Pouvoir d'achat : "On ne vit plus, on survit"

"Tout trop cher." "On ne vit plus, on survit." "Macron, desserre l'étau, on étouffe." "Très chers bourgeois, désolé de vous déranger, pourrions nous tou.te.s vivre dignement svp ?" "Marre de travailler pour les engraisser." 

Voici quelques unes des phrases vues sur des pancartes lors des manifestations et rassemblements des "gilets jaunes" qui ont commencé le 17 novembre dernier. Le pouvoir d'achat est l'une de leurs revendications majeures et Emmanuel Macron y a répondu par différentes annonces, notamment une augmentation de 100 euros par mois pour les travailleurs au Smic dès 2019. 

Les chiffres officiels de l'INSEE affirment que ce pouvoir d'achat a (faiblement) progressé l'année précédente (1,3%), mais le ressenti de nombreux Français est de toute évidence diamétralement opposé à ce constat.

Pouvoir vivre de ce que l'on travaille 

Le travail doit payer davantage en France, il doit permettre de vivre sans crainte du lendemain. Cette demande est au cœur du mouvement des "gilets jaunes". Marie-Cécile (prénom modifié), aide-soignante dans la Nièvre, évoque sa situation. "Je n'ai pas eu de grosse augmentation de mon salaire depuis dix ans que je suis là. Je vois plutôt mon pouvoir d'achat baisser. Les annonces d'Emmanuel Macron ne sont pas suffisantes. On en donne beaucoup aux gens qui ne travaillent pas, qui ne se lèvent pas le matin" a-t-elle confié à Catherine Petillon :

Un pouvoir d'achat en augmentation globale selon l'INSEE  

Pourtant, selon l'INSEE, le pouvoir d'achat a plutôt tendance à augmenter. Il a été très ralenti à plusieurs reprises durant cette décennie, mais les deux dernières années marquent une reprise. Pour 2018, il devrait ainsi être en hausse de 1,3%, comme l'an dernier. Ronan Mahieu est chef du département des comptes nationaux à l'INSEE. Il a précisé à Marie Viennot ce que signifient ces chiffres.  

Le pouvoir d'achat a donc eu, ces dernières décennies, ses hauts et ses bas, ses périodes de progression et de régression. Mais le ressenti général est pourtant très différent de cet état des lieux.  

"Ma mère arrivait avec un SMIC à 5000 francs à nourrir deux enfants"

Narith Toung est moniteur d'auto-école en région parisienne. Il va défiler tous les samedis depuis le 17 novembre avec les "gilets jaunes" parce qu'il a le sentiment que depuis 30 ans, le pouvoir d'achat ne fait que se dégrader.  

Comment expliquer cette différence entre les chiffres de l'INSEE, qui décrit une phase de hausse, et ce ressenti général qui évoque des difficultés croissantes ? 

"Le pouvoir d'achat augmente très peu en France, particulièrement cette année"

Pour Cyril Blesson, macro-économiste, enseignant associé à l'université Paris Dauphine et associé au cabinet Pair Conseil, c'est le "gâteau général" du pouvoir d'achat qui augmente. Mais ce gâteau n'est pas équitablement partagé. Certains profitent de cette hausse, quand d'autres en sont privés. Il nous explique le phénomène plus en détails. 

Cyril Blesson note par ailleurs ceci :

Nous sommes bel et bien dans une phase de reprise, mais c'est toujours dans ces phases-là que l'on assiste à ce type de crises sociales. La reprise met du temps à se diffuser aux salaires, il faut d'abord que le marché du travail se redresse significativement. En attendant, les gens lisent dans la presse que l'activité repart depuis deux ou trois ans... mais ils ont l'impression de ne pas en profiter !

Et le tableau général du pouvoir d'achat se retrouve donc divisé entre gagnants et perdants.  

Des gagnants et des perdants  

Pour ce qui concerne les budgets 2018 et 2019, voici ce que nous dit Brice Fabre, de l'Institut des Politiques Publiques : 

Dans l'étude que nous avons faite, les perdants sont les 20% des ménages les moins aisés. Il y a de légers gains pour une large classe moyenne. Il y a ensuite des pertes pour les 20% de ménages les plus aisés, exceptés les 1% des ménages les plus riches qui eux ont des gains significatifs. Précisons quand même que les dernières annonces faites lundi par le Président de la République peuvent apporter un rééquilibrage, notamment avec cette revalorisation des bas salaires via la prime d'activité. Il faut cependant savoir comment tout cela sera financé et les choses ne sont pas claires de ce point de vue là.

Sur le long terme, Franck Benoît (son prénom a été changé à sa demande) fait partie de ceux qui voient leur pouvoir d'achat baisser à vue d’œil chaque année. Il nous en explique en détails les raisons.   

Rétablir un équilibre entre la ville et la campagne

Une inégalité de pouvoir d'achat évidente frappe ceux qui vivent dans un environnement urbain et ceux qui habitent en zone rurale. Cédric Szabo est Directeur de l'Association des Maires Ruraux de France. Il demande à l'Etat davantage de subventions afin de garantir une meilleure équité en matière d'accès aux transports ou à la culture. Il remarque qu'il y a là un vrai sujet en terme de dépenses chaque mois. 

"Dès fois, d'un euro à l'autre, vous basculez dans une autre tranche sans aucune aide"

Les difficultés de pouvoir d'achat peuvent aussi toucher des Français qui admettent gagner leur vie plutôt convenablement. Kamal Amriou a 60 ans. Il appartient à l'association Mouvement citoyen des gilets jaunes. Il est entrepreneur dans les arts graphiques, en région parisienne. Selon lui, avec sa femme, ils font partie de cette classe sociale qui logiquement devrait s'en sortir au vu de leurs revenus. Mais, pour diverses raisons, il se voit quand même obligé de contrôler toutes ses dépenses et de fortement se limiter dans ses envies. "Je suis à Paris, mais mon projet de vie est de retourner dans l'Hérault et il va falloir que je me prive d'un certain nombre de choses."

Le cas particulier des étudiants  

Le mot "étudiant" rime depuis toujours avec "pouvoir d'achat fortement insuffisant". 

Thimoté Lebrun est étudiant à Lyon, en troisième année de géographie. Il nous raconte ses difficultés de pouvoir d'achat... et nous parle aussi d'une initiative qui a vu le jour dans la ville, expressément pour aider les jeunes comme lui à joindre les deux bouts. Baptisé Commerce ami des étudiants, ce dispositif initié par Lyon Campus réunit différents magasins et services qui offrent des réductions aux étudiants.

Quelles sont aujourd'hui vos difficultés les plus importantes ? Voici vos réponses à cette question sur les réseaux sociaux.  

Quelles idées pour améliorer le pouvoir d'achat ?  

Quelles autres pistes la politique devrait-elle aujourd'hui explorer pour que le porte-monnaie des Français se porte mieux ? Nous vous avons posé la question. Voici quelques unes de vos idées :