A un mois et demi du premier tour de la présidentielle, l'abstention pose question. Mais aussi le vote blanc. Il est depuis 2014 distingué du vote nul, mais pas considéré comme un suffrage exprimé. Quelle valeur lui accordez-vous ? A quelles conditions ? Témoignages recueillis par Eric Chaverou.
- Brice Teinturier Politologue et directeur général délégué d’Ipsos France
- Olivier Durand président de l'association pour la reconnaissance du vote blanc
- Stéphane Guyot Président du Parti du Vote Blanc, candidat à la présidentielle 2017
Le vote blanc sera compté pour la présidentielle, mais pas reconnu comme suffrage exprimé. Depuis un nouveau texte de 2014, il est distingué du vote nul. Mais cette enveloppe vide ou garnie d'une feuille blanche n'a de valeur que pour les statistiques ou les enquêtes qui suivent les scrutins, et pour ceux qui y voient malgré tout une expression démocratique. On se souvient de l'engagement public en 2011de Bruno Gaccio, l'auteur des Guignols, et très récemment l'acteur réalisateur Mathieu Kassovitz a signé une longue tribune en ligne à ce propos. Et Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan promettent du changement de ce point de vue s'ils sont élus. Que pensez-vous de cette situation, à 44 jours du premier tour et au milieu d'une campagne pour le moins agitée… ?
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Marie-Annick Lebouché, professeure d'allemand
Nous avons rencontré cette passionnée de politique au salon du livre politique. Sous les ors de l'Assemblée nationale, elle nous a confié avoir toujours voté, même quand elle vivait à l'étranger : "c'est un devoir autant qu'un droit". Quant à choisir un bulletin blanc, difficile de répondre à la question !
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C'est clair que j'irai voter. Par contre, sincèrement, je ne sais pas encore pour qui. Je suis vraiment dans l'expectative. Et le vote blanc, je le comprends, parce que c'est une façon d'exprimer un refus, l'indifférence, et je ne me permettrais pas de condamner. Mais je ne voterai pas blanc, sauf s'il était reconnu. Le problème, c'est que je ne connais pas les conséquences que pourrait avoir un vote blanc. Si la conséquence est de reprogrammer des élections, oui, c'est une bonne chose. Mais ce serait peut-être aussi banaliser l'acte de vote : les gens se diraient je vais voter blanc, comme ça, cela reprovoque des élections…. C'est vrai que ce n'est pas clair, et pour moi cela serait une première.
Illustration des interrogations de Marie-Annick, vous avez été très nombreux cette semaine à réagir sur les réseaux sociaux. A vous demander par exemple si une pleine reconnaissance du vote blanc ferait baisser l'abstention. Ou à estimer qu'un vote blanc nuirait aux petits candidats ou favoriserait la montée des extrêmes.
Sans valeur scientifique, nous avons aussi lancé un sondage Twitter qui a recueilli 1400 votes en une journée !!! Vous vous déclarez en majorité prêts à voter blanc si votre bulletin avait valeur de suffrage exprimé. Selon une étude Ifop de décembre dernier, 83% des personnes interrogées sont favorables à une telle reconnaissance (contre 86% en 2014).
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Stéphane Guyot, 48 ans, fleuriste à Paris et "candidat du vote blanc"
Parmi vos questions, "SebCBien" pointe la responsabilité des politiques. Pourquoi ne font-ils pas évoluer les textes ? Stéphane Guyot, qui dirige le Parti du vote blanc, a son idée. Il nous a reçu au milieu des fleurs de sa boutique familiale. A la tête de cette association née en 2010, celui qui n'a jamais été encarté est en quête de parrainages pour la présidentielle (3 officiels pour l'instant) et il mobilise en vue de représentants aux législatives. "En 2015, nous avons présenté un candidat dans un petit canton dans la Nièvre qui a fait 7,40% des voix, devant le Front de gauche et le Modem. C'était un test et il n'est pas question pour nous d'avoir de mandat", raconte Stéphane Guyot. Ce “candidat du vote blanc”, qui propose aussi une Constituante, bénéficierait d'après l'Ifop d’un potentiel électoral de 10 % au premier tour de la présidentielle ! Et celui qui fixe un taux symbolique de 50% de votes blancs pour renouveler une élection a notamment été reçu à l’Élysée par un conseiller de François Hollande, au lendemain des attentats de Charlie Hebdo :
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En fait, les politiques ont peur que le vote blanc empêche l'élection. Pour ces professionnels de la politique, c'est évidemment une grosse difficulté. Ils ne veulent pas entendre parler d'un outil qui pourrait les disqualifier. La question est donc systématiquement écartée, quelque soit le texte de loi. Il y en a eu je crois 25 en vingt ans. On peut malgré tout reconnaître que les propositions de loi sont systématiquement venues du centre ou d'une droite modérée, rarement de la gauche. (…) Et finalement, le calcul des politiques actuellement est de se dire que n'importe qui gagnera face à Marine Le Pen au second tour, et finalement le Front national n'est pas un si grave problème que ça dans leur modalité de calcul électoral. Finalement, le FN n'est pas encore trop dangereux, le vote blanc le serait peut-être un peu plus.
