Elles s'appellent YouTube Kids, Gulli, Okoo et bientôt Disney+, des plateformes ou des chaînes dédiées aux enfants. Ils sont de plus en plus nombreux à regarder les dessins animés en ligne et plus seulement à la télévision. Face à cette offre pléthorique, les parents doivent garder le contrôle.
Lundi, France Télévisions a lancé la plateforme Okoo, dédiée uniquement aux enfants de 3 à 12 ans. Dans quelques mois en France sortira aussi Disney+, dans laquelle la totalité des classiques de Disney sera notamment disponible. Puis il y a toujours les chaînes spécialisées comme Gulli ou les plateformes comme YouTube Kids où les enfants peuvent aussi visionner tout type de vidéos. Les plus jeunes ont l'embarras du choix pour regarder des séries animées ou des films d'animation.
La plupart des enfants continuent de regarder la télévision en linéaire, 80% d'après l'enquête 2019 réalisée par le Syndicat National de la Publicité TéléVisée, mais ils sont de plus en plus nombreux à utiliser des plateformes pour visionner leurs programmes favoris (51% sur YouTube, par exemple). Comment s'y retrouver au milieu de tous ces contenus ? Peut-on se fier aux plateformes spécifiquement dédiées ? D'après les témoignages recueillis sur les réseaux sociaux par Hashtag, les parents gardent la main sur la "télécommande" et attachent beaucoup d'importance au contenu visionné par leur enfant. "Ils regardent rarement seuls. Nous veillons toujours au contenu" affirme Lor Ca sur notre page Facebook, "ils ont droit à 30 minutes chacun de 'Pat’ Patrouille' et 'Zig et Sharko' ! Nous avons bloqué l’accès à certains dessins animés" commente pour sa part Anaïs.
Le rôle des parents face aux plateformes en ligne
Comme l'explique Fabien Normand, de l'association Tinternet & Cie, située à Besançon et qui intervient auprès des parents et des enfants pour faire de l'éducation numérique, les cas d'enfants qui se retrouvent face à du contenu inadapté sur un écran ne sont pas rares. Notamment lorsque l'enfant navigue sur certaines plateformes comme YouTube. Il y a déjà le risque de vidéos "détournées" explique le développeur web : "Vous pouvez vous retrouver devant un dessin animé de Dora l'exploratrice avec des dialogues doublés et ces dialogues peuvent être à caractère sexuel ou simplement inadapté pour un enfant ou un adolescent." Il existe également le risque de tomber sur des vidéos simplement inadaptées. La plateforme YouTube Kids met en avant une_"expérience sécurisée"_ pour les enfants. Elle indique ainsi tout mettre en œuvre "pour que les vidéos proposées sur YouTube Kids soient adaptées aux familles" et ce grâce aux "retours des parents, [à] des examens manuels ainsi que des filtres automatiques développés par [des] ingénieurs". La plateforme rappelle toutefois que l'intégralité des vidéos ne fait pas l'objet d'un examen manuel et que du contenu inapproprié peut se "glisser entre les mailles du filet".
Il y a des règles sur internet. Le respect de la limite d'âge des programmes en est une mais aussi l'installation d'un programme de contrôle parental. Les plateformes ont compris qu'aujourd'hui il y avait des risques pour les plus jeunes et ont pris ce problème à bras le corps. Néanmoins, si vous ouvrez par exemple YouTube Kids sur votre téléphone, votre enfant peut retourner dans le menu et ouvrir une autre application. Il y a un besoin de le surveiller, d'être avec lui lorsqu'il utilise ces outils. Le premier contrôle parental, ce sont les parents. Les parents doivent installer les ordinateurs et tous les écrans dans les pièces communes. Laisser son enfant seul sur internet, c'est comme le laisser seul dans les rues d'une grande ville. Vous allez le surveiller, internet c'est la même chose ! C'est un espace où l'on peut trouver beaucoup de choses, des informations qui peuvent être extrêmement utiles, qui peuvent l'enrichir personnellement mais aussi des choses inadaptées pour un enfant de son âge.
