VIH et travail du sexe : en 2017, la lutte continue

Manifestation d'associations défendant les droits des travaill.eur.ses du sexe à Paris en 2013.
Manifestation d'associations défendant les droits des travaill.eur.ses du sexe à Paris en 2013. ©Reuters - Charles Platiau
Manifestation d'associations défendant les droits des travaill.eur.ses du sexe à Paris en 2013. ©Reuters - Charles Platiau
Manifestation d'associations défendant les droits des travaill.eur.ses du sexe à Paris en 2013. ©Reuters - Charles Platiau
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Sort aujourd'hui en salles le film événement de Robin Campillo "120 battements par minute", qui retrace le combat d'ACT UP à l'orée des années 90. L'occasion pour nous de parler aussi de luttes d'aujourd'hui, celles des travailleurs et travailleuses du sexe dans un contexte de criminalisation.

Cet été, il y a eu la conférence internationale pour la recherche sur le sida (IAS) en juillet, la levée de l’interdiction des soins funéraires pour les séropositifs… et bien sûr, aujourd'hui la sortie du film 120 Battements par minute, de Robin Campillo, film événement, grand prix du jury à Cannes, qui retrace les débuts du combat d’ACT UP, en pleine hécatombe du sida.

L'hécatombe et l’urgence de l’épidémie c’était il y a 25 ans, en France, mais le VIH en 2017 n’est pas pour autant un lointain souvenir… notamment pour les populations dites clé : les travailleurs et les travailleuses du sexe par exemple. Premier rendez donc dans le quartier de Clichy dans une des permanences du LOTUS BUS de Médecins de Monde qui assure depuis près de 15 ans des tournées – en bus donc – et des actions de prévention " statiques " dans ces locaux - auprès des travailleuses du sexe chinoises, où l'on assiste à une démonstration de préservatifs féminins par Julian animatrice prévention au Lotus Bus et en compagnie d'Hélène Le Bail, coresponsable du programme, bénévole, depuis ses débuts, qui assure ici, entre autres, la traduction.

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Les femmes ont pris l'habitude de ne pas avoir trop de préservatifs dans leur sac. Car cela peut être considéré comme une preuve par la police qu'il y a travail du sexe.

Hélène Le Bail, coresponsable de mission Lotus Bus pour Médecins du Monde

Et s’il y a preuve, il y a potentiellement répression… Pour l’éviter et parce qu’internet le permet, de plus en plus de femmes travaillent ainsi à domicile, mais elles sont de fait " moins accessibles " pour les associations de santé communautaire. C’est tout l’enjeu des "tournées virtuelles " que le LOTUS BUS a récemment inaugurées … dont la création d’un groupe sur l’équivalent du "whatsapp" chinois "weisin" – très utilisé en Chine et en France par la diaspora chinoise– c’est Ruiqi Li, stagiaire estivale du LOTUS BUS qui l’a créé et qui le gère.

C’est parce qu’il y a deux groupes parmi les travailleuses sexuelles chinoises: les plus âgées, que que vous avez pu voir ici et les plus jeunes qui travaillent essentiellement sur internet – par petites annonces. C’est elles qui sont le plus difficiles à atteindre. Donc ce groupe de discussion a vraiment vocation donner à toutes ces femmes,mais surtout celles qu'on voit peu,les informations cruciales: des infos juridiques, des infos sur la couverture maladie, sur les questions d’urgence aussi, quand il y a des préservatifs qui craquent ou des prises de risque particulières… Et puis aussi l’hygiène personnelle: comment limiter les infections en ayant une bonne hygiène gynécologique.

Ruiqi Li a également traduit les modes d'emploi d'Autotest - et les fournira gracieusement au laboratoire qui les fabrique - des test de dépistage que l'on peut réaliser seul.e.

Ruqi Li et Julian, respectivement stagiaire et animatrice prévention au LOTUS BUS (Médecins du Monde)
Ruqi Li et Julian, respectivement stagiaire et animatrice prévention au LOTUS BUS (Médecins du Monde)
© Radio France - Clémence Allezard

C’est tout ce travail de traduction et de prévention qui permet aux prostituées chinoises d’avoir un taux exceptionnellement bas de prévalence en VIH… une seule contamination en 10 ans… Mais bien sûr nous confie Hélène Le Bail, il serait dramatique de tout arrêter : les primo arrivantes ont besoin d’information et les autres, de suivi.

Médecins du monde, au même titre que d'autres associations comme ACT UP ou comme le STRASS, le syndicat des travaill.eur.euse.s du sexe ont pris position contre la loi sur la pénalisation des clients deq prostitué.es, entrée en vigueur en avril 2016. En effet, pour elles et eux, la pénalisation complique les actions de prévention, justement, du fait de phénomène de plus grande mobilité, dégrade les conditions de travail, et ce, sans faire baisser le nombre de travailleurs du sexe… Une prise de position qui a failli coûter sa subvention au LOTUS bus lors du dernier Conseil de Paris.

Côté ville de Paris, justement, on lançait en juin dernier l’opération "PARIS SANS SIDA" qui comprend un double objectif : le premier, c’est l’objectif onusien dit des 3X90 : 90 % de personnes dépistées, 90% de personnes sous traitement et parmi elles, 90% de personnes avec une charge virale indétectable, et le deuxième, un objectif de "zéro nouvelle contamination par le VIH à Paris en 2030". Or, pour Thierry Schaffauser, travailleur du sexe et syndiqué au STRASS, qui travaille aussi avec le Lotus Bus , ces objectifs sont inatteignables pour les prostitué.Es. Il relayait récemment sur s on blog Libération "Ma Lumière rouge", un chiffre, des données dites "grises", c'est à dire associatives: sur 100 femmes transgenres travailleuses du sexe suivies depuis 2013 par l’association ACCEPTESS-T, cinq ont été contaminées en 2017.

5% c'est énorme. [...] Cela indique une dynamique de l'épidémie qui est vraiment forte. Et là, sur 2017 que s'est-il passé? Pour moi, il est évident que c'est un impact de la loi sur la pénalisation des clients [des prostitué.e.s]. Parce que cette précarisation beaucoup plus forte, cela conduit à accepter des rapports sans préservatif, par exemple. Le rapport de force avec le client est inversé, c'est à dire que, si y a moins de clients, eh bien ceux qu'ils restent, on va les faire.

Thierry Schaffauser

Accès aux soins, aux traitements, aux médicaments génériques pour les plus précaires et les "invisibles"… Ces luttes toujours d'actualité d’aujourd’hui, c’est ACT UP, aussi.

Réécouter La Grande Table "Les années sida à l'écran" par Géraldine Mosna-Savoye avec Robin Campillo, Didier Roth Bettoni et Elisabeth Lebovici.

Avec Julian, animatrice de prévention, Hélène le Bail coresponsable bénévole de mission LOTUS BUS de Médecins du Monde, Ruiqi LI stagiaire estivale du programme et Thierry Schaffauser, travailleur du sexe et syndiqué au STRASS, le syndicat des travailleuses et travailleurs du sexe.