

Parti d’Europe après la guerre en 1946, à l’âge de treize ans et demi, Aharon Appelfeld est sans parents ni éducation. Lorsqu’il arrive en Israël, il apprend l’Hébreu. Il en deviendra un des très grands romanciers.
- Aharon Appelfeld écrivain
« Ce qui m’importe, c’est que les gens puissent lire mes livres et que cela laisse quelque chose dans leur âme. » A la mémoire, Aharon Appelfeld préfère le souvenir. En hébreu, le mot souvenir induit une sorte d’émoi qui vient du plus profond de notre être, alors que le mot mémoire est abstrait, « vous pouvez avoir une notion de ce mot et quelqu’un d’autre en aura une différente. » Le souvenir est plus intime, quelque chose qui sort peu à peu de votre âme, un moment de grâce pendant lequel vous revoyez votre mère quand elle était jeune ou retrouvez une odeur de votre passé.
Aharon Appelfeld est parti d’Europe après la guerre en 1946, à l’âge de treize ans et demi, sans parents ni éducation. Sans même une langue à lui. Sa langue maternelle est l’allemand, mais il connaît aussi l’ukrainien, le polonais, le russe, le yiddish et le roumain. Lorsqu’il arrive en Israël, il apprend l’hébreu. « Tout ce que j’avais vécu en Europe était tellement immense qu’on ne pouvait pas vraiment en parler. » Il ne veut plus parler, devient muet. « Je n’ai pas parlé pendant toute la guerre et après, les muscles de ma mâchoire refusaient de s’actionner. » Mais il a aussi peur de parler, car il bégaye, il a peur des moqueries.
C’est donc tout naturellement dans l’écriture qu’il trouve sa voix, une voix qu’il découvre un soir, en dressant une liste avec les noms de tous ses proches, sa mère, son père, ses oncles, les membres de sa famille « Les choses étaient confuses, tout s’était embrouillé dans ma mémoire. C’est ainsi que j’ai su que je n’étais pas orphelin. » Peu à peu, il commence à se souvenir, « pas de tout mais de bribes, de quelques secondes » . Depuis, il voit chaque journée où il n’écrit pas comme une grande perte : *« l’écriture est un lien avec moi-même, avec mes parents, avec mes grands-parents. * Aujourd’hui, il écrit encore plus,* « car c’est à l’âge de 83 ans qu’on comprend mieux ce qu’est vraiment l’écriture. »*
Alors Aharon Appelfeld a écrit des romans, mais toujours inspirés de ce qu’il a vécu, car comme il le dit, en arrivant à treize ans et demi en Israël, il avait déjà vécu une vie d’adulte. Mais la réalité de ce qu’il écrit est toujours teintée d’une part de rêve : « Le rêve est une réalité, pas une réalité qui ressemble à ce qu’on vit tous les jours mais une réalité concentrée. » Et l’art ressemble beaucoup au rêve. Le rêve est organique, il est tout entier dans notre corps et dans notre âme. « Si vous voulez dessiner la véritable essence de l’art, le rêve sera ce dessin. »

Aharon Appelfeld : "Je ne sais toujours pas pourquoi je suis devenu écrivain"
3 min
Très vite j'ai compris que sur cette seconde guerre mondiale, sur cette guerre si cruelle, on ne pouvait pas écrire de manière réaliste. C'était la première chose que j'ai comprise mais ça ne suffisait pas.Peu à peu je me suis aussi mis à lire, j'ai lu Kafka, j'ai lu Camus, j'ai lu d'autres auteurs et j'ai compris que si je voulais devenir écrivain, il fallait que je parvienne à atteindre une certaine forme d'universalisme.
L'INVITE
Aharon Appelfeld est écrivain et romancier. Il est un des plus grands auteurs israéliens. Son *Histoire d'une vie * (Editions de l'Olivier, 2004), ouvrage majeur, a remporté le Prix Médicis. Parmi ses autres romans, citons Les Eaux tumultueuses (Editions de l'Olivier, 2013), Le Garçon qui voulait dormir (Editions de l'Olivier, 2011), *L'Amour, soudain * (Editions de l'Olivier, 2004), parmi tant d'autres. Il est l'auteur d'un magnifique ouvrage pour la jeunesse, Adam et Thomas (L'Ecole des Loisirs, 2014) qui raconte l'histoire de deux enfants qui vont devoir survivre seuls dans la forêt pendant la guerre. Il vient de publier *Les Partisans * (Editions de l'Olivier, 2015) qui suit le combat des partisans juifs repliés dans les forêts d'Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale. Un auteur incontournable.
HORS-CHAMPS EN ISRAËL
< Episode 5 : Raphaël Zagury-Orly
Episode 7 : Nadav Lapid >
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Collaboration
- Réalisation
- Collaboration