Le Parti pirate français se renouvelle avant les élections européennes

Les pirates français ne sont que 170 à jour de cotisation. Ils viennent de refonder les statuts de leur parti
Les pirates français ne sont que 170 à jour de cotisation. Ils viennent de refonder les statuts de leur parti ©Maxppp - Xavier de Torres
Les pirates français ne sont que 170 à jour de cotisation. Ils viennent de refonder les statuts de leur parti ©Maxppp - Xavier de Torres
Les pirates français ne sont que 170 à jour de cotisation. Ils viennent de refonder les statuts de leur parti ©Maxppp - Xavier de Torres
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Le Parti pirate français lance sa campagne de recrutement pour les européennes. Il veut aller plus loin dans l’horizontalité et le partage du pouvoir, et il fait rimer son nouveau Code avec #Libérez-Vous et #PiratezLaDémocratie. Qui sont ces Pirates ? Que peuvent-ils apporter à la démocratie ?

Né en 2006 en Suède, le Parti pirate (PP) est une organisation internationale qui cherche à émanciper le citoyen au travers de nouvelles pratiques de la démocratie. En France, le parti a émergé en 2011 et il est aujourd’hui en voie de "préprofessionnalisation", selon le doctorant spécialiste du sujet Arthur Renault. Les pirates français viennent ainsi de créer de nouveaux statuts pour aller plus loin dans l’horizontalité et le partage du pouvoir. Ils cherchent actuellement à se faire connaître et rêvent d’être présents aux européennes, en dépit de leur petit nombre d’adhérents et de leurs faibles moyens.
Témoignages recueillis par Anne Fauquembergue.

Le Parti pirate propose une organisation dans laquelle le citoyen a le rôle politique central

En 2006, dès l’origine de sa création par Rick Falkvinge, un programmateur informatique suédois, le parti s’ancre dans des valeurs de transparence des institutions publiques et d’indépendance de la justice. Les pirates souhaitent libérer l’accès à la culture et au savoir et lutter contre les monopoles privés et le système des brevets. Plus globalement, les militants du PP souhaitent adapter la société à la révolution numérique. Ce qui fait dire au chercheur en sciences politiques Arthur Renault que les adhérents cherchent à "faire de la politique autrement et ailleurs". C’est pourquoi ils sont attachés au nom de leur parti. En grec, Pirate (pierao) signifie "essayer, tenter sa chance à l’aventure". Le Parti pirate se conçoit comme un laboratoire de nouvelles pratiques politiques que chaque personne est invitée à venir tester. Ils s’appuient sur la Démocratie liquide, aussi appelée Démocratie délégative

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En France, les militants viennent de refonder leurs statuts et leur organisation semble être à la pointe de ce concept. Avec en ligne un aveu très récent : "Depuis la création de notre parti, nous nous étions laissés piéger par un modèle partisan obsolète qui a fait de nous un parti quelconque, identique à n’importe quel petit mouvement politique.

Ancienne membre d'Europe Ecologie Les Verts, Florie Marie a adhéré l’année dernière et elle a participé à cette réforme du parti. A 30 ans, elle est cheffe de cabinet dans une mairie près de Strasbourg.  

Cette réforme n'a pas été simple car tout le monde n'était pas forcément partant et peut-être aussi un peu frileux pour cette situation d'horizontalité complète, de Démocratie liquide appliquée. Nous n'avons pas l'habitude de fonctionner de cette façon là. Même dans les nouveaux partis comme En Marche, il y a une représentativité que nous avions aussi auparavant et que nous avons choisi de supprimer.

Au Parti pirate, la Démocratie liquide, qui place le citoyen au cœur des décisions, est possible grâce au développement des outils numériques. Pour rendre possible cette horizontalité revendiquée dans le processus de décisions, les pirates français ont ainsi créé leur propre application qui porte le nom de Congressus.  
Cédric Levieux est informaticien. Il a 40 ans et il est membre du Parti pirate depuis 2012. 

