-abris.

L'Assemblée des assemblées, une tentative de coordination nationale 

A Montpellier, les gilets jaunes ont tenu trois jours d'ateliers et de plénières sur le site du musée désaffecté d'Agropolis.
A Montpellier, les gilets jaunes ont tenu trois jours d'ateliers et de plénières sur le site du musée désaffecté d'Agropolis.
© Radio France - Sophie Delpont

A Montpellier, près de 500 "gilets jaunes" venus de 200 ronds-points se sont rassemblés pendant trois jours pour réfléchir à l'avenir du mouvement. A cette occasion, un appel à se mobiliser le 5 décembre prochain aux côtés des syndicats a été lancé.

 "Le mouvement est toujours vivace

selon Christophe Chapuis, l'un des organisateurs de cette quatrième Assemblée des assemblées nées de "l'appel de Commercy", petite ville de la Meuse, le 27 janvier dernier par des "gilets jaunes".

Les gilets jaunes et la démocratie

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4 min

Selon Pascal Perrineau, professeur émérite de Science politiques à Science Po Paris et chercheur au CEVIPOF, cette année a vu trois visages de la démocratie s'exprimer : celle de la rue avec le mouvement des gilets jaunes, celle de la démocratie participative avec le grand débat national et le retour à la démocratie représentative avec les élections européennes. Il met en avant la déconnexion de la démocratie directe de la rue, la démocratie délibérative du grand débat et la démocratie traditionnelle représentation politique qui passe par le vote. 

La démocratie représentative cherche une ressource en ayant recours à la démocratie participative souligne Pascal Perrineau.

1 min

Selon Loïc Blondiaux, sociologue et professeur de sciences politiques :

"A l'échelle de l'histoire politique française, je pense très sincèrement que les gilets jaunes sont un événement majeur. [...] Parce que ces gilets jaunes ont réussi à mettre sur l'agenda deux questions essentielles qui avaient été occultées depuis très longtemps : la question de l'égalité, celle de la justice sociale et la question de la démocratie".

Pour Loïc Blondiaux, les gilets jaunes ont poussé à réinventer l'exercice démocratique.

5 min

La dénonciation des violences policières au cœur du mouvement des gilets jaunes 

Le documentariste David Dufresne, auteur du roman "Dernière sommation", grand prix du jury des Assises du journalisme a dénombré près de 860 cas d'agressions de gilets jaunes lors des manifestations, parmi eux 24 éborgnés et 5 mains arrachées.  La police des polices, l'IGPN a été saisie de 313 enquêtes dont les deux tiers ont été transmises à la justice. A l'heure actuelle, 54 ont été classées sans suite faute de preuves suffisantes. A Paris, deux policiers seront jugés en correctionnelle pour des accusations de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique.

David Dufresne a signalé les cas de violence envers des gilets jaunes lors des manifestations en interpellant la place Beauvau.

3 min