Les agriculteurs prennent la parole ! Ras-le-bol des clichés et des critiques sur leur métier : de plus en plus de producteurs contre-attaquent sur les réseaux sociaux, pour interpeller, témoigner, mais aussi élargir leur clientèle. Rencontre avec ces paysans YouTubeurs et Twittos.
La 55e édition du Salon de l’agriculture ouvre ses portes ce samedi. Près de 700 000 visiteurs y sont attendus pour découvrir le millier de stands installés. Les agriculteurs seront au rendez-vous, certains présentent déjà leurs produits et leurs bêtes sur les réseaux sociaux. Car ils sont de plus en plus nombreux à s’exprimer via leur smartphone pour défendre leur métier et témoigner de leur quotidien. Certains sont devenus leur propre média en créant, par exemple, leur chaîne YouTube. D’autres voient en ces réseaux l’opportunité de parler directement aux consommateurs et potentiels clients. Des agriculteurs connectés tous pressés de raconter leur vérité. Témoignages recueillis par Charlotte Lalanne.
Des paysans YouTubeurs à l’assaut de "l’agribashing"
La vidéo s’intitule " Visite de ma ferme" : avec 54 000 vues, elle fait partie des plus populaires de la chaîne de Gilles Van Kempen. Ce paysan du Loiret est l’un des premiers agriculteurs à avoir adopté YouTube il y a deux ans, sous le nom de "Gilles VK", avec la ferme intention de se défendre contre "l’agribashing", "tous ces articles et émissions qui cassent notre agriculture", juge-t-il.
Le gros souci, c’est qu’on n’a pas les mêmes objectifs : souvent le média veut faire de l’audience, or c’est plus facile d’en faire avec de la peur et des scoops à sensation qu’avec des agriculteurs au jour le jour. Moi, mon objectif est de parler de mon métier positivement.
Un mois après la diffusion de l’émission Cash Investigation sur l’utilisation de pesticides dans l’agriculture en février 2016, Gilles Van Kempen se lance dans l’aventure YouTube.
Chaque samedi, il raconte à ses quelque 8 800 abonnés le quotidien de son travail : jours de semis ou de moisson, réparation des machines, vues du ciel de la ferme sous la neige filmées en drone, mais aussi des vidéos aux accents plus politiques : "Pourquoi et comment j'utilise le glyphosate" par exemple, en référence au débat sur cet herbicide classé cancérigène probable par l'Organisation Mondiale de la Santé, que le gouvernement prévoit d'interdire d'ici à trois ans.
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Comme lui, David Forge et Antoine Thibault font partie des agriculteurs français les plus populaires sur YouTube. Le déclic, pour Antoine Thibault, s’est fait en novembre 2016, quand plusieurs associations animalistes publient Le manifeste animal politique : "Je me suis aperçu que je respectais tous les critères demandés dans le volet élevage" explique Antoine Thibault sur le compte Twitter de Hashtag. "Je me suis dit que les syndicats agricoles allaient communiquer, et je n’ai rien vu. C’est comme ça que j’ai posté ma première vidéo, qui a eu un succès inattendu avec 50 000 vues. "
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"Reprendre la main sur notre image face à la grande distribution"
Avec leurs chaînes YouTube, ces agriculteurs font entrer le grand public dans leur ferme et donnent à voir leur réalité, loin de l’image d’Epinal parfois véhiculée par la grande distribution. "Les distributeurs ont compris le besoin des consommateurs de savoir d’où vient l’alimentation, donc ils utilisent notre image pour faire de la valeur ajoutée", regrette Ange Loing, vice-président du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA).
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"Leclerc a fait de la publicité par exemple avec des photos d’agriculteurs de plain-pied, tout sourire, dans leur exploitation" s’agace-t-il, alors qu’une partie des agriculteurs ne parviennent pas à vivre de leur métier. Selon une étude de la Mutualité sociale agricole, en 2016, 30% des agriculteurs gagnaient moins de 350 euros par mois. "Le monde agricole ne gagne pas sa vie, et son image est utilisée pour faire du business, voilà l’injustice", estime le représentant des JA.
