Plongée dans le Paléolithique avec la découverte de la grotte Chauvet-Pont d'Arc

Une paroi ornée de la grotte du Chauvet-Pont d'Arc
Une paroi ornée de la grotte du Chauvet-Pont d'Arc  - © éditions La Maison des sciences de l'homme
Une paroi ornée de la grotte du Chauvet-Pont d'Arc - © éditions La Maison des sciences de l'homme
Une paroi ornée de la grotte du Chauvet-Pont d'Arc - © éditions La Maison des sciences de l'homme
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La grotte Chauvet-Pont d’Arc est apparue en 1994 comme une île stupéfiante dans les paysages aimés de ceux qui naviguent dans l’art de tous les temps. Elle a, depuis, été parcourue avec soin et amour par des chercheurs, quelques archéologues, par des poètes et des artistes privilégiés.

Avec

Nous en savons plus, infiniment plus qu’il ya a trente ans, sur ceux qui décidèrent de faire de cette grotte un sanctuaire que le temps devait nous transmettre.

Ce sont nos semblables, nos parents. Ils étaient chasseurs et cueilleurs, vivaient il y a environ 34 000 ans dans une nature et un climat assez différents de nous. Ils firent ce qui aujourd’hui, tous arts confondus de toutes les régions du monde, est indiscutablement un chef-d’œuvre de  l’histoire de l’humanité. 

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Nous parlons d’un livre exceptionnel : un ouvrage de huit kilos qui a rassemblé les déductions et constatations de quarante chercheurs et qui fait le bilan de ce que l’on sait. Publié par la maison des Sciences de l’homme avec le concours du CNRS, du Ministère de la Culture, de celui de la Recherche et de l'Institut national des recherches archéologiques préventives, il a été dirigé par deux chercheurs, explorateurs des temps immémoriaux, dont les vies d’exception et de voyages sont presque des romans.

Jean-Jacques Delannoy, géomorphologue, enseignant, membre, co-président avec Yves Coppens de l’équipe scientifique de Lascaux et membre de l’équipe scientifique de Chauvet et Jean-Michel Geneste, qui a été conservateur de la grotte de Lascaux, directeur du Centre national de préhistoire et coordinateur des recherches sur la grotte Chauvet pendant dix-sept ans. Si vous le cherchez, vous le croiserez peut-être en Chine, au Canada, en Afrique ... et dans l’Ardèche ou la Vézère pour fouiller, comprendre, et transmettre. 

À nous - à l’aide de cet énorme ouvrage - de pénétrer dans la grotte et d’apprendre ce que ce livre nous permet d’observer : les gestes, les mouvements, les désirs de nos frères humains et aussi, d’ailleurs, des animaux avec lesquels ils partageaient leur vies. 

La découverte de la grotte

La découverte était tellement exceptionnelle, face à l’état de conservation de ce site, face à l’exubérance d'un art qui n'était pas encore connu sous ces formes techniques-là, que l’âge de cette grotte a été estimé beaucoup plus proche de nous qu'il ne l'était. Des datations ont été très rapidement faites et c'était en fait quasiment 20 000 ans de plus. Donc il y a finalement autant de temps entre Lascaux et Chauvet qu'entre Lascaux et nous. À partir de là, tout s'est enchaîné. Le site est exceptionnel. Il a tellement de vestiges au sol et sur les parois. Il est dans un état de conservation climatique tel qu'on dirait que les premiers artistes viennent de disparaître. Jean-Michel Geneste

Les données dont l'archéologie se nourrit sont des données objectives et nous essayons de dater les occupations humaines. Pour cette période elles se datent surtout avec du carbone, avec des ossements. On a deux phases d'occupation de la grotte et entre les deux, en fin de compte, nous ne savons pas si la grotte n'était pas occupée ou au contraire, s'il n'y a pas eu de vestiges datables. On peut bien imaginer que des groupes humains ont pénétré, visité la grotte, que cette culture était toujours active au niveau de la transmission entre les humains, que les symboles qui étaient définis avaient un sens. Bref, que la société était sensible aux discours qui étaient exprimés, mais que les visiteurs n'ont pas fait de feu, n'ont pas laissé de traces. Il est peu probable que la grotte soit sortie des mémoires. Jean-Michel Geneste

Une grotte exceptionnelle

Cela nous paraissait important de raconter la grotte bien entendu avec son art, mais aussi de raconter ce qu'est véritablement cette grotte. Les hommes et les femmes de la préhistoire ont inscrit leurs oeuvres, ces chefs-d'œuvre, dans des paysages souterrains qui sont tout sauf anecdotiques. Ils ont une force, ils dégagent des sentiments, des ressentis qui sont extrêmement fort. Et bien entendu, quand aujourd'hui on se promène dans la grotte, on ressent tout ça. Tous les visiteurs ressentent qu'on n'est pas dans une grotte ordinaire, par ses formes très organiques, très particulières. Et bien évidemment, je pense que les préhistoriques y ont ressenti ça aussi dès leur première visite. Jean-Jacques Delannoy