A ECOUTER La petite musique du vote utile : Macron peut-il battre Le Pen ? (Billet politique)
Olivier Durand, président de l'association pour la reconnaissance du vote blanc
"C'est très ingrat de défendre le vote blanc", explique le créateur et président de cette association née il y a 23 ans qui regroupe près de 300 adhérents. Association récemment quelque peu médiatisée car elle a estimé que l'affaire Fillon, si elle avait entraîner la défection du candidat de la droite et du centre, justifiait encore davantage cette reconnaissance. "On se fait renvoyer en touche très facilement et le résultat, je ne sais pas si un jour je le verrai !", regrette-t-il. D'ajouter qu'il y a toute une série d'arguments techniques, de questions sur la représentativité et d'idées reçues, comme "cela vient de mauvais citoyens". "Tout cela, c'est de l'inquiétude, du mystère, donc la réponse est non." Olivier Durand est plus sceptique que Stéphane Guyot sur l'influence possible du vote blanc par rapport à l'abstention : "parce que l'abstention est quand même très forte et un abstentionniste fait quand même plus parler de lui en ne votant pas qu'en votant blanc. Mais une reconnaissance donnerait le message aux citoyens qu'on lui fait confiance, que finalement on compte sur lui et que c'est lui qui a le pouvoir le jour d'une élection. Ce serait un bon message qui permettrait de relancer l'espoir que l'on peut mettre dans une élection. Le fait de se sentir entendu."
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Pour appuyer son discours, Olivier Durand met en avant quelques exemples à l'étranger, en particulier celui de la Colombie, où des élections ont dû à nouveau se tenir en raison de la prise en compte du vote blanc :
A l'étranger : "la Colombie est en pointe et la discussion est très forte en Inde, au Bangladesh et au Pakistan !"
1 min
Mathilde, 23 ans, étudiante à Science Po Paris et ancienne collaboratrice parlementaire
Elle avait 9 ans quand la politique a changé sa vie : à la lecture des propositions des candidats à la présidentielle sur la table familiale ! Mathilde a depuis toujours voté et a travaillé quelques mois pour un député UMP. Très dubitative par rapport au vote blanc, elle nous a répondu entre deux demandes de dédicaces au salon du livre politique que l'essentiel était, avant tout, de bien présenter les enjeux des élections auprès des citoyens :
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Le vote blanc est un moyen de montrer son mécontentement. Après, moi, je ne pense pas que j'irai voter blanc. Je pense qu'il faut voter quand même pour un candidat qui se rapproche un minimum de son opinion. Il y a toujours moyen de trouver dans un candidat des grandes idées, ne serait-ce que parce que après, au final, on aura pas choisi la personne. Et donc là, au moins mis un vote qui se rapprochera de nos idées. (…) Je pense qu'il faut s'attaquer aux racines du problème (le rejet des politiques) et si l'on faisait un seuil de 30% de votes blancs pour refaire une élection, n'arriverait-on pas comme en Belgique à ne pas trouver d'accord et ne pas avoir de gouvernement ?
Brice Teinturier, politologue et directeur général délégué d'Ipsos
Lui aussi était à l'Assemblée pour ce salon. Il y a présenté avec l'éditorialiste du Monde Gérard Courtois les résultats d' une étude menée pour le quotidien du soir et l'association "Lire la société". Cette étude révèle notamment que près de deux Français sur trois (64 %) déclarent s’intéresser à la politique, en hausse de 7 points par rapport à novembre 2016. Mais que le dégoût (44 %) et la colère (41 %) de ces personnes interrogées ont progressé respectivement de 5 et de 4 points depuis quatre mois seulement.
Brice Teinturier venu également pour son livre "Plus rien à faire, plus rien à foutre" (éditions Robert Laffont), ici récompensé. Il y dresse le portrait de ces "prafistes", qui se désengagent. De la politique, mais aussi des médias ou des syndicats, en raison d'un malaise global :
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On voit bien que c'est un mouvement profond, où une part croissante de Français a plutôt tendance à se replier, parce qu'elle considère que l'utilité de toutes ces causes est plus difficile à obtenir. Parce qu'il y a une forme de lassitude aussi. Et c'est un phénomène global, qui ne touche pas que la sphère politique. Il y en a parmi les prafistes qui ne demandent qu'à être réengagés, et si cela ne fonctionne pas ils iront prioritairement dans l'abstention, et plus marginalement chez des candidats comme Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, parfois d'autres, qui sont capables de reséduire une petite partie des prafistes. Le vote blanc est une manière très élaborée d'affirmer son désaccord avec soit l'offre proposée, soit les projets, mais cela ne touche qu'une toute petite partie de la population.
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