Cédric Levieux participe au développement des outils de la Démocratie liquide
Cédric Levieux participe au développement des outils de la Démocratie liquide
- Cédric Levieux

"Cet outil est plus ludique et joli afin d’inciter les gens à prendre part à la Démocratie interne du parti Pirate"

2 min

Un engagement plus important que dans un autre parti politique 

Pour le chercheur en sciences politiques Arthur Renault, la Démocratie liquide prend du temps, en dépit des nouveaux outils informatiques. "L’engagement au Parti pirate est plus important que dans un autre parti politique" précise-t-il. Avec la réforme des statuts, d'ici quelques semaines, chaque mois devrait être organisé en quatre temps : une semaine de dépôt de motion, une autre de débat sur les propositions, une troisième pour le vote des idées et la quatrième semaine devrait être dédiée aux débats sur les orientations du Parti et la rédaction des prochaines motions. Ce mois type signifie que les militants pirates votent chaque mois ou choisissent de déléguer leur vote. La Démocratie liquide permet en effet de remettre sa voix à un autre adhérent plus compétent sur un sujet ou par faute de temps pour participer, explique le doctorant Arthur Renault :

Arthur Renault étudie le parti Pirate depuis 2012. Il est doctorant à l'université de Rennes
Arthur Renault étudie le parti Pirate depuis 2012. Il est doctorant à l'université de Rennes
- Arthur Renault

On peut effectivement déléguer sa voix pour apporter d'avantage d'expertise sur un sujet à un autre militant jugé plus compétent. Néanmoins, la délégation peut aussi se retourner contre le parti Pirate parce qu'il peut y avoir une routinisation de la délégation, une participation moins importante et de fait une représentativité qui peut reprendre le dessus. 

"Il y a un risque de routinisation de la délégation"

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Le casse-tête des européennes

Le Parti pirate français a débattu avec son Assemblée permanente et a décidé de se présenter aux européennes. Mais comment ? Si le parti Pirate a connu un effet de curiosité médiatique aux législatives de 2012, il est aujourd’hui moins connu. 

Les pirates français ne sont que 170 à jour de cotisation et il faut quasiment autant de personnes pour former une liste pour se présenter au Parlement de Strasbourg. De plus, la majorité des adhérents sont des hommes, ce qui rend difficile le respect de la parité. Par ailleurs, le PP ne dispose pas de financements publics. 

En 2017, les pirates ont investi 58 candidats pour les législatives mais aucun d’entre eux n’a dépassé les 1,42% des voix.  

Le parti français fonctionne avec peu d’argent : entre 5 000 et 7 000 euros par an. Il est donc difficile d'organiser une campagne électorale européenne dont le coût est estimé à 1,5 millions d’euros. C’est pourquoi, le PP tente de former des alliances avec d'autres petits partis et surtout de convertir les élus au bulletin unique. Une campagne sur internet a été lancée et selon Nicolas Petitdemange, technicien informatique, certains élus sont réceptifs. 

Quand nous sommes sur un projet très concret, les élus nous écoutent. Nous avons un certains nombre de résultats. Notre projet de bulletin unique consiste à faire économiser de l'argent à l'Etat tout en réduisant l'impact écologique d'une élection. Au lieu de présenter plusieurs bulletins sur la table du bureau de vote, nous souhaiterions n'en déposer qu'un seul. L'électeur cocherait une case dans l'isoloir à partir d'une liste présentée sur le bulletin. Deux sénateurs ont déjà intégré cette idée pour une proposition à venir sur la rénovation démocratique. 

L’exemple de Julia Reda, unique députée Pirate depuis 2014 au Parlement européen, montre que ce petit parti peut faire vivre le débat au sein de l’hémicycle européen. L’Allemande a été l’une des plus farouches opposantes au projet de loi sur les droits d’auteurs voté le 12 septembre dernier. Sans revenir sur le débat et sur ses positions, Julia Reda explique ce que peut apporter un petit parti comme le parti Pirate au Parlement européen :

Julia Reda,  députée européenne du parti Pirate
Julia Reda, députée européenne du parti Pirate
- Christopher Clay

J’ai été l’une des eurodéputées les plus influentes de mon groupe politique. J’ai travaillé sur de nombreux textes de loi, je les ai amendés. Par exemple la fin du géoblocage pour le commerce en ligne, la réglementation sur la portabilité, la directive copyright ou encore le nouveau code des communications électroniques. Je me suis investie sur une dizaine de projets au cours de ces quatre dernières années.  Je me sens optimiste pour les prochaines européennes. Je pense que le Parti Pirate aura au moins trois sièges, donc plus qu’en 2014 mais nous pourrions aussi en avoir cinq. Nos meilleures chances sont en République Tchèque où le Parti Pirate est à 15% dans les sondages actuellement, je pense que nous pourrions aussi avoir un siège en Allemagne et dans d’autres pays également.

"La fonction politique du parti Pirate c'est d'apporter de la contradicton et d'attirer l'attention des citoyens sur ce qui se passe au Parlement "

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