Fabien Normand, intervenant pour l'association Tinternet & Cie
Pour aider les parents à mieux s'y retrouver, la FCPE compte sur l'École. "La formation des parents vis-à-vis des médias doit être de l'ordre du quotidien", estime le co-président de la fédération de parents d'élèves, Rodrigo Arenas.
L'École est peut-être le seul lieu dans lequel les enfants peuvent avoir une approche différente et éducative des contenus qu'ils reçoivent à la maison (...). On fait le pari de l'éducation. On fait le pari que plus les enfants seront éduqués à cela, plus les parents seront éduqués, parfois même à travers les enfants, plus on pourra aller non pas vers une défiance par rapport aux plateformes de contenus médiatiques mais plutôt sur le fait qu'on va zapper plus rapidement parce qu'on pense que le contenu n'est pas approprié.
Rodrigo Arenas, co-président de la FCPE
Rodrigo Arenas : "L'école est peut-être le seul lieu où les enfants peuvent avoir une approche différente et éducative des contenus reçus à la maison"
1 min
Quand France Télévisions lance sa propre plateforme
Depuis lundi, les enfants friands des programmes jeunesse proposés par le service public peuvent les retrouver sur une même et unique plateforme : Okoo. Créée pour répondre aux nouveaux besoins des plus jeunes mais aussi pallier la fermeture à venir de France 4, seule chaîne du service public entièrement dédiée à la jeunesse, Okoo est entièrement gratuite et sans pub. Outre des programmes d'animation qui occupent 80% de la plateforme, cette nouveauté propose également des magazines et des émissions pour les jeunes. L'objectif de cette chaîne 100% numérique est de proposer des programmes "ludo-éducatif" souligne la directrice de l'unité jeune public et animation à France Télévisions, Tiphaine de Raguenel. Des programmes choisis par le diffuseur qui s’appuie sur une série de critères pour sa sélection. "Nous sommes très attachés à ce qu'ils proposent une notion de découverte : de vivre-ensemble, de l'amitié, de formes graphiques et visuelles différentes à des thématiques plus sérieuses comme la philosophie, l'histoire, l'astronomie à hauteur d'enfant, la science, la poésie... Sous des formes qui ont l'air divertissantes. Mais en sortant du programme, _on a appris quelque chose__"_, détaille Tiphaine de Raguenel.
"On ne regarde pas les mêmes choses quand on a 3 ou 7 ans", Tiphaine de Raguenel, directrice de l'unité jeune public à France TV
4 min
Pour accéder à la plateforme, l'enfant (ou son parent) doit d'abord sélectionner l'âge, une manière de filtrer le contenu adapté à chaque public. "On ne regarde pas les même choses quand on a 3 ou 7 ans. (...) Les images peuvent heurter les enfants, cela peut imprégner leur mémoire, leur sensibilité pendant assez longtemps, c'est une chose à laquelle il faut être attentif", estime la responsable de l'unité jeune public.
Un minuteur est aussi proposé aux parents afin de limiter le temps d'écran de l'enfant. France Télévisions l'assure, sa plateforme peut être regardée sans risque d'y trouver du contenu inapproprié pour les enfants.
Le contrôle du CSA
L'une des missions du Conseil supérieur de l'Audiovisuel créé en 1986 est de protéger le jeune public. "Le CSA collabore avec télévisions et radios pour offrir au public le plus jeune des programmes adaptés à son âge et pour le protéger de ceux qui pourraient le perturber", peut-on lire sur son site internet. Ainsi, il agit pour éviter que les mineurs ne soient exposés à de la violence, de la pornographie, des discours de haine, des jeux d'argent ou à la promotion du tabac ou de l'alcool. Pour ce faire, le CSA utilise divers outils comme la signalétique jeunesse, ces macarons blancs indiquant les âges en-dessous desquels un programme est déconseillé. "Le CSA veille aussi à ce que le jeune public reçoive une information, une éducation et des programmes de qualité qui participent à son enrichissement culturel et éducatif. Et que le jeune public ne soit pas surexposé à de la publicité", ajoute Carole Bienaimé Besse, membre du CSA, présidente du groupe de travail Éducation, protection des publics et cohésion sociale. Concernant le cinéma, l'autorité est régulièrement saisie par des parents regrettant la diffusion de certaines publicités ou certaines bande-annonces jugées inadéquates lors de la diffusion d'un film tout public. Mais le CSA rappelle qu'il n'est pas compétent en la matière et le problème est plus complexe encore s'agissant d'internet.
