Avec Annie Cohen-Solal, traversons cette période noire et blanche de la vie de Picasso dans l'entre-deux-guerres où son poids symbolique à l'extérieur est immense mais en France son statut est fragile, il est inquiet d'être exilé et de la confiscation possible de ses œuvres.
- Annie Cohen-Solal Professeure émérite, commissaire d'exposition.
Dans un épisode précédent de "L'art est la matière", Annie Cohen-Solal auteure de Un étranger nommé Picasso (Fayard) a raconté l'arrivée pénible de Picasso à Paris en 1900. Sa conquête progressive du monde de l'art lui a valu après beaucoup d'efforts, de privations, de dangers, d'incertitudes sur son sort, d'incarner, bien qu'Espagnol, l'avant-garde en France.
La France et le reste du monde : Picasso fragile, Picasso célébré
Annie Cohen-Solal insiste sur le décalage immense entre la réception de Picasso en France et dans le reste du monde qui le considère comme le plus grand artiste vivant. Il est célébré aux Etats-Unis qui organisent des expositions et achètent Les Demoiselles d'Avignon en 1939 que Le Louvre avait refusé auparavant. Pour comprendre cette histoire, il faut remonter à la Guerre civile espagnole et au soutien de Picasso aux Républicains, c'est la clé de la réticence de la France à son égard.
Le moment Guernica est un tournant pour Picasso. Cette œuvre magistrale a été réalisée avec une rapidité, une urgence extrêmes. En cinq semaines, le peintre conçoit cette fresque, devenue l'œuvre la plus célèbre au monde. Ses carnets nous laissent la trace de son processus créatif. On est en plein dans les années 1930 et l'inquiétude augmente parmi les étrangers, Picasso se sent menacé par l'administration française qui lui a refusé la naturalisation. En 1944, il adhère au PCF, devient un héros étranger et aussi un grand donateur au Musée d'art moderne. Il obtient ainsi un statut de résident privilégié.
Picasso, "boussole" des désordres du monde occidental
Le travail de recherche d'Annie Cohen-Solal est à la jonction entre deux mondes : le monde de l'immigration et le monde de l'art. "Picasso se situe sur l'échiquier du monde occidental du 20e siècle aux bouleversements complexes". Avec le cubisme en 1906, il comprend que "l'Europe chancelle, va se démolir" et il comprend aussi en 1937 le choc que représente le massacre de population à Guernica. Picasso, "c'est une boussole des bouleversements géopolitiques du monde occidental". Il devient enfin "cet artiste monde sans passer par le national".
Retrouvez la première partie de l'entretien avec Annie Cohen-Solal autour de son livre Un étranger nommé Picasso (Fayard)
Lectures des textes : Lara Bruhl
Chargée de recherche : Maurine Roy. En partenariat avec BeauxArts Magazine
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