Edouard Ferlet repense à Bach

Edouard Ferlet : Think Bach op.2 (Melisse)
Edouard Ferlet : Think Bach op.2 (Melisse)  - Photo : Grégoire Alexandre
Edouard Ferlet : Think Bach op.2 (Melisse) - Photo : Grégoire Alexandre
Edouard Ferlet : Think Bach op.2 (Melisse) - Photo : Grégoire Alexandre
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Après avoir joué des Russes à quatre mains ou aux côté du clavecin, le pianiste de jazz retourne à l’exercice de réflexion en solitaire autour de Jean-Sébastien Bach. Défi relevé, corps et âme.

Think Bach ou penser Bach et repenser même, c’est le projet du pianiste Edouard Ferlet, en équilibre sur le fil qui distingue reproduction et invention, où comme l'écrivait le pianiste et compositeur Adrian O. Smith (Arden Day) l’oeuvre de Bach serait à la fois « la promesse et le tour dont le pianiste nous livrerait ce que les prestidigitateurs appellent le prestige ».

Edouard Ferlet nous laisse entendre des étapes de transformations, mais sans que l’on s’en rende compte, comme si l’on traversait « plusieurs sas de décompression » comme il l'écrit à propos de de ce "Crazy B." interprétation à partir de la première des Variations Goldberg. Ce n’est pas la première fois qu’Edouard Ferlet travaille dans ce sens d’acquisition et de distorsion par l’improvisation : il y avait eu Think Bach le premier volet (il y a 5 ans), le projet « Bach Plucked Unplucked » avec la claveciniste Violaine Cochard et puis récemment encore 5 compositeurs russes réinterprétés en duo (à 4 mains avec Paul Beynet) pour Pentagramme ( dont on a déjà parlé ici). Ici l’exercice est solitaire, plein de doutes comme il le confie dans les notes (failli renoncer à explorer La Passion selon saint Jean « il est difficile de transformer des œuvres aussi parfaites (…) On a peur d’abîmer, d’aller trop loin. Comment réussir à ouvrir une autre direction radicale ? » se demande le pianiste. Exercice qui parfois conduit au dépouillement, à la mélodie seule, comme dans le concerto n°5.

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Suite donc du travail entamé il y a 5 ans déjà autour de l’œuvre du cantor de Leipzig, et Edouard Ferlet de livrer avec le disque la démarche adoptée : à propos de la première pièce du disque par exemple « Autour de l’intervalle de seconde et de l’ostinato rythmique empruntés au prélude en sol majeur BWV 884, le tissu se développe, s’agrandit, se transforme. Comme pour toutes les pièces de ce disque, je m’imprègne d’abord de l’œuvre originale – une absorption intellectuelle, sensible mais aussi charnelle – pour ensuite tricoter quelque chose à partir d’un détail, comme on grossirait le trait d’un dessin. Le façonnage d’une pièce est pour moi un long travail de maturation afin de convoquer ensuite la mémoire du geste tout en faisant alterner, sans frontière décelable, parties écrites et improvisées »

Pour cet opus 2 Edouard Ferlet écrit même une lettre d’explication :

« Cher Jean Sébastien, Depuis longtemps maintenant, je te joue et joue avec toi en te suivant sur le sentier d’à côté »

et la tournure intime de la lettre à Jean-Sébastien Bach de passer du côté de l’expérience physique limite « Page après page, j’ai la sensation de sculpter un monde invisible. Je sens mes articulations éclater, ma peau s’ouvrir et mes ongles claquer comme si je frappais à ton royaume sacré. » Qui pourrait dire encore que les musiciens ne s’investissent plus corps et âme dans leur art ?

« Un jour, le clavier du piano m’a parlé. Je l’ai écouté et me suis noyé dans ses ondes sonores. Perdant conscience pendant quelques instants, je t’ai imaginé buvant du bon vin pendant que tu improvisais. Depuis, j’ai compris que je devais être un musicien de chaque instant, me laissant guider par la beauté du son, l’incandescence du rythme, les mélodies souterraines. Je ne veux pas m’enfermer dans la musique pour me protéger, je veux qu’elle soit une porte d’entrée grande ouverte pour aimer. » Retour à la Passion : Es ist Vollbracht "Tout est accompli".

Extraits diffusés :

  • Crazy B. (à partir de Variation n°1 des Variations Goldberg BWV 988)
  • Concerto n°5 in F minor (à partir du largo du Concerto pour clavecin n°5 en fa mineur BWV 1056)
  • Es ist Vollbracht (à partir de l’air de la Passion selon saint Jean BWV 245)

Edouard Ferlet : Think Bach Op. 2 (Melisse)

Concerts : samedi 13 mai 2017 Café de la Danse à Paris / Eglise Sainte Croix de Carouge (Suisse) le 27 mai 2017