C'est une expression qui avait rallié des millions de personnes à travers le monde dès le 7 janvier 2015. Deux ans après, "je suis Charlie" rappelle des émotions et des souvenirs, mais ces quelques mots pointent aussi les défis auxquels la France est confrontée. Reportage signé Maxime Tellier.
- Gérard Biard Rédacteur en chef de Charlie Hebdo
- Angélique Kourounis Journaliste
"#JesuisCharlie", c'est l'un des hashtags les plus populaires de l'histoire de Twitter : 3,4 millions de tweets partagés entre le 7 et le 8 janvier 2015, avec des pics à plus de 6 500 tweets par minute. Une formule et une image lancées par un graphiste, Joachim Roncin, sur son compte Twitter (voir en bas de page), une heure à peine après l'attentat qui avait frappé la rédaction de Charlie Hebdo et coûté la vie à douze personnes. Que signifie cette formule aujourd'hui ?
Claire, 39 ans, journaliste en presse locale : "être Charlie, c'est résister et continuer comme avant malgré la peur"
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Claire Talgorn est journaliste à la rédaction locale de Bayonne du quotidien Sud Ouest. Du 7 janvier 2015, elle se souvient du sentiment de sidération qui l'a saisie : "très vite, cette expression "je suis Charlie" est apparue et je m'y suis retrouvée tout de suite : une expression qui englobe énormément de choses (...). Evidemment, ça m'a touché car je suis journaliste, je me suis imaginée dans la même situation en conférence de rédaction... (...). Mais "je suis Charlie" assez rapidement est devenu "je résiste à la violence, à la haine, à la peur, je résiste aux préjugés, au repli sur soi, à tout ce qui engendre cette violence."
France Culture : Deux ans après et plusieurs attentats plus tard, revendiquez-vous toujours cette expression ?
Claire : "Oui. Cette expression est toujours d'actualité : je l'ai mise en pratique l'été dernier au moment des attentats de Nice et de Saint-Etienne-de-Rouvray. Juste après ces attentats, on avait un énorme événement local qui se déroule chaque année, les fêtes de Bayonne qui étaient menacées d'annulation, et il se trouve que les gens avaient peur d'aller aux fêtes. Et moi, j'ai été Charlie cet été parce que j'avais peur mais je suis quand même partie m'amuser, j'ai réussi à aller au delà. Pour moi, c'est ça être Charlie, résister, continuer à vivre, faire les choses comme avant même si c'est plus comme avant, mais essayer de continuer à vivre comme avant les attentats."
En janvier 2016, un an après l'attentat, trois quart des Français se déclaraient encore "Charlie" d'après un sondage BVA. Pour 51% des sondés, la liberté d'expression a reculé en France depuis 2015.
Angélique Kourounis, reporter à Charlie Hebdo, à la rencontre de ceux qui ne sont "pas Charlie"
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Angélique Kourounis est correspondante à Athènes pour plusieurs médias, y compris Radio France et Charlie Hebdo. Elle partage sa vie entre la France et la Grèce et consacre aussi des sujets aux deux pays. Un an après l'attentat du 7 janvier, elle avait signé un reportage réalisé à Colombes et Saint-Denis, des banlieues où elle a vécu et qu'elle fréquente encore, à la rencontre de ceux dont on disait qu'ils n'étaient pas "Charlie". Dans certains quartiers, difficile de se promener avec l'hebdo sous le bras sans recevoir de regards noirs ou de remarques mais souvent, le dialogue s'instaure.
"Trois jours en banlieue avec Charlie sous le bras", c'est le titre de ce reportage dont elle raconte la fabrication dans la vidéo ci-dessus. Angélique Kourounis est aussi réalisatrice d'un documentaire sur le parti néonazi grec "Aube Dorée" et de deux ouvrages : "Visages de la crise, Nous gens du sud pauvres et fainéants" (éd. Buchet/Chastel) et "Trouble on the far right. Contemporary right-wing strategies and practices in Europe", (ed. Transcript) Politicial science (en anglais).