Du buzz pour sensibiliser les consommateurs au bio
Redoutables porte-voix, les réseaux sociaux permettent également de se rapprocher des consommateurs et de les sensibiliser. Cyril et Caroline Rous, maraîchers en agriculture biologique à Lafrançaise dans le Tarn et Garonne, s’en sont rendu compte l’été dernier. Leur page Facebook est alors suivie par moins de 100 personnes, clients, amis et proches.
En juillet 2017, ils publient une photo d’un tas de courgettes de leur production refusées par leur grossiste à cause de leur aspect. Au total 10 tonnes de courgettes "pas validées au casting " peut-on lire sur leur publication. Le buzz est immédiat : la page passe en quelques jours à 4000 followers. Elle est devenue un "outil pédagogique" explique Cyril Rous.
A la suite de cet épisode, on a relayé des articles sur les solutions pour valoriser ces légumes moches, expliquer aux gens la saisonnalité des légumes, bref rééduquer certains consommateurs.
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"Cela nous a ouvert les yeux sur la viralité de Facebook", ajoute le maraîcher, qui a pu compter sur la solidarité de ce nouveau réseau démultiplié. A l’automne dernier, le couple d’agriculteurs a récolté plus de 6 000 euros grâce à une campagne de financement participatif pour construire un atelier de transformation de leurs légumes abîmés et fabriquer soupes, purées et légumes séchés.
Le crowdfunding, une pratique de plus en plus répandue dans le monde agricole : en 2014, la plateforme Miimosa est ainsi créée pour le financement de projets dédiés à l'agriculture et à l'alimentation.
Des agriculteurs formés pour répondre aux journalistes
S’ils sont de plus en plus nombreux à prendre la parole sur les réseaux sociaux, beaucoup d’agriculteurs y sont encore réticents, par manque de temps ou par appréhension. Pour les aider à parler d’eux et de leur métier, la plateforme de communication AgriDemain a été créée en février 2016. "Notre ambition est de vous raconter l’histoire de l’agriculture du 21e siècle" affiche-t-elle sur son site internet.
"Le grand public a une image très positive des agriculteurs, par contre quand on parle de l’agriculture dans son ensemble, c’est une boite noire" indique Gilles Maréchal, animateur de cette plateforme. "Entre la production agricole et ce que les gens ont dans leur assiette, il y a cette boite noire, avec tous les clichés qui persistent sur la malbouffe, le problème des pesticides, etc."
Pour inciter le maximum de paysans à s’exprimer, AgriDemain organise des formations aux réseaux sociaux.
On leur explique la spécificité de chacun des réseaux : Twitter est un réseau surtout consulté par les journalistes, et qui permet surtout d’interpeller les leaders d’opinion. Sur Facebook, on raconte plutôt une histoire, ne serait-ce que de publier une photo d’un veau qui naît. Sur Instagram, on montre les atouts du paysage qui entoure les exploitations agricoles.
Deuxième volet de formation, l’attitude face aux médias. AgriDemain propose ainsi des séances de "mediatraining". Elles visent à "démystifier l’interview" selon Gilles Maréchal. "Concrètement, on met les agriculteurs face caméra, avec un journaliste qui leur pose des questions sur le fonctionnement de leur exploitation. Ils travaillent aussi la posture. On veut leur montrer qu’il faut être soi-même plutôt que d’essayer de philosopher sur l’agriculture."
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Quelques leaders prennent la parole sur les réseaux sociaux mais ils restent peu nombreux. Certains nous demandent en revanche comment communiquer. A travers la plateforme AgriDemain et nos 300 ambassadeurs, on veut offrir la possibilité de communiquer par ces outils.
Éleveur et rugbyman : "concilier son métier et sa passion, c’est possible !"
