

A partir de 1912, tout va très vite, dans la vie d'Anna Akhmatova. Elle découvre la vie de femme mariée, écrit des poèmes mélancoliques, connaît la gloire et les chagrins d'amour. Puis survient la révolution, c'est pour les poètes une énergie nouvelle et bientôt, le désenchantement.
Il est une mémoire qui ne meurt jamais.
En octobre 1911, Anna Akhmatova, à son retour de Paris, et après avoir quitté Amedeo Modigliani qu'elle ne reverra jamais, car il meurt de tuberculose en 1920, rejoint Kolia Goumiliov à l'Atelier des Poètes qu'il vient de fonder avec le poète Ossip Mandelstam.
Anna et Kolia vivent d'abord chez la mère de Kolia puis à Tsarkoie Selo, dans une minuscule chambre d'étudiant qu'ils nomment Toutchka, le petit nuage, un mot qui en dit long sur leur complicité poétique et intellectuelle, une complicité littéraire qui n'a d'égale que celle qu'ils partagent avec Ossip Mandelstam. Ils vont très souvent à Saint-Pétersbourg pour ces réunions, consacrées à réfléchir sur la poésie nouvelle, cet acméisme qu'ils incarnent.
Longtemps après la mort de ses deux amis, Anna Akhmatova murmure souvent qu'elle a poursuivi toute sa vie un dialogue muet avec eux deux, les ombres des deux poètes ne la quitteront jamais.
Mais voici que la guerre est déclarée par l'Allemagne à la Russie. Nous sommes le 1 août 1914. En une heure nous avons vieilli de cent ans, dit Anna. Dès le 31 août, Saint-Pétersbourg change de nom pour se nommer Pétrograd. L'ancien nom sonne trop allemand (alors qu'en réalité c'est un nom hollandais). Alors on adopte une traduction patriotique : Pétrograd en russe, c'est la ville de pierre. Ville toujours révolutionnaire et bientôt martyre.

Octobre 17 arrive.
Manifestations, grèves, déclarations enflammées. Guerre patriotique et bientôt famines. Akhmatova raconte cela dans son texte sur son ami Mandelstam. Il restait, dit-elle, des affiches défraîchies comme les étendards de Napoléon, affiches annonçant les soirées poétiques de Blok, Goumiliov, Mandelstam.
La révolution se heurte vite à ses ennemis innombrables, et à sa propre impuissance. La répression commence. En 1921, le mari d’Akhmatova est fusillé, accusé d’un complot fantaisiste. Elle est veuve à trente ans et mère d’un petit garçon de huit ans.
La lutte fait rage sur le front de la poésie : Vladimir Maiakovski déclare que la poésie d’Akhmatova, intimiste, féminine, n'a aucun sens pour leur époque rude, leur époque de fer. Ses poèmes sont, dit-il, des anachronismes absurdes et ridicules. Il propose qu'on lui interdise d'écrire durant trois ans, tant qu'elle ne se sera pas corrigée.
Pourtant Alexandra Kollontaï va prendre sa défense dans la revue la Jeune Garde, et dans une session de l'école des Cadres du parti. Anna Akhmatova, écrit-elle, chante non pas la femme en général, mais une femme inédite. Certes elle n'est pas communiste, mais une femme communiste comme moi, peut pleurer et être bouleversée par les petits volumes tout blancs d'Akhmatova.
Ses poèmes permettent aux autres femmes, celles qui travaillent, qui tentent de se frayer un chemin nouveau dans la vie, de retrouver leur dignité bafouée. Mais Akhmatova est bientôt interdite de publication. Elle vit de thé et de pommes de terre, elle est dans la misère, à Leningrad rebaptisée.
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