

En hommage à la journaliste, romancière et militante féministe Benoîte Groult, décédée le 20 juin à Hyer dans le Var à l’âge de 96 ans, Hors-Champs rediffuse l'entretien avec Laure Adler du 8 mars 2010.
- Benoîte Groult Journaliste, écrivain, féministe (1920-2016)
Lorsque Benoîte Groult entre dans le studio, Laure Adler remarque l’élégance de son style et s’en amuse, elle lui répond : « Au fond je suis probablement plus élégante maintenant qu’il y a trente ans. (…) à vingt ans je détestais la mode. Mais en avançant en âge je suis devenue moins timide. Je m’habille beaucoup mieux maintenant, que voulez-vous il faut bien se distraire ! »
Elle est, malgré son âge (90 ans en 2010), d’une vigueur étonnante. « Je vais souvent chez mon éditeur à vélo, parce qu’il est dans mon propre quartier. A chaque fois, il est terrorisé! Alors je lui dis : vous avez peur de perdre la poule aux œufs d’or ! »
Elle évoque le sentiment de la vieillesse, de la jeunesse qui file : « Quand je prends le métro, le soir et que je rentre du cinéma, il y a des jeunes qui s’interpellent d’un quai à l’autre et j’ai l’impression que je pourrais tomber sur la voie, (…) ils ne me verraient pas. Le regard s’échappe. On est vraiment la femme invisible… et c’est extrêmement désagréable. »
« La vieillesse n’intéresse personne, et puis, pour les jeunes, c’est inquiétant : tous ces gens qui vont vivre jusqu’à cent vingt ans, comment vont-ils les entretenir ? Où vont-ils les mettre ? (…) Je ne suis pas encore en maison de retraite, parce que j’ai la chance justement d’avoir continué mon métier, personne ne m’a dit à soixante-dix ans : vous posez votre stylo, c’est fini vous êtes en retraite. J’ai encore pas mal de lectrices, je ne suis pas en retraite alors ça me donne une jeunesse. »
Benoîte Groult qui, toute sa vie, s’est battue pour défendre l’indépendance des femmes, regrette que ses petites filles n’ai pas pris connaissance de son oeuvre : « Elles me disent quelquefois : mais alors vous n’aviez pas la pilule de ton temps ? Ce qui prouve qu’elles n’ont pas lu mes livres ! Elles ne savent pas que moi, je suis née avec zéro droit ! (…) elles sont nées avec tous les droits dans leur berceau et elles croient que nous sommes mortes depuis longtemps, nous qui avons conquis ces droits ! »
Elle évoque enfin sa mère, la styliste Nicole Groult qui, tout en l’encourageant dans une éducation de fille de bonne famille, lui a donné l’image d’une femme indépendante. « Elle était bruyante, tapageuse. Je n’avais qu’une peur dans ma vie, qu’elle vienne me chercher à la porte de l’Institut Sainte-Clotilde. Je me disais : si elle vient à l’école me chercher, toutes les filles vont la regarder, avec ses talons aiguilles qui font un bruit terrible et son manteau de singe avec des poils partout. Les mères des autres élèves ne travaillaient pas. Elles avaient des maris qui travaillaient pour elles. Ma mère, elle, a tout de suite voulu travailler. Ce qui, à l’époque, était mal vu. »
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