Emma Becker : "Je n'ai pas trouvé le réconfort que je trouve habituellement dans la littérature"

Emma Becker
Emma Becker ©AFP - Joel Saget
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Arnaud Laporte, producteur de La Dispute et des Masterclasses, s'entretient aujourd’hui avec l’auteure Emma Becker.

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Emma Becker a publié à ce jour trois livres, dont le dernier en date, La Maison chez Flammarion, a reçu le prix du roman des étudiants France Culture-Télérama en 2019. Elle répond à nos questions depuis Berlin, où elle vit aujourd’hui.

A quoi pensez-vous ?

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Emma Becker En ce moment je pense beaucoup au temps, parce qu'apparemment, les crèches et les écoles ne vont pas rouvrir avant un certain temps avant les vacances d'été. Cela rend le travail assez compliqué, le travail à la maison c'est très difficile à gérer. Je pense aux parents qui sont dans la même situation que moi, c'est un peu angoissant.

Est ce qu'il y a des choses dans cette période que vous avez décidé de ne plus faire ?

J'ai peut-être décidé d'arrêter de fumer, ça me semble un bon projet personnel. J'ai repris le goût de la nature pendant cette période, on pouvait quand même se balader dehors et du coup, cette sensation de monde au ralenti n'était pas désagréable. Elle m'a donnée une soif d'air pur.

Qu'est-ce que vous attendez des autres aujourd'hui ?

J'attends qu'ils rendent ma vie un peu plus drôle, plus riche, mais j'ai aussi décidé d'arrêter d'attendre qu'ils me rendent complètement heureuse. Cette période rend les choses très poignantes, ça me fait poser beaucoup de questions.

Est-ce qu'il y a des choses dont vous avez peur aujourd'hui ?

Je me sens assez angoissée par tout ça, j'ai très peur de ce qui va se passer dans les mois à venir. Ça me fait me poser beaucoup de questions existentielles auxquelles je n'ai pas de réponse et comme j'ai peu de temps à y consacrer, c'est angoissant. Je suis assez apeurée en ce moment.

Quelles questions ?

Quelle existence va avoir mon petit garçon ? Mon petit garçon n'était pas là pendant ces deux mois critiques, il était en Nouvelle-Zélande avec son père et finalement j'étais assez soulagée de ne pas devoir lui expliquer que maintenant il faut mettre des masques, qu'il ne faut plus s'approcher des autres enfants, qu'il ne faut plus s'approcher des gens. Je trouve ça anxiogène pour les petits.

Est-ce que vous pensez que l'art et la culture ont quelque chose de particulier à apporter à ce monde qui, comme vous le décrivez, est différent aujourd'hui ?

Des couleurs c'est évident ! Je crois qu'on a tous réalisé l'importance de l'art, de la littérature et de la musique pour s'échapper et penser un petit peu à autre chose. C'était tout ce qu'il restait aux Français aux mois de mars et d'avril pendant le confinement. C'est vrai qu'on s'est tous rendus compte à quel point c'était essentiel, maintenant il faudrait que le gouvernement s'en rende compte aussi parce que l'art n'a pas changé de destinataire mais encore faudrait-il que l'art puisse continuer d'exister dans des conditions décentes.

Est-ce que ça change pour vous les projets d'écriture que vous pouviez avoir ? Est-ce que, du coup, ça génère d'autres projets ?

Disons que de façon très pratique, comme je le disais, le temps de création est assez restreint quand on a des enfants, et quand je dispose de deux heures pour moi, ce ne sont pas dans des conditions très propices à l'abandon nécessaire pour créer. C'est une période qui génère du stress, et qui, pour l'instant, ne génère pas spécialement de projet. Je suis trop dans l'urgence.

Mais est ce qu'il y a une forme d'art qui vous a, à vous, apporté du réconfort ? La musique, peut-être ?

La musique, toujours, oui, c'est vrai que j'en ai beaucoup écouté. Comme je restais chez moi et que j'évitais de sortir, c'est quelque chose qui m'a apporté du réconfort. Même les livres, en fait, j'ai beaucoup lu, mais j'ai surtout beaucoup relu. J'ai fait assez peu de découvertes, je cherchais des livres et des musiques un peu "doudou", qui vous consolent, qui vous cajolent. Donc j'ai pas mal relu Maupassant, Zola.

En relisant dans cette période particulière, est-ce qu'on relit différemment ?

J'ai lu de façon pas très tranquille, j'étais souvent perturbée dans ma lecture, j'avais la tête ailleurs, je pensais à autre chose en lisant, je m'apercevais au bout d'une page et demie qu'en fait j'avais complété ce que je lisais parce que je connaissais le livre pratiquement par cœur. Je n'étais pas réellement en train de lire, j'ai trouvé que la période n'était pas très propice à la lecture, alors que bizarrement et potentiellement on avait le temps. Ce n'était pas évident de s'échapper, ce qui est étonnant. C'est cet effet-là que ça m'a fait. Je n'ai pas trouvé le réconfort que je trouve habituellement dans la littérature.

Qu'est-ce que vous avez envie de partager ?

Là, tout de suite maintenant, j'ai très envie de partager un verre de vin avec mon agent Olivier qui me manque beaucoup. Paris me manque beaucoup, je pense avec beaucoup de nostalgie aux dernières fois où j'étais à Paris et où je n'imaginais pas une seule seconde que ça deviendrait aussi compliqué de partager des verres avec des gens. Les gens me manquent.