Le paysage politique français connaît-il un tournant historique ?

Bureau de vote pour le second tour des élections législatives.
Bureau de vote pour le second tour des élections législatives. ©AFP - Myriam Tirler / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Bureau de vote pour le second tour des élections législatives. ©AFP - Myriam Tirler / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Bureau de vote pour le second tour des élections législatives. ©AFP - Myriam Tirler / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Selon les résultats officiels publiés, ce matin, par le ministère de l'Intérieur : le camp du président Emmanuel Macron a obtenu 245 des 577 sièges, l'alliance de gauche 131 sièges, devant le Rassemblement national 89 sièges et Les Républicains 61 sièges.

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C’est donc un scénario totalement inédit à la fois pour la tradition politique et institutionnelle du régime présidentiel qui s'est écrit hier, au point de tout remettre en jeu. Tout d'abord et au-delà de l’humiliation infligée à Emmanuel Macron (jamais en vingt ans un président nouvellement élu n’avait échoué à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale), voilà que la polarisation du Parlement en trois camps que tout oppose (l'Europe, l’économie, l’immigration, la sécurité) fait naître à présent le risque d’une France ingouvernable, où le camp présidentiel ne pourra guère espérer d’alliance stable.

Mais plus encore que ce camouflet subi par le chef de l'Etat; désormais affaibli avant même d’avoir réellement commencé son second quinquennat, les résultats des élections hier actent un véritable séisme politique : ou quand le parti d’extrême droite anti-immigration de Marine Le Pen obtient 89 sièges à l'Assemblée. Un record historique. Le Rassemblement national multiplie par plus de dix son nombre d’élus. Au point de pouvoir revendiquer le statut de premier parti d’opposition (dès-lors que les 131 voire 137 sièges obtenus par la Nouvelle union populaire, écologique et sociale reviennent non pas à une formation politique en tant que tel mais à une coalition). En ce sens, le score du RN est donc certainement le résultat le plus frappant de ces élections. Comment expliquer un tel succès ? Sans doute que les bons résultats du premier tour pouvaient laisser pressentir un bon score mais pas à ce point.

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L'autre leçon de ce scrutin c'est évidemment le revers majeur essuyé par la coalition présidentielle, très loin de la majorité absolue. Un scénario cauchemar pour le chef de l'Etat qui se retrouve dans l'incapacité aujourd'hui de mettre en œuvre sa politique, sauf à passer des accords et adopter une stratégie qui lui avait totalement échappé jusqu'à présent : celle de devoir faire des compromis. Pour mener à bien sa politique, Emmanuel Macron va devoir s’assurer déjà une entente sans faille avec ses alliés actuels, c'est-à-dire avec les troupes des ambitieux François Bayrou et Édouard Philippe (sachant que ce dernier pourrait chercher à se distinguer en vue des prochaines élections). Et puis Emmanuel Macron devra aussi se trouver de nouveaux alliés, au centre gauche, peut-être du côté des dissidents socialistes, mais probablement davantage à droite avec Les Républicains, même si ça s'annonce déjà compliqué.

44 voix manquantes pour constituer une majorité absolue et des discussions qui promettent d'être compliquées pour pouvoir légiférer. Analyse de Stéphane Robert

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Comment gouverne-t-on sans majorité ? Même si Emmanuel Macron reproduit ici le scénario de François Mitterrand, après sa réélection de 1988, lorsque le premier ministre de l'époque Michel Rocard avait été contraint de mener la politique du gouvernement sans majorité absolue, cette situation n'en reste pas moins rarissime. Du moins en France car nos voisins européens, eux, sont habitués à ces gouvernements minoritaires. Dans plusieurs pays (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ces rapports de force au Parlement contraignent les partis à former des coalitions ou des majorités de circonstances.

Quoi qu'il en soit, avec une majorité plus qu’étriquée, plus petite encore que les pires des prévisions, le camp présidentiel risque de se retrouver souvent empêché par une opposition qui ne manquera pas de multiplier les tactiques procédurales, ce que l'on résume généralement par le terme d'obstruction parlementaire. C'est dans cette perspective que l'alliance des forces gauches espérait pouvoir créer une opposition puissante et unie. Puissante c'est effectivement le cas. Reste la question de savoir combien de temps encore restera-t-elle unie ?

La Nupes unie pour combien de temps ? Analyse de Julie Pacaud

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La nouvelle alliance de gauche a annoncé ce matin qu'elle déposerait une motion de censure contre le gouvernement le 5 juillet prochain, date à laquelle la Première ministre Elisabeth Borne doit faire une déclaration de politique générale devant les députés. Compte tenu du rapport de forces, cette motion peut-elle aboutir ?

Enfin parmi les raisons toujours qui peuvent expliquer les résultats d'hier, sans doute la mauvaise représentation jusqu'à présent de la société au Parlement constituait-elle un objet de contestation légitime. Qu'en est-il aujourd'hui ? A quoi ressemble ce matin le nouvel hémicycle de l'Assemblée ?

Renouvellement des élus, profil sociologique, féminisation. Le nouveau visage de l'hémicycle dessiné par Nicolas Balu. Avec une moyenne d'âge de 48 ans et demi.

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Invité de ce journal : Benjamin Morel, docteur en sciences politiques et maître de conférences à l'Université Paris 2

Benjamin Morel : "Marine Le Pen a accompli hier un pas de géant, c'était inespéré, relativement même improbable."

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