Pakistan : les damnés du blasphème

Le 12 octobre 2018 à Karachi, lors d'une manifestation d'un parti islamiste pour demander à la Cour suprême de confirmer la condamnation à mort d'Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème.
Le 12 octobre 2018 à Karachi, lors d'une manifestation d'un parti islamiste pour demander à la Cour suprême de confirmer la condamnation à mort d'Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème. ©Maxppp - Shahzaib Akber
Le 12 octobre 2018 à Karachi, lors d'une manifestation d'un parti islamiste pour demander à la Cour suprême de confirmer la condamnation à mort d'Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème. ©Maxppp - Shahzaib Akber
Le 12 octobre 2018 à Karachi, lors d'une manifestation d'un parti islamiste pour demander à la Cour suprême de confirmer la condamnation à mort d'Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème. ©Maxppp - Shahzaib Akber
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En octobre dernier, la chrétienne Asia Bibi est acquittée du crime de blasphème pour lequel elle a été condamnée à mort en 2010 au Pakistan. Sa libération est un précédent historique mais son cas est loin d'être isolé. Plusieurs dizaines de Pakistanais restent condamnés à mort pour blasphème.

Avec
  • Laurent Gayer Chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (CERI/Sciences Po, Paris)

Le 31 octobre dernier, après dix ans de marathon judiciaire, la mère de famille chrétienne Asia Bibi est acquittée. Condamnée pour blasphème, l'ancienne ouvrière agricole aura passé neuf ans dans les couloirs de la mort à cause d'une dispute avec des femmes musulmanes au sujet d'un verre d'eau.

Si sa libération constitue un précédent historique car les juges de la Cour suprême d'Islamabad sont restés inflexibles quant aux recours judiciaires déposés contre le verdict, le cas d'Asia Bibi n'a rien d'isolé.

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Une ferme dans la province du Penjab près d'Ittanwali, le village d'où est originaire Asia Bibi
Une ferme dans la province du Penjab près d'Ittanwali, le village d'où est originaire Asia Bibi
© Radio France - Solène Fioriti

Plusieurs dizaines de Pakistanais sont toujours condamnés à mort pour blasphème et attendent des années avant d'être jugés.  Les minorités religieuses, qui représentent pourtant moins de 3% de la population du pays, formeraient presque un tiers des condamnés. La plupart du temps, les accusations reposent sur des inimitiés et des querelles de voisinage.

Si le Pakistan cherche à polir son image à l'étranger en affirmant protéger ces minorités, les lois sur le blasphème, elles, se font toujours plus extrêmes : depuis deux ans, blasphémer sur Facebook est ainsi passible de la peine de mort. C'est ce qui est arrivé au jeune Patras, 16 ans, accusé de blasphème par des mauvais perdants, après un match de cricket dans son quartier. 

En enquêtant sur place auprès de la population, force est de constater la haine généralisée et entretenue à tous les niveaux envers les minorités religieuses. Les hindous et chrétiens mais pas seulement, la minorité musulmane Ahmadi est également persécutée et souvent accusée d’apostasie. 

Cette affiche rend hommage à des Pakistanais qui ont tué des personnes au nom du blasphème, dans le mausolée de Mumtaz Qadri, lui-même auteur d'un tel crime.
Cette affiche rend hommage à des Pakistanais qui ont tué des personnes au nom du blasphème, dans le mausolée de Mumtaz Qadri, lui-même auteur d'un tel crime.
© Radio France - Solène Fioriti

Les accusations vont au-delà des auteurs du présumé blasphème. L’Occident, les États-Unis, l’Inde, Israël sont accusés et perçus comme les nations manipulatrices. Par ailleurs, aborder publiquement la question du blasphème c’est aussi s’exposer à des risques de mort. 

Sur place des avocats, des militants pour les droits de l’homme défendent ceux qui sont accusés de blasphème et condamnés à mort. Pour le maître Saif Ul Malooq qui a défendu Asia Bibi, "la Cour suprême a prêté le serment de protéger la constitution de ce pays et elle s’y est tenue." Pour la présidente de l’ONG Justice for Pakistan Sarah Bilal, la question du blasphème a été tellement politisée qu’elle est devenue une "no go zone", l’ingérence internationale dessert même selon elle "une réappropriation" de ce débat par la société pakistanaise.

Journal de 12h30
25 min