"La politique est une subjectivité collective concernant le désir de transformation de l'univers social tel qu'il est constitué" : épisode 3/5 du podcast Alain Badiou, son parcours

Alain Badiou
Alain Badiou ©Radio France - E. Bester
Alain Badiou ©Radio France - E. Bester
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Troisième entretien avec Alain Badiou dans cette semaine spéciale de "Hors-champs" consacrée au philosophe. Il évoque ses convictions politiques depuis les années 70 et réitère ses critiques à l'égard du pouvoir actuel soumis aux impératifs capitalistes. Il clôt sur l'importance de la lecture.

Avec
  • Alain Badiou Philosophe, dramaturge, professeur émérite à l'Ecole Normale Supérieure

Au cours de ce troisième volet de "Hors-Champs" avec Alain Badiou comme invité, le philosophe revient sur les premières années Mitterrand. Avec son groupe politique il espérait "faire naître dans la société française la possibilité ou la vision d'un autre destin politique". Au sujet du terrorisme des Brigades Rouges en Italie, il affirme que le terrorisme "n'est que l'envers de l'ordre établi, il le renforce plutôt qu'il ne l'affaiblit" et il ne fait que répondre à "l'impatience" des groupes révolutionnaires.

Aujourd'hui je pense que cette séquence politique est entièrement close, entièrement terminée. Nous avons toujours pensé que comme toute chose, la politique existait pas séquences, il n'y a pas la politique éternelle, il y a toujours eu des politiques. Ces politiques ont des débuts et des fins et elles doivent changer et elles changent et elles se maintiennent ou ne se maintiennent pas, c'est la loi des choses. Si vous lancez un mouvement artistique, c'est la même chose après tout : à un moment donné le surréalisme c'est fini et ça a pourtant marqué l'histoire, ça a pourtant été très important.

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Sur la politique actuelle, Alain Badiou en appelle à "sortir du ruisseau bourbeux dans lequel s'est perdu le mot communisme, c'est-à dire il faut réécrire le Manifeste communiste de Marx". Il revient aussi sur son ouvrage De quoi Sarkozy est-il le nom? en assumant ses attaques contre "le banditisme politique" de cette période. Au sujet de la politique de François Hollande, Alain Badiou dénonce "le règne de la soumission aux réalités", il renchérit "il n'y a pas un atome de conviction là-dedans".

La politique sans conviction, elle est très proche du banditisme parce qu'elle n'est obsédée que par le pouvoir, le maintien au pouvoir et les privilèges du pouvoir. Ça n'est même pas la faute des politiques, parce que les politiques ils sont dans cet univers-là aujourd'hui, ils sont dans un univers dépourvu de toute conviction. Ils sont dans les conséquences de ce qu'ils ont eux-mêmes appelé la fin des idéologies. Et la fin des idéologies, c'est dramatique en réalité, parce que ça veut dire la fin des convictions subjective réelles. Et si en politique vous n'avez pas de convictions subjectives réelles, qu'est-ce-qui reste ? Il reste les mécanismes de la gestion.

Pour reprendre le titre d'un de ses ouvrages Le réveil de l'Histoire, Alain Badiou pense que le réveil se passe en ce moment mais il lui manque une idée politique qui unifierait les soulèvements disparates, seulement "la temporalité de la création politique est une temporalité lente".

Finalement, Alain Badiou en revient à la philosophie, aux grands textes et il se dit d'ailleurs préoccupé : "Je pense qu'il y a quelque chose d'irremplaçable dans la lecture." Il constate un désintérêt de la jeunesse à l'égard de la lecture, qui permet pourtant d'entrer dans "une conversation lente". Il faudrait la "réinventer".

Quelques fois j'ai un peu le sentiment que pour moi, de façon massive, l'histoire de la philosophie c'est Platon, Descartes, Hegel et qu'il y a une autre histoire de la philosophie qui passerait plutôt, elle, par Aristote, Spinoza et Kant. Deux triplets comme ça... et je sens que ces deux triplets ne se superposent pas exactement.

Indexation web : Odile Dereuddre, de la Documentation de Radio France

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