La parité au travail, un levier vers plus d'égalité professionnelle ?

Le collectif "Les Glorieuses", lors d'un rassemblement à Paris, pour lutter contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, en novembre 2016.
Le collectif "Les Glorieuses", lors d'un rassemblement à Paris, pour lutter contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, en novembre 2016. ©Maxppp - Vincent Isore
Le collectif "Les Glorieuses", lors d'un rassemblement à Paris, pour lutter contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, en novembre 2016. ©Maxppp - Vincent Isore
Le collectif "Les Glorieuses", lors d'un rassemblement à Paris, pour lutter contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, en novembre 2016. ©Maxppp - Vincent Isore
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Depuis les années 2000, des femmes diplômées, organisées en réseaux d'influence féminins, ont obligé les entreprises françaises à recruter plus de cadres dirigeantes. Mais cette mixité au pouvoir ne rime pas toujours avec égalité professionnelle, et remet en cause la théorie du ruissellement.

En France, huit lois successives ont tenté d'imposer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises. Il y a eu notamment la loi Roudy, en 1983 ;   la loi de 2011 qui impose 40% de femmes dans les conseils d'administration des entreprises ; et enfin la loi du 4 août 2014 qui sanctionnent les entreprises qui ne respectent pas l'égalité femme - homme avec des amendes qui peuvent atteindre 1% de la masse salariale. Le problème, c'est qu'aujourd'hui 60% des entreprises ne respectent pas cette loi. L'Etat ne sanctionnent que 0,2% d'entre elles, malgré le manque à gagner : en 2016, seulement 116 entreprises ont été mises à l'amende pour non respect de l'égalité femmes - hommes avec une facture totale de 613 000 euros.

Ainsi aujourd'hui, les femmes sont payées 27% de moins que les hommes pour le même travail et les même compétences. 80% d'entre elles travaillent à temps partiel (pas toujours par choix...) et plus des trois quarts des femmes se disent victimes de sexisme sur leur lieu de travail. Quelles sont alors les solutions possibles ? Témoignages recueillis par Cécile de Kervasdoué

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Plus de cadres dirigeantes dans les entreprises

Au tournant de l'an 2000, les femmes de plus en plus diplômées se sont organisées dès la sortie des grandes écoles pour s'imposer dans les fonctions à hautes responsabilités. Souvent reléguées aux postes de back office comme les Ressources Humaines ou le marketing et la communication, elles ont tenté de briguer des fonctions de stratégie, plus complexes et plus exposées. Elles y sont parvenues en adoptant des codes masculins qu'elles ont "féminisés" : cooptation, valorisation, réseaux, médiatisation. Ainsi, les cercles féminins se sont multipliés jusqu'à 2011, et la législation qui impose 40% de femmes dans les conseils d'administration.

Pascale Auger, aujourd'hui directrice générale du groupe Mauboussin, a fait partie de ces précurseuses.

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Je m’aperçois que dans les structures, beaucoup de femmes partent avant d'accéder à ses postes de direction, parce qu'elles se découragent, elles pensent qu'elles n'auront jamais la place qu'elles pourraient avoir. Elles partent alors faire des carrières dans d'autres environnements, et elles réussissent très bien ! (...) Il faut selon moi que la femme sorte de son univers clos, d'où l'importance des réseaux féminins où la femme peut s'exprimer, pouvoir dire "j'ai l'impression de taper contre le mur, mais sans derrière". En s'ouvrant, la femme se rend compte que finalement elle a beaucoup de compétences, qui ne pourront peut-être pas s'exercer dans cette entreprise, mais dans une autre structure.

Des labels d'incitations à l'égalité

Ces réseaux de femmes sont également parvenus à convaincre les entreprises que faire respecter l'égalité professionnelle était un véritable avantage économique et stratégique. Un récent rapport de France Stratégie a par exemple chiffré que la fin des discriminations professionnelles rapporterait 150 milliards d'euros à l'économie française.

Aujourd'hui, les entreprises le savent, l'égalité entre les femmes et les hommes est indispensable pour faire du business. C'est un des critères des marchés financiers. Critina Lunghi, fondatrice d' Arborus

Critina Lunghi, fondatrice d'Arborus
Critina Lunghi, fondatrice d'Arborus
© Radio France

C'est avec ce levier, que des femmes ont créé des labels de certification d'égalité permettant à certaines entreprises volontaires de mettre en place des méthodes et des formations (souvent payantes) qui leur permettent de prouver leurs bonnes pratiques notamment à l'étranger. Le problème c'est que souvent l'égalité ne va pas jusqu'en bas de l'échelle dans l'entreprise.

Chez Carrefour, nous avons des process d'égalité qui s'adressent surtout aux cadres. Pour les caissières nous proposons surtout des "formations", révèle le service communication du groupe Carrefour labellisé GEEIS

Déconstruire les fantasmes du féminisme de marché

C'est ce que dénoncent les chercheurs spécialistes de l'égalité professionnelle aujourd'hui. L'égalité entre les femmes et les hommes est devenue élitiste. Depuis 2000, elle progresse largement chez les femmes les plus favorisées au détriment des femmes les plus précaires. Les accords négociés en entreprise sont de qualité très variables, et surtout, beaucoup restent des "accords de papier", peu appliqués et peu connus des premières concernées.

