Mati Diop : "Je suis allée vers le cinéma parce que je n’ai pas su choisir un art parmi les autres"

La réalisatrice Mati Diop, lauréate du Grand Prix pour son film "Atlantique", au festival de Cannes en 2019
La réalisatrice Mati Diop, lauréate du Grand Prix pour son film "Atlantique", au festival de Cannes en 2019 ©Getty - Dominique Charriau / WireImage
La réalisatrice Mati Diop, lauréate du Grand Prix pour son film "Atlantique", au festival de Cannes en 2019 ©Getty - Dominique Charriau / WireImage
La réalisatrice Mati Diop, lauréate du Grand Prix pour son film "Atlantique", au festival de Cannes en 2019 ©Getty - Dominique Charriau / WireImage
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La réalisatrice Mati Diop a remporté le Grand Prix du Festival de Cannes en 2019 pour son film "Atlantique"

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A l'occasion de la sortie de son film Mille soleils, Laure Adler s'entretient avec la réalisatrice Mati Diop.

Laure Adler : Vous avez grandi entre le Sénégal et la France. Est-ce une forme de quête des origines familiales qui a procédé à l'écriture de Mille soleils ?

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Mati Diop : En 2008, je venais de tourner avec Claire Denis dans 35 rhums, ma première expérience en tant qu’actrice, et j’allais commencer l’école du Fresnoy, je me posais plein de questions sur mon désir de cinéma et sur la place du celui-ci dans ma famille, et j’ai eu envie de partir à Dakar. On était dix ans après la mort de mon oncle, le cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety. Je me suis mise à parler avec mon père des films de mon oncle et il m’a révélé la façon dont la piste du cinéma et celle de mon histoire se rejoignaient. J’ai découvert en très peu de temps les films de Djibril, je me suis rendue compte que ces films étaient très liés à sa vie intime. Mon père m’a dit que Touki Bouki racontait notre histoire familiale. Je me suis demandé ce qu’étaient devenus les acteurs du film, trente-cinq ans après. J'ai découvert que d’une certaine façon, ils avaient poursuivi la trajectoire de leur personnage de fiction : la jeune femme qui interprétait Anta était partie en Alaska travailler sur une plateforme pétrolière. Tandis que Mory, le jeune homme était resté vivre à Dakar, comme dans le film. C’était d’une puissance romanesque incroyable. Mais je ne voulais pas faire une film sur mon oncle, ni sur ma famille, Touki Bouki était un prétexte pour parler du présent, une manière de jeter un ponts entre la génération de mon oncle et la mienne, d’un point de vue cinématographique, politique, intime aussi, c’était un argument fort pour parler d’aujourd’hui.

LA : Dans Mille soleils, vous filmez des bouchers en train de découper de la viande dans un abattoir à Dakar. Il y a chez vous une manière de filmer la vie telle qu’elle surgit, avec toute sa brutalité parfois, qui se double d’une proximité très grande entre les arts plastiques, le cinéma et le désir de restituer une réalité documentaires. Reconnaissez-vous des influences dans cette démarche ?

Mati Diop : Larry Clark m’a beaucoup influencée à mes débuts. Kids a été un film très important pour moi, quand je l’ai découvert adolescente. Je me suis sentie très proche de cette énergie sauvage, de son rapport à la ville, à la chair. Même si je m’en suis un peu éloignée aujourd’hui, mais dans mes premiers films, j’avais un rapport très fusionnel aux personnes que je filmais, et cela passait par le cadre, par la caméra, par un engagement physique très fort.

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