A écouter aussi : le Magazine de la rédaction de France Culture, "Je suis Français, je suis musulman et pas tout à fait Charlie...", 30 janvier 2015.
Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie Hebdo
Gérard Biard n'était pas à Paris le 7 janvier 2015, mais à Londres en vacances. Être Charlie aujourd'hui, c'est vivre dans une rédaction ultra-sécurisée et blindée, avec des agents de sécurité... C'est aussi refuser l'autocensure, malgré les menaces de mort qui sont toujours proférées.
Dans l'interview qu'il nous a accordé, Gérard Biard décrit aussi un Charlie Hebdo "toujours vivant, toujours debout" avec des projets : lancement d'une édition allemande en décembre et des chiffres de vente satisfaisants. Environ 110.000 numéros écoulés chaque semaine dont la moitié d'abonnements. Au lendemain de l'attentat, ce nombre était monté à 260.000 avec un numéro des survivants (une semaine après l'attentat) vendu à sept millions d'exemplaires.
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"Le monde autour, il est inquiétant... Après, qu'on ait retrouver de la joie à faire ce qu'on fait, c'était indispensable. On peut difficilement faire Charlie Hebdo sans se marrer, car c'est avec ça qu'on travaille."
Gérard Biard.
Pour marquer le deuxième anniversaire de la tuerie contre Charlie Hebdo, l'association Reporters Sans Frontières publie des portraits de caricaturistes menacés dans leur pays (Malaisie, Venezuela, Turquie, Algérie et Tunisie) : "deux ans après Charlie, les caricaturistes sous pression".
Ci-dessous, la une du numéro spécial de Charlie Hebdo, deux ans après l'attentat.
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Christophe Rouget : "Je suis Charlie", un moment de communion avec les policiers qui perdure malgré tout
Quand on est policier, évoquer "Je suis Charlie", c'est évoquer des souvenirs. Ceux du 7 janvier 2015 d'abord : "des souvenirs très forts de ce moment là", raconte Christophe Rouget, porte parole d'un syndicat de cadres, "puisque Charlie Hebdo était situé non loin de notre siège, un endroit que nous connaissons bien. J'ai encore en mémoire toute l'émotion de nos collègues présents sur place, l'émotion de tous les policiers qui ont participé à cette lutte contre les attentats et qui étaient sur les scènes de crime".
Souvenirs des jours qui ont suivi aussi : "ces images de policiers applaudis" par la foule lors des marches républicaines des 10 et 11 janvier, "mais ces images ont perduré aussi par la suite, on se souvient de ces policiers s'embrassant après le drame du Bataclan, malheureusement ce sont des images qui se sont renouvelées depuis deux ans... Mais cette communion importante avec nos concitoyens a perduré. Aujourd'hui, même si l'émotion n'est plus la même : huit Français sur dix ont une excellente image des policiers (d'après un sondage BVA du 16 juin) et beaucoup de jeunes veulent devenir policier, gardien de la paix, officier ou commissaire... On a une très forte attractivité, beaucoup de candidats pour les concours."
A LIRE AUSSI : #PoliciersEnColère sur le malaise dans la police.
Vos réactions sur Facebook et Twitter
Le premier tweet #JeSuisCharlie posté à 12h52 le 7 janvier 2015 : le nombre de morts et le nom des victimes de l'attentat n'étaient connus que depuis une demi-heure. C'est Joachim Roncin, un graphiste, qui a créé l'image et l'a publié sur son compte Twitter (où elle est toujours).
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Un tableau dans une classe le 8 janvier 2015, au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo.
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"Je suis Charlie", deux ans après
Que signifie encore "Je suis Charlie" pour vous, deux ans après l'attentat ? Voici vos réponses publiées sur les comptes Twitter et Facebook de Hashtag.
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