The Libertines, encore

France Culture
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Anthems for Dommed Youth
Anthems for Dommed Youth
© Radio France

« Rien à foutre, on repart pour un tour » chante Carl Barat dans « Gunga Din ». Explication de texte et de titre, mais d’abord état des lieux : dix ans après leur séparation les anglais The Libertines sont à nouveau sur scène, Peter Doherty renoue avec son jumeau ténébreux et l’élégance foutraque qui a fait leur marque.

L’étoffe des Libertines c’est un peu le chapeau feutre ou un cuir noir doublé d’Union Jack, étoffe toute résumée dans ce titre, plein d’abyme et d’autocritique (traduction approximative de Gunga Din) : « Je me réveille, à côté de moi mon double toxique, le reflet du miroir est laid, et je suis fatigué rien qu'à le regarder alors j’essaie d’écrire, je crois que j’en ai toujours le droit, encore un jour de plus, et rien n'a changé… » Les deux auteurs et chanteurs se répondent, et s’adressent quelques fleurs comme au refrain « tu as été battu, écorché / trahi sans doute / Tu vaux bien mieux que moi ». Le deuxième album des Libertines, qui devait être le dernier, trouve ici une suite réflexive (un album qui se pense lui-même) à l’image de « Fame & Fortune ».

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Le titre de cet album des Libertines « Anthems for Doomed Youth » (hymnes à une jeunesse condamnée) est en fait un emprunt au poème de Wilford Owen, qui le dédiait à la jeunesse sacrifiée de la première Guerre Mondiale. Titre négatif que Carl Barat a voulu contrebalancer par cet autre titre, qui apparait rayé sur la pochette : « Hallelujah day », comme le chant qui précède l’Evangile. La plume Libertines toujours attachée aux références, littéraires (Gunga Din un autre poème de Rudyard Kipling) ou références historiques : quand ils ne parlent pas d’Albion (nom grec de l’Angleterre) le constat d’une histoire d’amour s’écrit : « You’re my Waterloo »

Alors à la question « peut-on retrouver la flamme après la rupture ? » il semble que les Libertines y parviennent. Si les reformations de groupe de rock sont toujours suspectes d’un besoin de recapitaliser, l’art et la manière sont ici au rendez-vous, et le fait de travailler ici avec le producteur de One Direction ne nuit en rien à leur musique. Il est beaucoup question de la colère, de la frustration de chacun des Libertines, qui jouent d’allusions aux problèmes de dépendances et de comportement qu’on leur prête, mais comment nier une certaine superbe, même lorsqu’ils apparaissent terriblement chaotiques sur scène ? Pour l’instant le Pete Doherty et Carl Barat se disent heureux de jouer ensemble, et revendiqueraient sans doute ce mot de George Sand : « L'amour, c'est l'amitié portée jusqu'à l'enthousiasme »

(mc)

Extraits diffusés :

Gunga Din

Fame & Fortune

You’re my Waterloo

Heart of the Matter

Anthems for Dommed Youth (Mercury)