

Laure Adler reçoit Jean Starobinski, théoricien de la littérature, venu témoigner de son parcours, et de ses références intellectuelles.
- Jean Starobinski Ecrivain, philosophe et professeur d'histoire des idées à l'Université de Genève (1920-2019)
Cet entretien avec le théoricien de la littérature commence par le récit de l'arrivée de ses parents polonais, en Suisse, autour de 1913. Parents d'origine juive, qui ne pouvaient donc pas entrer à l'université à Varsovie.... Arrivé à Genève, son père a commencé à suivre des cours de philosophie, dont les derniers donnés par Saussure. Puis il est devenu médecin :
C'était un médecin très subtil, très attentif aux phénomènes allergiques, aux réactions individuelles auxquelles ont peut répondre par des vaccins ou une thérapeutique très calculée... mais en fait il avait une nostalgie littéraire. Et lorsque je n'étais que collégien, et sans intention de me forcer à partager ses lectures, j'ai vu arriver dans notre casier à lettres "La Nouvelle Revue française", "Mesures", "Commerces"... c'était une bonne dose de Paulhan que je recevais là ! Mon père a reçu d'un de ses patients, l'anthropologue Griaule, le numéro de "Minotaure" sur la mission Dakar-Djibouti, je faisais connaissance avec "Minotaure", j'ai découvert que la bibliothèque du musée, à deux pas du collège, était ouverte à tout un chacun, et je me suis précipité sur tous les numéros de "Minotaure" que je pouvais y trouver.
Publicité
Science et conscience
Jean Starobinski lui-même ne choisira jamais vraiment entre une vocation de médecin psychiatre, et sa passion pour la littérature. Un non-choix qui va féconder une oeuvre considérable :
En quittant le collège, j'ai commencé à suivre les cours qui menaient à la Licence ès lettres, avec le projet de poursuivre, peut être, et je l'ai fait, du côté médical si la licence me laissait sans emploi précis. Et je me rappelle avoir disserté en latin sur les auteurs que Virgile a suivis au sixième chant de l'Enéide. J'étais devenu assez agile dans le maniement du latin. [...] J'avais beaucoup aimé les sciences de l'Antiquité, de la façon dont les professeurs l'enseignaient... (...) L'esprit de résistance était l'atmosphère que je respirais, dans la proximité de Jouve qui souhaitait animer quelque chose à Genève. Il avait terminé son "Don Juan de Mozart", il faisait des exposés lecture de son texte, et j'étais l'étudiant qui faisait tourner la manivelle des disques.
Pour sa thèse, il opte pour les lettres, et s'intéresse à Jean-Jacques Rousseau :
Le projet était thématique. Il était de suivre au long des siècles modernes ce qu'étaient dans leur structure les œuvres d'écrivains qu'on peut considérer comme des ennemis des masques. Il s'agissait de voir comment le thème du mensonge et de la vérité, du masque et de la sincérité, ont été traités à différentes époques par différents écrivains. Je commençais avec Montaigne, grand ennemi des masques, je passais aux moralistes à la Rochefoucauld (...) pour le 18e siècle, j'hésitais entre Rousseau et Diderot. Pour le 19e, j'avais choisi Stendhal, un ennemi des masques adorant les masques.
Pierre-Jean Jouve et Gaston Bachelard
Plus tard, Jean Starobinski fait l'édition complète de Pierre-Jean Jouve au Mercure de France.
Jouve est un auteur qui s'est combattu lui-même. il y avait chez lui un instinct proprement poétique avec des curiosités pour le mal, et uns sorte de sadisme qui s'est manifesté de mille autres manières, mais qui trouvait son issue dans la cruauté de certains de ses récits. La fameuse Paulina par exemple.
Autre grand penseur qui a nourri les travaux de Jean Starobinski, le philosophe Gaston Bachelard : "Mes titres sont d'une certaine façon bachelardiens dans la mesure où ils conjuguent une perspective pluraliste, avec l'ambition d'une connaissance qui synthétiserait cette pluralité, qui aboutirait à voir où sont les instances profondes qui doivent être prises en considération, associées."
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation