Partager ou partager ? Aujourd'hui, la cuisine, qu'on l'appelle food, plat ou repas, se partage autant en ligne qu'autour d'une table. Exploration d'un patrimoine français qui n'est pas en péril.
- Christine Moncla Journaliste à France Culture
Les 35es journées du patrimoine sont dédiées cette année à "l'art du partage". Patrimoine immatériel de l'Unesco depuis 2010, le "repas gastronomique des Français" se partage par essence. Il célèbre la cuisine, le vin, mais aussi la tablée, et les origines métissées de nos plats, y compris les plus traditionnels. Témoignages recueillis par Christine Moncla, avec la collaboration d'Eric Chaverou.
"La vinaigrette de ma grand-mère me fait retomber en enfance"
Vous nous l'avez presque tous dit sur les réseaux sociaux : la meilleure cuisine au monde, c'est toujours celle de notre grand-mère. Pourquoi ? Ce sont les souvenirs qui nous parlent à travers les plats, confie Matthieu Aussudre, chercheur en histoire de l'alimentation :
C'est autour de la table de ma grand-mère que j'ai appris à devenir un adulte. La blanquette de veau est le premier des plats qu'elle fait avec génie qui me vient à l'esprit. (...) Je cuisine tous les jours, et je cuisine des aliments très simples.
De cet héritage culinaire, Matthieu Aussudre a donc puisé son envie d'étudier l'alimentation. Il passe par l'université de Tours où se situe l' IEHCA : l’Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation. C'est là qu'est née l'idée de faire inscrire au Patrimoine Immatériel de l'Unesco ce "repas gastronomique des Français". Une formule savamment dosée pour satisfaire les tenants d'une cuisine élitiste et ceux d'une cuisine populaire.
Voici la vidéo de candidature de la France :
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Cette notion de "patrimoine", qui évoque autant l'héritage que la permanence, fait toujours débat.
"Il n'y a rien de Gaulois dans nos assiettes"
J'aime voir si les clients sont contents. Chez moi, tout est ouvert.
Dans la cuisine ouverte du restaurant parisien Tamam Kitchen, la cheffe Nurdane Bourcier revendique une cuisine métissée tout autant que classique. Née kurde en Turquie, émigrée en France, expatriée au Brésil, ancienne travailleuse humanitaire, elle a appris la cuisine auprès de sa mère et de sa grand-mère, bien sûr ! Mais aussi à l'école du chef cuisinier Alain Ducasse.
Elle a décidé d'ouvrir un restaurant en imaginant y faire revivre les grandes tablées familiales. Dans ses assiettes, des produits frais locaux et des épices du monde.
Mon restaurant s'appelle "Tamam : Histoire d'épices et de migrations", c'est comme un slogan.
Autour d'un filet de canard au piment, de tendres tentacules de poulpes (photo) et de riz au lait à la sève d'acacia, Nurdane Bourcier raconte son patrimoine gastronomique, et la genèse de Tamam Kitchen :
poulpe tendre et filet de canard au piment, écoutez la cuisine de Tamam Kitchen
3 min
Ecoutez, ça sent bon ...
La food, ça se partage !
Oui, mais seulement si c'est ...beau !
Aujourd'hui, pour faire connaître sa cuisine, impossible de ne pas passer par les réseaux sociaux. Entre les émissions de télé, les blogs et comptes, même les grands chefs s'y mettent. Et ce sont les foodistas (93% de femmes) qui donnent la tendance. Tout est expliqué par Pauline Juliano sur ce phénomène ici.
On ne dit plus "cuisine", on dit "food".
On partage davantage une photo de salade colorée que celle d'une soupe d'hiver.
Pauline Juliano a 26 ans, elle est publicitaire et fine gourmet, adore la pizza de son père et l'univers digital. Sur son compte Instagram @foodgeekandlove, Pauline publie les photos de ses propres créations, et celles des restaurants qu'elle fréquente. Un partage virtuel mais gigantesque d'une "food" sur écrans :
la foodista Pauline Juliano
2 min
Finalement, on y revient, à cette table : pour juger d'un plat, il vaut tout de même mieux le goûter... Les Français sont ceux qui passent le plus de temps devant assiettes et verres : 2h11 par jour !
Se faire servir comme des princes
Et justement, comment est né le concept de restaurant ? C'est une invention pré-révolutionnaire française nous explique encore le chercheur Matthieu Aussudre :
le restaurant, une invention bourgeoise pré révolutionnaire
1 min
Quelques éléments biographiques sur Matthieu Aussudre et sur son sujet d’études.
et écoutez aussi les émissions de Caroline Broué sur France Culture " Les Bonnes Choses" et de Clémence Denavit sur RFI " Le Goût du Monde"
Vos réactions sur les réseaux sociaux
Vous avez été nombreux à réagir à ce sujet, évoquant des plats venant d'Algérie, de Hongrie ou d'ailleurs. Diaporama ici.
Avec notamment le témoignage de Ced Gordini, qui explique :
ben moi, ce sont tous les plats que l'on ne m'a pas transmis. Parce que parents divorcés qui travaillent dans les années 80/90 où l'on pensait que tout les plats pourraient s'acheter en supermarché... Le couscous de ma grand mère pied noir, les plats guyanais de mon grand père, la cuisine bretonne de mon autre grand mère, pfuitt, partis aux oubliettes... Sans oublier le désastre de la cantine qui m'a fait perdre 20 ans de goût (épinard, chou fleur, etc.) tout à réapprendre !
Il faut enseigner la cuisine à l’école !
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