Pour en finir avec les caricatures, les projets se multiplient un peu partout en France, à l’initiative des agriculteurs eux-mêmes, mais aussi des syndicats et des organismes interprofessionnels. En Corrèze, la Chambre d’agriculture a fait le portrait vidéo de six agriculteurs, associés à des valeurs : liberté, partage, engagement ou encore esprit d’équipe. Guillaume Jarasse y a participé.
A 25 ans, ce jeune éleveur de veaux sous la mère à Ussel a voulu montrer un autre visage de son métier : "t_out le monde dit que ce n’est pas un métier d’avenir, j’ai voulu montrer qu’on pouvait avoir des loisirs à côté"._
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Passionné de rugby, Guillaume Jarasse a laissé son sport de côté durant les premiers mois de son installation en 2014, sans renoncer à y revenir. Aujourd’hui le jeune homme s’est organisé pour vivre sa passion en dehors de la ferme :
Je dois faire téter les veaux matin et soir, donc le jour de l’entrainement j’avance un peu la tétée et le dimanche je ne les fais téter qu’une fois, ce qui se fait parfois et me permet d’aller jouer.
Concilier son métier et sa passion, à la fois possible et indispensable juge l’éleveur, qui a voulu donner envie aux jeunes de faire ce métier.
Un des enjeux de l’agriculture, en Corrèze notamment, est d’arriver à trouver du monde pour s’installer. Moi, je suis agriculteur et très heureux, d’ailleurs je ne me vois pas faire autre chose.
"Sur Instagram, on est notre meilleur influenceur, pour attirer et fidéliser les clients"
Lui aussi est heureux, Boris Desbourdes est un vigneron connecté à Panzoult près de Chinon. Son smartphone ne le quitte jamais : une coccinelle sur un pied de vigne, un selfie dans les caves de son Domaine de la marinière, le trentenaire publie régulièrement sur les réseaux sociaux. Il privilégie l’application de photographies Instagram pour partager le quotidien de son métier.
L’image et le partage de photos est adapté à mon quotidien d’agriculteur car c’est très rapide. Dès que je vois une scène intéressante, je sors l’appareil photo et en moins de 5 minutes c‘est en ligne, reste à répondre aux réactions.
Pour ce jeune vigneron, qui a rejoint l’entreprise de son père, cette communication est une manière de se faire connaître au-delà de leur village de 580 habitants, d’échanger avec des vignerons et des clients potentiels. "Je le vois comme une fiche technique sur le domaine, pour avoir une relation différente avec nos clients, nos prescripteurs et distributeurs. J’ai choisi le positionnement du "copain vigneron".
Grâce à Instagram, Boris Desbourdes parvient à attirer et fidéliser ses clients. "On est notre meilleur influenceur : si je ne mets pas ces photos, aucun journaliste ne va venir parler de moi".
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Quand je publie une photo du travail qu’on fait dans les vignes le matin à 10 heures, peut-être qu’un sommelier la verra et proposera nos vins à ses clients en disant : buvez du vin du Domaine de la Marinière, en ce moment ils en train de tailler, ou il y a des oiseaux dans les vignes. On raconte l’histoire de notre domaine. Avec Instagram, on fait voir les vignes et les bonhommes qu’il y a derrière les bouteilles.
Vos réactions sur Facebook et Twitter :
Philippe Hervin : Je suis agriculteur en Ile-de-France, je fais des céréales et du maraîchage avec de la vente directe à la ferme.
J'ai une page facebook, vitrine pour ma boutique a la ferme. Il est très compliqué de s'exprimer directement sur celle-ci pour les sujets épineux (utilisation de Phyto par exemple) car beaucoup de sujets sont mal compris du grand public, je pense pour plusieurs raisons, un manque de com des agri pendant longtemps, des sujets qui touche le coté sacralisé de la nature et des média rarement impartiaux .Du coup j'expliquais que je préfère dialoguer, soit sur des pages comme la votre en expliquant certaines choses, soit directement à mes clients, qui sont souvent en demande d'informations et à l'écoute, plutôt qu'a des anonymes sur la toile avec des sources parfois douteuses.
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