Trente ans après la chute du Mur de Berlin, que se passe-t-il dans la tête des Allemands de l’Est ? Pourquoi 57% d’entre eux se considèrent comme des citoyens de seconde classe ? D'où vient ce sentiment de frustration et le ressentiment à l’égard du voisin Ouest-allemand ?
- Michèle Weinachter Maître de conférences en études germaniques contemporaines à l’Université de Cergy Pontoise et à Sciences-po Saint-Germain-en-Laye, membre du comité de rédaction de la revue Allemagne d'aujourd’hui
Ce "Grand Reportage" donne la parole aux Allemands de l’Est. C’est un parti pris car ceux qui ont changé de régime subitement avec la chute du mur et la réunification, ce sont eux. Ceux qui ont fait tomber le Mur il y a trente ans, ce sont eux.
Aussi parce qu’en se plongeant dans les archives pour préparer cet anniversaire, on se rend compte, avec étonnement, qu’à l’occasion des précédentes commémorations - Berlin a célébré les 10 ans, les 20 ans, les 25 ans de la chute du Mur - la parole n’avait pas été si souvent donnée aux Allemands de l’Est.
Enfin, parce que l’actualité récente, trois élections régionales dans des Länder de l’Est, soit plus de la moitié de ce qu’était la RDA, ont mis la lumière sur les citoyens de cet ex-République démocratique allemande d’une bien étrange façon. 1 électeur sur 4 en moyenne a voté pour le parti d’extrême-droite AfD alors que beaucoup d’entre eux ont grandi derrière ce mur que la propagande de la RDA appelait le « mur de protection antifasciste ».
Que se passe-t-il aujourd’hui dans la tête des Allemands de l’Est ? Pourquoi 57% d’entre eux se considèrent comme des citoyens de seconde classe ? D’où vient ce sentiment de frustration ? Pourquoi le ressentiment à l'égard du voisin de l'Ouest semble plus fort qu’il ne l’a jamais été ?
Ce "Grand Reportage" leur donne la parole. La parole aux « vaincus » comme ils se surnomment parfois, mais « vaincus » par qui ? Alors qu’ils ont gagné la liberté et se sont défaits d’un régime policier. Que s’est-il passé ces trente dernières années ? Comment en est-on arrivé là ?
Les témoins de ce "Grand Reportage"
- Peter Keup, 61 ans, est né en RDA en 1958 à Radebeul (Saxe) où ses parents communistes de l'Ouest avaient choisi de s'installer. Il passera un an dans la prison de Cottbus (Brandebourg) pour avoir voulu fuir la RDA. Aujourd'hui, il travaille dans cette prison mais revenir à l'Est reste difficile et y vivre lui serait impossible.
- Angela et Klaus-Dieter Erber, 54 et 58 ans, ils vivent à Olbernhau en Saxe. Après la chute du Mur, Angela a perdu son emploi et n'en a presque plus jamais retrouvé depuis. Elle se considère toujours comme une citoyenne de RDA. Son mari, Klaus-Dieter était policier de RDA, il est aujourd'hui policier de l'Allemagne réunifiée. Ils considèrent que la vie était plus facile avant le tournant de 1989.
- Eckhard Netzmann, 81 ans, est né en 1938 à Mycielin en Silésie (actuelle Pologne). Il a connu enfant les bombardements de Dresde par les Américains pendant la Seconde guerre. Il quitte l'école à 14 ans et deviendra quelques années plus tard, "grâce à la RDA" dit-il, un chef d'entreprise à la tête d'un Combinat et de 320 000 salariés.
- Katrin Rohnstock, 59 ans, est née à Iéna (Thuringe). En 1985, à 25 ans, elle s'installe à Berlin-Est. Près de dix ans après la chute du Mur, elle fonde une maison d'éditions Rohnstock Biografien et publie essentiellement des biographies et des récits de vie d'Allemands de l'Est. Et elle est fière d'être une "Ossi", une Allemande de l'Est.
Rediffusion de l'émission du 8 novembre 2019
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