Déjà sous tension cet hiver, les urgences abordent l'été avec un manque persistant de médecins. La réserve sanitaire pourrait être déclenchée, alors que des jeunes praticiens menacent de faire la grève des gardes, et des intérimaires de boycotter les hôpitaux. Alerte rouge sur l'hôpital public !
- Bernard Granger Psychiatre à l’hôpital Tarnier
Depuis l'entrée en vigueur de la loi Bachelot en 2008, les conditions de travail des médecins et des personnels soignants se dégradent. Depuis dix ans, les réformes se succèdent, touchant le mode de financement des hôpitaux et celle de leur gouvernance. La rentabilité est devenue le maître mot et l'hôpital public aujourd'hui dysfonctionne, assurent tous les syndicats de santé. Partout en France éclatent des conflits de personnels avec leur direction. Comme à l'hôpital de Vierzon où le personnel soignant est en grève illimitée depuis lundi pour protester contre la menace de fermeture de certains services et où la maternité est en danger. Le syndicat Samu Urgences de France dénonce " un scandale sanitaire". Au moins 100 000 patients ont dû passer la nuit sur un brancard dans un service d'urgences depuis début janvier, faute de lits d'hospitalisation disponibles, a-t-il annoncé cette semaine. Des études scientifiques ont montré qu'une surcharge des urgences entraîne "une augmentation de la morbi-mortalité de 9% à trois jours, et de plus de 30% pour les patients les plus graves, et nous ne pouvons pas l'accepter", a déclaré la présidente de la SFMU, la Société française de médecine d'urgence, Agnès Ricard-Hibon. Pour Samu-Urgences de France, cette surcharge est "multifactorielle". Le syndicat pointe du doigt, "en amont" des urgences, la "défaillance de la médecine de ville à assurer la continuité des soins" mais aussi, "en aval", l'impossibilité "d'hospitaliser facilement des patients devant la surcharge des services de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), et l'incapacité d'obtenir des lits disponibles".
Témoignages recueillis par Annabelle Grelier, avec la collaboration d'Eric Chaverou.
Le Professeur Emmanuel Houdart, chef de service de neuroradiologie à l'hôpital Lariboisière, réclame des Assises de la Santé
Le financement des hôpitaux repose depuis dix ans sur la rémunération des actes effectués, ce que l’on appelle la tarification à l’activité ou T2A. " Il faut briser l'omerta", estime le professeur Emmanuel Houdart, chef de service de neuroradiologie à l'hôpital Lariboisière. Il dénonce l'attitude des directeurs financiers qui poussent les médecins à opérer.
Qu’est ce que l’on attend de l’hôpital ? L’hôpital ne peut pas continuer à recevoir comme c’est le cas à l’hôpital Lariboisière 83 000 patients aux urgences tous les ans. Ce n’est pas possible ! Il faut repenser l’organisation des soins. Il y a un plan d’urgence à envisager et une grande réflexion nationale : voulons-nous encore un système de financement solidaire de la santé ?
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Des mesures gouvernementales attendues mi-juillet
Face au "malaise de certains professionnels", la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, exprimait fin mai son "soutien à la communauté hospitalière dans son ensemble", sans lever le voile sur la future réforme du système de santé.
Le président de la République, Emmanuel Macron, devrait se prononcer à la mi-juillet sur les orientations de l'hôpital et du système de santé de demain, alors que le déficit des établissements publics a dépassé le milliard d'euros l'an dernier. Le budget voté pour 2018 prévoit 960 millions d'euros d'économies pour les hôpitaux, soit l'équivalent de 20 000 emplois si l'on en croit une note du ministère de la Santé prévoyant "une économie de 1,2 milliard sur la masse salariale" d'ici 2022.
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Olivier Youinou, infirmier anesthésiste à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, co-secretaire général de Sud Santé de l'APHP
Pour Olivier Youinou, infirmier anesthésiste à l'hôpital Saint-Antoine et co-secrétaire général de Sud Santé à l'APHP, c'est l'hôpital public que le gouvernement est en train de casser. Pour le sauver, un virage à 180 degrés s'impose. "De dire que l'hôpital va mal, c'est une lapalissade !"
Nous on craque , les patients ne s'y retrouvent pas , la santé n'est plus d’accès égalitaire sur notre territoire. Il faut un virage à 180 degrés et on ne le voit pas venir. S'il y a de moins en moins de budget, que les besoins augmentent, que les malades sont de plus en plus nombreux la question que je pose à M. Macron : qui je ne soigne plus ? Qui ne doit-on plus prendre en charge ?
Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l'Université Paris V, co-fondateur de l'Association Jean Louis Megnien de lutte contre la maltraitance et le harcèlement au sein de l'hôpital public, créee suite au suicide de ce cardiologue de l'hôpital Georges Pompidou à Paris en décembre 2015
Les conditions de travail se sont dégradées progressivement avec la mise en place de la tarification à l'activité. Le management mis en place est particulièrement en cause et la violence touche tous les corps de métier de l'hôpital. "On recense de nombreux cas de harcèlement, de maltraitance qui mènent régulièrement à des suicides" alertent les syndicats. Dernier drame en date, vendredi 8 juin dernier, une jeune chirurgienne de 34 ans a mis fin à ses jours dans son bureau au centre Paul Strauss, à Strasbourg. Une cellule d'écoute psychologique a été mise en place pour le personnel de la clinique spécialisée dans le traitement du cancer au moment où ce centre se prépare à déménager et à se rapprocher des hôpitaux universitaires de Strasbourg pour créer le futur Institut régional du cancer sur le site de Haute Pierre.
Le professeur Bernard Granger, psychiatre à l'hôpital Tarnier, est co-fondateur avec Philippe Halimi, radiologue à l'hôpital Georges Pompidou à Paris de l' Association Jean Louis Megnien, du nom du cardiologue qui s'est suicidé en décembre 2015. L'association a pour but de lutter contre le harcèlement à l'hôpital public.
La pression s'exerce à tous les niveaux et sur chacun d'entre nous, mais quand quelqu'un est responsable d'une unité ou d'un service, il ne peut pas ne pas être touché. Il faut qu'il se batte pour avoir le personnel suffisant, il faut qu'il se batte pour avoir les moyens suffisants et comme c'est une période d'austérité se battre c'est souvent d'aller voir si on ne pourrait pas prendre quelque chose aux voisins. C'est tout un état d'esprit qui est très délétère.
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