Une vision décalée de l'esthétique picturale
- Nathalie Delbard Professeure en arts plastiques à l'université de Lille et membre du Centre d'étude des arts contemporains
Quel sujet curieux que ce livre de Nathalie Delbard, Le strabisme du tableau : essai sur les regards divergents du portrait, de l'incidence-éditeur. Il nous conduit à observer des œuvres qui, du XVe siècle à nos jours, retiennent notre attention par la nature particulière du regard que nous adressent ces personnages portraiturés.
Nous ne remarquons pas en observant leur visage au début de notre contemplation ce détail mais nous trouble et qui fait de celui qui est dépeint nous regarde et ne nous regarde pas dans un même mouvement.
Alors ce serait une démarche déjà inhabituelle de la part de l’auteur que de rechercher dans l’histoire de l’art des modèles qui seraient affublés d’un strabisme. Mais lisant le livre, on comprend rapidement que s’il s’agit parfois d’un léger défaut de celui qui est représenté, c’est le plus souvent un stratagème du peintre qui le conduit a artificiellement produire cette divergence du regard pour appuyer une signification. Alors ce n’est plus le modèle qui louche ou qui diverge, mais le tableau lui-même qui, comme par contagion, se déstabilise intentionnellement pour être doté d’une efficacité nouvelle qui cette fois atteint le regardeur contraint de chercher sa distance, sa place devant l’œuvre qu’il regarde. Nathalie Delbard que nous rencontrons aujourd’hui à propos de son livre s’appuie sur des œuvres comme autant de cas et de la renaissance italienne ou flamande, à Goya ou Manet jusqu’à l’art d’aujourd’hui, je pense à l’artiste Jean-Luc Moulène par exemple.
Elle nous guide avec des idées excitantes car peu relevées. On voit naitre le portrait de trois quart et l’effet contourné que celui-ci a sur le regard du modèle selon qu’un ou deux yeux apparaissent, regard en coin ou regard rêveur ou regard perdu ou scrutateur, on a l’impression que par ce détail, par cette particularité du corps ou de son mouvement un peu de l’esprit de la personne représentée et des contradictions de son âme nous sont suggérés. Ce qui me touche dans ce livre que vous avez rédigé, Nathalie Delbard, est qu’il n’affirme pas une élucidation symbolique, mais plutôt une sensation réfléchie sur la pensivité du regard et vous reprenez pour exprimer l’état d’esprit de votre recherche, une phrase de Barthes qui décrit bien je crois votre méthode : « il s’agit d’observer le produit d’une poussée, non d’une intention ».
Lectures des textes par Nathalie Kanoui
Musiques diffusées :
- Johann Johannsson, "...eins og venjulegt fólk"
- John Zorn, "Ner Tamid"
- Ital Tek, "The Circle is complete"
Chanson :
- Anne Sylvestre, "Le deuxième oeil"
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation