

Arnaud Laporte, producteur de La Dispute et des Masterclasses, s'entretient aujourd’hui avec le musicien et écrivain Dominique A.
- Dominique A Artiste Auteur-compositeur-interprète, guitariste, poète, écrivain
Les chansons de Dominique A nous accompagnent depuis bientôt trente ans, de La fossette jusqu’à La fragilité, en passant par le Twenty-Two bar ou L’horizon. Récompensé par une Victoire de la musique de l'artiste interprète masculin de l'année en 2013, Dominique A écrit aussi régulièrement pour les autres, de Jane Birkin à Alain Baschung, en passant par Julien Doré ou Etienne Daho.
Depuis une dizaine d’années, il publie aussi régulièrement des livres sous son nom complet, Dominique Ané. Le dernier en date, Ma vie en morceaux, a été édité par Flammarion en 2018.
A quoi pensez-vous ?
Dominique A. J'ai l'impression d'être toujours dans une forme de consternation. On spécule beaucoup et en même temps, on n'a pas beaucoup d'éléments de réponse objective. Disons donc que je me garde de trop « Nostradamer », si je peux employer ce néologisme. C'est un temps de latence total. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est un temps qui est propice à la création ; je n'ai pas l'impression que ça influe, positivement ou négativement. Evidemment, par rapport à mon activité et par rapport au milieu de la culture en général, on est dans l'expectative et puis surtout, on est au-delà des questions liées à la subsistance. Pour moi, ce qui est déterminant, c'est comment on va faire les choses et avec quels moyens. C'est là, en quelque sorte, que je trouve qu'il est très imprudent et présomptueux de vouloir tirer des plans sur la comète.
Mais on a beaucoup glosé, discuté, pensé autour de ces tournées musicales qui avaient un bilan carbone terrible. Il y a eu quelques remises en question à ce niveau-là. Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui, il faut imaginer tourner autrement ?
J'aimerais vous dire oui. La réflexion est engagée, elle va se renforcer du fait des circonstances, c'est clair. Concernant les tournées, c'est vrai qu'il y a souvent des aberrations dans les calendriers, où on se retrouve à faire, par exemple, Nice-Brest dans la nuit, dans un tour bus. Ce n'est pas systématique, mais ça arrive. Peut-être que ce genre de choses, effectivement, on va s'y pencher à deux fois. C'était déjà une aberration, mais là, je pense que beaucoup de gens trouveront à redire. Mais je me méfie aussi de notre capacité à oublier, tout simplement, et à avoir un manque de projection sur le long terme. De toute façon, il y a plein de questions qui se posent. J'avais participé à une petite tournée qui était autour du Chant des Colibris, initiée par Cyril Dion, et l'idée était vraiment d'échanger avec le public sur les questions d'environnement, sur les questions de rapport au réchauffement climatique et à l'écologie. En fait, je trouvais que sur le principe, c'était très bien, mais qu'on ne mettait pas assez en pratique nous-mêmes, dans le cadre de cette tournée, certains objets de réflexion, à savoir, par exemple, l'énergie qu'on utilise pour faire un concert. On n'a pas vraiment réfléchi à ça. On a juste fait un concert, qui était très bien, mais il n'y avait pas, à mon sens, assez de réflexion autour du moment lui-même. Comment fait-on un concert ? Avec quels moyens ? Avec quel type d'énergie ? C'était un premier pas et je pense qu'aujourd'hui, ce type d'initiative serait plus encadré.
Les salles de concert sont pour l'heure fermées, et on ne sait pas quand elles vont rouvrir. Qu'est-ce qui vous manque dans le fait de ne pas pouvoir jouer ?
Je dirais que ce qui manque c’est la perspective. L'idée de jouer dans des salles à demi vides devant des publics masqués, je pense que personne n'est vraiment prêt à ça. Donc, c'est plus la projection dans un temps éloigné de la perspective d'un concert normal qui est le plus préoccupant. Moi, je n'ai pas besoin actuellement de tourner pour gagner ma vie parce que j'ai des droits d'auteur qui sont tombés et qui me permettent de vivre. Mais au-delà de ça, je dirais que c'est plus l'idée tout simplement de se projeter face à un public lambda, normal, dans des circonstances qui étaient celles d'avant, c'est ça qui manque le plus, à vrai dire.
Qu'est-ce que l'art et la culture peuvent selon vous apporter à ce monde qui est quand même différent aujourd’hui ?
Il est différent, mais je pense que la fonction de l'art reste la même. Ça a toujours été mon premier crédo, ça a toujours eu une fonction de réconfort au-delà de la réflexion, au-delà même de la distraction. Je dirais que l'art doit rester dans la mesure du possible, par moments, un peu hermétique à l'époque pour justement ne pas être enfermé. Je pense qu'un art qui dure, c'est un art qui, justement, parvient d'une certaine façon à se protéger. Donc, je ne nie pas qu’il y ait des œuvres d'art qui soient des phares dans la nuit pour nous éclairer quant à ce qu'on vit, mais moi, je n'attends pas ça de l'art.
Dominique A, lundi 25 mai
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