Suivant la théorie du "ruissellement", les réseaux féminins ont cru et fait croire qu'il suffisait d'avoir une femme dirigeante pour faire progresser le féminisme dans l'organisation de l'entreprise. Mais aucune évaluation sérieuse n'a jamais pu prouver un tel fantasme. C'est ce qu'explique notamment Sophie Pochic, chercheuse au CNRS spécialiste de l'égalité au travail.

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L'égalité professionnelle, ce n'est pas que la question du plafond de verre, c'est une vision assez sélective, voire même un peu élitiste, de la question du domaine de l'égalité. Il faut toujours rappeler que l'égalité au travail, ce n'est pas uniquement les questions de promotion ou d'accès au pouvoir, ce sont les salaires, les formations, les pénibilités, et c'est aussi l'égalité pour toutes, notamment l'égalité pour les femmes du bas de l'échelle. Seules, elles ne peuvent pas défendre leur situation, le rapport de force est très défavorable. Et ce sont elles qui ont encore plus besoin d'intermédiaires collectifs. 

Mieux communiquer sur les femmes

Informer les femmes, c'est notamment ce que fait la newsletter féministe les Glorieuses. Peu satisfaite de la médiatisation des questions de femmes, elle propose notamment des données précises sur les avancées dans les pays européens en terme d'égalité professionnelle. 

Un nouveau regard qui, espère sa fondatrice Rebecca Amsellemm, correspond à la nouvelle génération de féministes trentenaires, et qui devrait progressivement imposer de nouvelles pratiques en entreprise.

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C'est une évidence que l'on arrive à un moment où il y a aura de moins en moins d'inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes car il y a de nouvelles générations qui arrivent dans le monde du travail et qui sont plus sensibilisées à ces questions. (...) On a fait avec les Glorieuses, une étude pour savoir comment arriver arriver à l'égalité salariale assez rapidement. On a regardé les lois et les initiatives qui existaient dans le monde. En Norvège, par exemple, il y a un congé parental équivalent aux deux parents, avec un minimum de trois mois par parent. Ce congé parental est très important car les inégalités se creusent au moment du premier enfant. 

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Appliquer la loi tout simplement ?

L'égalité entre les femmes et les hommes est nommée "grande cause nationale" et le gouvernement a prévu et annoncé pour 2018 une loi pour lutter contre les violences et le harcèlement sexuel. En revanche, l'égalité professionnelle n'est pas encore à l'agenda. Le pire, s'énervent les syndicats, les ordonnances de la loi travail fragilisent les femmes qui sont majoritairement des travailleuses précaires.

Le vrai problème, c'est que l'Etat ne se donne pas les moyens de faire appliquer la Loi. En supprimant 20% des effectifs des inspecteurs du travail en dix ans, les inégalités entre les femmes et les hommes perdurent massivement dans les entreprises qui emploient le plus de femmes (le soin, la fonction publique). 

Là, elles sont de plus en plus précarisées et livrées à elles mêmes, parce que dans les PME et TPE, elles n'ont pas de représentantes syndicales formées pour les défendre. D'où le dispositif de communication et de soutien que met en place à la CGT Sophie Binet en charge de l'égalité femmes - hommes.

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Il faut que les choses changent. Mais le problème, c'est qu'il y a huit lois sur l'égalité professionnelle, mais ces lois ne sont effectives, car il n'y a pas de sanction qui vont avec. Aujourd'hui en France, il y a 60% des entreprises qui ne respectent pas la loi, c'est à dire qu'elles n'ont pas d'accord en matière d'égalité professionnelle, ou pas de plan d'action unilatérale. Pour autant, il y a seulement 0,2% des entreprises qui ont été sanctionnées par l'inspection du travail. La première des choses est donc de faire appliquer la loi telle qu'elle est. Et puis la deuxième chose, c'est que la loi française est insuffisante puisque les sanctions sont seulement liées à une obligation de moyens et non à une obligation de résultat. Il y a beaucoup d'entreprises, dans lesquelles il y a des accords sur l'égalité femme-homme mais sans grande mesure. Il faut prendre exemple sur l'Islande, championne du monde en matière d'égalité, qui vient d'adopter au 1er janvier 2018, une loi sur l'égalité professionnelle qui crée une obligation de résultats et pas seulement une obligation de moyens.

L'Islande a en effet été le premier pays au monde à se doter d'une loi obligeant les employeurs à payer les femmes et les hommes de manière égale. Cette loi exige que toutes les entreprises privées et les entités gouvernementales de plus de 25 salariés, aient un certificat officiel prouvant leur politique d’égalité salariale. Si l’inégalité persiste, les employeurs devront s’acquitter d’une amende imposée par la loi. Cette loi concerne également les discriminations salariales liées à l’origine ethnique, la religion, l’âge, l’orientation sexuelle ou le handicap.

En Allemagne, les lignes bougent également. Le pays ambitionne de réduire son écart record de salaire entre hommes et femmes avec une loi permettant de briser l'un des grands tabous de la vie en entreprise : combien gagne son collègue ?  Depuis le 6 janvier, une nouvelle loi autorise un employé qui se sentirait discriminé à demander par écrit le salaire moyen de six personnes du sexe opposé occupant le même poste. Cette disposition ne s'applique qu'aux entreprises de plus de 200 salariés. Celles de plus de 500 salariés sont pour leur part obligées de faire un point régulier sur leur politique anti-discriminations salariales.

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