Barack Obama avait promis de fermer cette base militaire, à Cuba, entrée dans l'histoire de la lutte contre le terrorisme. Le Président démocrate n'en a rien fait et l'administration Trump veut garder le lieu ouvert pour vingt ou trente ans encore. Il n'y reste que 40 détenus.
- Mourad Benchellali Auteur
L'an prochain doit s'ouvrir le procès des cinq hommes accusés d'avoir planifié les attentats du 11 septembre 2001. Inculpés il y a déjà dix ans, ils attendent depuis une quinzaine d'années d'être fixés sur leur sort, à Guantánamo. Ils ne sont pas les seuls à végéter dans cette prison d'exception ouverte par l’administration Bush fils à la pointe Sud-Est de l'île de Cuba. Au total, 40 hommes sont toujours enfermés dans cette baie louée aux Américains depuis 1903, et les trois quarts d'entre eux n'ont fait l'objet d'aucune inculpation ou poursuite. Cinq détenus ont même été jugés libérables, mais l'administration Trump s'est pour l'instant opposée à leur sortie. "Voilà notre destin : mourir sans avoir été reconnu coupable", a confié à son avocat un prisonnier yéménite qui a fait plusieurs grèves de la faim.
Mais il est difficile de juger ces hommes sans évoquer les conditions dans lesquelles ils ont été interrogés. Et le secret-défense est régulièrement opposé à ceux qui veulent faire la lumière sur les méthodes de la CIA et de l'armée américaine dans un contexte de guerre contre le terrorisme. Le Camp X Ray, le premier à avoir accueilli des détenus, en 2002, est aujourd’hui désaffecté, les baraquements et les miradors sont recouverts de végétation. Mais il a été décidé de laisser le site en l’état. Pour les organisations de défense des droits de l’Homme, c’est une scène de crimes où la torture a été pratiquée sans doute jusqu’en 2009, moment où l’administration Obama officialise l’interdiction de la torture par les troupes américaines.
Depuis 2002, 780 personnes sont passées par Guantánamo. Barack Obama avait annoncé sa fermeture mais il n'a pas tenu sa promesse. Son successeur rêverait de la remplir à nouveau si seulement elle ne coûtait pas si cher.
En dix-huit ans de fonctionnement, Guantánamo a déjà coûté 6 milliards de dollars aux contribuables américains. Guantánamo qui mobilise 1 800 soldats et 300 employés privés. Avec un personnel non permanent et une rotation des gardiens tous les neuf mois. Journaliste au New York Times et spécialiste du lieu, Carol Rosenberg souligne que :
Cette prison coûte 13 millions de dollars par an et par prisonnier, d'après une étude que nous avons trouvée. Le séjour d'un militaire ici revient à peu près à 100 000 dollars. Et Guantánamo coûte cher parce que c'est loin de tout, isolé. Au total, la base compte 6 000 habitants, comme une petite ville. Sans aucune relation avec Cuba. Ils ne peuvent absolument rien acheter là-bas à cause de l'embargo politique et économique. Tout ce qui arrive ici coûte cher. La moindre chose que vous mangez est arrivée réfrigérée via un porte-container ou par un avion frigorifique qui atterrit sur place chaque semaine (avec fruits, légumes et produits frais).
La base américaine de Guantanamo, qui partage 28 kilomètres de frontières avec Cuba, vit en effet en parfaite autonomie. Toute la nourriture, le moindre matériel (générateurs, ordinateurs, voitures) arrive des États-Unis. D’ailleurs, sur le port, des dockers (essentiellement des Philippins et des Jamaïcains employés par des sociétés privées) sont occupés à décharger les centaines de containers d’une énorme barge qui arrive deux fois par mois de Floride.
Ici, on capte les programmes de la radio cubaine, mais aussi ceux de Radio GTMO, la radio militaire US qui diffuse en AM et en FM. Son slogan : "Rockin’ in Fidel’s backyard". Les émissions sont animées par des soldats. La radio existe depuis les années 50 et abrite encore une collection de vinyles un peu poussiéreux. Il paraît qu’en fouillant un peu, on peut y trouver des éditions originales des premiers 33-tours des Beatles, ou des Beach Boys.
Notre correspondant à Washington, Gregory Philipps, a passé cinq jours sur place en novembre dernier à l'occasion de commissions militaires. Pour commenter son "Grand Reportage" : Mourad Benchellali, conférencier, ancien détenu de Guantánamo (pendant deux ans et demi, libéré en juillet 2004 puis condamné à un an de prison ferme en France).
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