À l'heure où je vous parle, le CSA ne régule pas internet. Je crois qu'il faut plus raisonner en terme de plateforme identifiée, plutôt que de dire "on régule internet". Parce que réguler internet, c'est partir avec sa petite cuillère vider l'océan. En revanche, il y a une directive [européenne] dite SMA 'Service des médias audiovisuels' qui va permettre d'étendre la régulation et faire en sorte que les pays de destination des plateformes, comme Netflix ou YouTube, qui ne sont pas basées en France mais qui émettent en France, soient régulées. C'est une première étape. Sachant que la réforme audiovisuelle en cours envisage que le CSA fusionne avec Hadopi pour devenir l'Arcom [Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique]. Cette nouvelle autorité administrative pourrait se mettre à réguler les plateformes audiovisuelles en ligne pour faire en sorte que ce qu'on applique aux médias traditionnels radio et télévision, soit aussi appliqué en ligne sur ces plateformes.
Carole Bienaimé Besse, membre du CSA, présidente du groupe de travail Éducation, protection des publics et cohésion sociale
La publicité, toujours très présente
Lors de l'adoption de cette directive SMA, André Gattolin a vivement contesté la proposition faite de "décontingenter la publicité par heure". Ce qui signifiait que le volume global des publicités aurait été réparti selon le bon vouloir des diffuseurs. Le sénateur LREM des Hauts-de-Seine avertit qu'il sera très vigilant lors de la transposition de cette directive dans le droit français.
S'il prête une attention particulière à la publicité c'est parce qu'en 2015, André Gattolin (à l'époque sénateur Europe Écologie Les Verts), est l'auteur d'une loi supprimant les publicités pendant les programmes jeunesse sur les chaînes du service public. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2018. Il souhaitait alors protéger les enfants, "un public fragile", face au monde du marketing et de la consommation jugé "extrêmement stratégique et pernicieux". Mais la publicité reste très présente sur les chaînes privées et sur les différentes plateformes, notamment YouTube. Ce que déplorent de nombreux parents, comme Polo qui témoigne sur la page Facebook de Hashtag : "Même quand tu contrôles, écrit-il, le pire ce sont les pubs qui se lancent en fin ou début de vidéo, ou entre deux épisodes (...). J'essaie le plus possible de regarder avec ma fille. Comme cela, quand la pub arrive, je peux réagir."
André Gattolin souhaiterait qu'à terme les publicités disparaissent tout simplement car elles peuvent avoir pour conséquence des comportements addictifs chez les enfants, notamment au niveau alimentaire ou de surconsommation excessive.
"Il faudra à un moment qu'on en finisse avec la publicité destinée aux enfants", le sénateur André Gattolin
2 min
Il y a une irresponsabilité sociale. Ce qui va alimenter quelques entreprises dans une démarche commerciale coûte à la société, aux pouvoirs publics donc aux contribuables, par des traitements de l'obésité ou du surpoids, des sommes considérables. (...) Aujourd'hui, la consommation, surtout celle qui est dangereuse, sur-grasse, sur-sucrée ou sur-salée, auprès des enfants ne fait pas l'objet d'une régulation suffisamment forte.
Le sénateur des Hauts-de-Seine LREM André Gattolin
Le sénateur prend pour exemple d'autres pays où la publicité destinée aux enfants est réglementée, si ce n'est interdite. Au Royaume-Uni, la publicité pour la "mal-bouffe" est interdite dans les programmes jeunesse sur l'ensemble des chaînes télévisées. La Suède et le Québec interdisent toute publicité visant les enfants. Au Québec, tous les supports et médias sont concernés, ce qui vaut donc pour Internet et les applications.
Vos réactions sur les réseaux sociaux
L'équipe
- Production