Cette grotte, elle a tout pour elle. Bien entendu, c'est une grotte exceptionnelle du point de vue de l'art pariétal, mais s’il n'y avait pas d'art pariétal ce serait quand même une grotte exceptionnelle par tous ces ossements d'ours qui en font une des plus grandes cavités d'ossements de l'Europe. Et si on enlevait ces ossements, ce serait une grotte qui serait extraordinaire par ses paysages souterrains. Et si on enlevait cette beauté des paysages souterrains, c’est une grotte qui serait extraordinaire parce qu'elle nous raconte cinq millions d'années de l'histoire de notre terre. C'est ça qui fait la force de la grotte Chauvet. Jean-Jacques Delannoy 

L'importance de l'animal

L'ours est un animal rare dans le bestiaire des grottes ornées. Et là, il y en a quand même un certain nombre qui sont gravés, dessinés en rouge, dessinés en noir au charbon de bois. Cette grotte a été un lieu de vie et de reproduction des ours, dans le sens qu’ils y hivernaient. Donc ce site a été identifié très tôt par les hommes comme étant un site où l'ours avait une partie de sa vie et de ses activités. Ces sociétés humaines étant essentiellement des grands prédateurs, des chasseurs, ils avaient une connaissance particulièrement fine et détaillée du comportement des ours, ils savaient bien que les ours n'étaient dans les grottes qu'à un certain moment et qu'ils passaient l'été ailleurs. Est-ce que c’est cette présence de l'ours qui a attiré les hommes d'une certaine manière, en concurrence pour l'habitat ? Ou  simplement une concurrence symbolique pour y apporter les oeuvres ? En tout cas il est à peu près certain qu'il n'y a pas eu d'interaction autre que symbolique ou imaginaire entre la société animale des ours et la société humaine puisqu'on n'a pas de traces d'affrontements. Mais néanmoins, d'autres encore s'interrogent. Parmi les archéologues qui travaillent et ceux qui étudient la présence de fumée sur les parois certains se demandent si, après tout, ces feux sur les sols n'étaient pas faits pour éloigner les ours. Y'avait-il alors une interaction ? Y'avait-il une relation inter-espèces entre l'homme et entre l'ours ? Quelle est la place symbolique de cet animal dans la représentation ? Toutes ces questions sont ouvertes et c’est une approche globale qui apportera les réponses. Jean-Michel Geneste

Une mise en espace par l'homme

Puisque cette grotte et les sols de cette grotte ont été si bien préservés, si bien enregistrés, très peu modifiés à certains endroits, des traces apparaissaient de ce qu'on pourrait appeler des aménagements. On voit qu'une grosse dalle a été placée sur le chemin à un endroit glissant entre deux salles. S'agit-il d'une marche d’un escalier pour stabiliser le sol ? C'est probable. À d'autres endroits, il y de plus énigmatiques amoncellements de blocs. Pour cacher quelque chose ? Recouvrir ? S’élever ?  On a aussi des extractions d'argile où on voit encore les empreintes des doigts, les empreintes digitales de cette extraction. À un autre endroit encore, il y a un bassin, une retenue d'eau sous un égouttoir pour capter l'eau, la boire, s’en servir. Les ossements des ours eux-mêmes ont été manipulés : certains ont été redressés, certains changés de place. Un des plus énigmatiques, mais un des plus impressionnants, est un crâne qui a été installé sur un grand bloc, dans une salle.

L'art pariétal est diversifié dans ses formes d'expression. Sur les parois c’est aussi bien de la sculpture, de la gravure ou du dessin, de l'estampe ou de la peinture ... Et dans ces techniques il n’y a pas tellement de limites. C'est une expression symbolique qui est plurielle :  il ne faut pas oublier qu'elle est graphique, qu'elle est figurative et à la fois non-figurative, parce qu'il y a des signes dont la géométrie nous échappe. Qu'elle est imaginaire, puisqu'il y a des formes qui ne sont pas seulement animales et humaines, qu'elle est codifiée aussi, avec des règles particulières de représentation, d'usage de la perspective. Ces manipulations, ces installations d'ossements font penser à l'évidence à un grand ensemble de rituels et de comportements techniques qui composent ces expressions artistiques. Et elles sont artistiques, au sens où il y a bien une évidente esthétique, une beauté qui nous touche aujourd'hui, aussi bien dans la formalisation que dans l’insertion dans la paroi, dans le milieu naturel. C'est un système extrêmement sophistiqué de communication et de transmission. Jean-Michel Geneste 

Archives INA

  • Journal du soir France 3 Rhône-Alpes du 18 janvier 1995
  • Découverte d'une grotte avec des peintures rupestres à Vallon Pont d'Arc, interview de Jean-Pierre Ageron, maire de Vallon Pont d'Arc

Musique

Musique préhistorique sur instruments d'époque : ossements de mammouths du site de Mezin en Ukraine. Enregistrés à Kiev en 1980 par l'archéologue académicien S. N. Bibikov.

Bibliographie conseillée

  • Monographie de la grotte Chauvet-Pont d'Arc : Volume 1, Atlas de la grotte Chauvet-Pont d'Arc, Jean-Jacques Delannoy et Jean-Michel Geneste, La Maison des sciences de l'homme, 2020
  • Ce que l'art préhistorique dit de nos origines, Emmanuel Guy, Flammarion, 2017
  • Si loin, si près, pour en finir avec la préhistoire, Jean-Michel Geneste et Boris Valentin, Flammarion, 2019
  • L'art de la préhistoire, Carole Fritz, Citadelles & Mazenod, 2017