Le chêne de Goethe

Le chêne de Goethe
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Par** Sophie Nauleau ** et** Nathalie Salles**

Prise de son : Laurent Lucas

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Mixage :** Valérie Lavallart**

Avec** Stéphane Hessel, Volkhard Knigge, Bertrand Herz, Floréal Barrier, **

Sabine Stein et Pamela Castillo Feuchtmann.

Ainsi que les présences de** Jorge Semprún, Paul Celan, **

**Barack Obama, Elie Wiesel, Patrick Molinier, **

**Gérard Depardieu, Agnès Sourdillon, Bruno Sermone, **

Boris Taslitzky et Michel Bouquet.

Le chêne de Goethe
Le chêne de Goethe

C’est la voix off de « Nuit et brouillard » qui m’a tendu ce titre, comme un piège poétique fascinant et mortel. Michel Bouquet dit les mots de Jean Cayrol, leur terrible réalité sans ciller : le quotidien des camps, la faim, la terreur, la torture, l’extermination. Et dans cette froide recension de la barbarie humaine, le chêne de Goethe, mentionné comme un fait acquis, résonne à l’esprit tant il détonne.

Qu’est-ce que le poète du* Roi des Aulnes* , mort le 22 mars 1832 à Weimar, venait faire à Buchenwald ? En quoi l’auteur du Faust , des Affinités électives et autres *Souffrances du jeune Werther * était-il lié aux atrocités nazies ?

C’est pour le savoir que nous sommes partis pour la Thuringe : Weimar d’abord, la ville de Johann Sebastian Bach, Franz Liszt, Friedrich von Schiller ou encore Lucas Cranach l’Ancien, puis Buchenwald, voulu sur le versant le plus froidement venté de la colline de l’Ettersberg.

Là, avec Laurent Lucas à la prise de son et Nathalie Salles à la réalisation, nous avons traversé la belle et bruissante forêt dans laquelle Goethe, et son fidèle Eckermann, aimaient à se promener et à converser. Puis nous avons découvert le mémorial, menés du bunker jusqu’aux fours crématoires par Pamela Castillo Feuchtmann, et de la place d’appel déserte jusqu’au chêne de Goethe mort.

Ont suivi à Paris des jours et des heures avec Nathalie Salles d’un intense montage radiophonique, jusqu’au délicat mixage final de ces six pistes de voix, de musiques, de silences, de feuilles mortes, de mémoire et de tombes au creux des nuages, pour lequel nous a rejointes Valérie Lavallart.

J’avais vu le début de « Nuit et brouillard » d’Alain Resnais sur le petit écran de la salle 401 du musée de la Reina Sofia, à Madrid, avec à ma gauche le manuscrit du « Chant des morts » de Pierre Reverdy, enluminé de sang par Picasso. Je ne me doutais pas alors, en ce dimanche des Rameaux du printemps dernier, que Jorge Semprún, qui aimait tant à citer les poètes, serait par-delà la mort l’ange gardien de cet oratorio.

J’ignore encore comment Paul Celan, qui savait *la rose de personne * et la fugue de mort , a traduit les mots de Jean Cayrol dans sa version allemande.

Die Goethe-Eiche, sans doute, au féminin singulier.

Sophie Nauleau

« Un jour viendrait, relativement proche, où il ne resterait plus aucun survivant de Buchenwald. Il n’y aurait plus de mémoire immédiate de Buchenwald : plus personne ne saurait dire avec des mots venus de la mémoire charnelle, et non pas d’une reconstitution théorique, ce qu’auront été la faim, le sommeil, l’angoisse, la présence aveuglante du Mal absolu – dans la juste mesure où il est niché en chacun de nous, comme liberté possible. Plus personne n’aurait dans son âme et son cerveau, indélébile, l’odeur de chair brûlée des fours crématoires. »

Jorge Semprún, « L’écriture ou la vie », Gallimard, 1994.

Musiques : « Grand Caprice » d’après « Le Roi des aulnes », Op. 26 de Goethe et Schubert. Par Heinrich Wilhelm Ernst. Violon : Leila Josefowicz. Les deux boîtes à musique de Weimar : « Rêve d’amour » de Franz Liszt « Menuet 3 » de Johann Sebastian Bach Buchenwald lied et autres chants concentrationnaires. « Über allen Gipfeln ist Ruh », poème de Goethe mis en musique par Franz Lisztchanté par Dietrich Fischer-Dieskau (baryton). Au piano : Daniel Barenboim. « Schön war die Zeit », chanson par Zarah Leander. « Ombra mai fù », premier air de « Serse » (Acte I), opéra de Georg Friedrich Haendel, chanté par Cecilia Bartoli. Orchestre : il Giardino Armonico, dirigé par Giovanni Antonini. « La paloma », de Sebastián Yradier. Direction : Juan Ibañez.

Le dernier visage
Le dernier visage
- Bruno Apitz
Illustration du chêne de Goethe en 1945
Illustration du chêne de Goethe en 1945
- Favier

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