Les machines à illusions

Enchantés, désenchantés – second épisode

**Par Christian Rosset et Nathalie Battus **

Au cours des enregistrements d’un Atelier de la création intitulé Enchantés, désenchantés (diffusé le 8 janvier 2014), Yves di Manno avait abordé, en fin de parcours, ce thème de l’illusion et Philippe Beck avait émis l’hypothèse que “la poésie est la science-fiction de maintenant. Sa littérature est profondément utile au poème. Il peut indiquer à celui qu’on appelle un poète toutes les voies de l’analyse des fines composantes du monde .” L’un comme l’autre songeaient à Philip K. Dick dont on publie, depuis quelques années, sous la direction éditoriale de Thibaud Eliroff, de nouvelles et excellentes traductions de ses principaux ouvrages. Dick est, un peu comme Robert Crumb côté dessin, un de ceux qui tissent le lien le plus fort entre pop culture et recherche expérimentale : auteur “populaire” et aussi chercheur infatigable qui n’a jamais eu peur de se marginaliser en se montrant aigu. C’est sans doute Art Spiegelman, l’auteur de Maus, qui en parle le mieux : What Franz Kafka was to the first half of the 20th Century, Philip K. Dick is to the second half.

L’illusion, selon Philip K. Dick, est un des temps forts de ce second volet. L’écriture poétique en est un autre. Et l’installation dans l’espace-temps d’objets sonores et visuels engendrés par l’usage, devenu presque banal, de ces machines à illusions permettant d’obtenir des transformations “en temps réel”, un troisième. L’illusion, à travers la multiplicité de ses manifestations, est source à la fois de plaisir, de créativité, et d’aliénation. Peter Handke a intitulé un de ses livres d’entretiens *Vive les illusions ! * où il prononce ces mots : il n’y a rien de plus fort et de mieux que les illusions. Elles vous mettent en chemin, n’est-ce pas ? À quoi on peut associer cette phrase de Bernard Noël : Être humain est un long travail d’illusion.

La radio a son mot à dire dans cette histoire, car le travail de création radiophonique consiste, ne serait-ce que par le montage et le mixage, à faire surgir de très concrètes illusions, jouant ainsi avec les émotions, accompagnant la parole par un travail approfondi sur le fond sonore, afin de rendre les paroles audibles. * Autrement dit : pour permettre à l’auditeur d’entendre les voix de manière plus juste – en révélant leurs affinités et en accentuant leurs différences* .

Ce second, car ultime, épisode d’Enchantés, désenchantés peut être écouté sans avoir pris connaissance du premier.

Avec :

Philippe Beck , poète, écrivain. Opéradiques (Flammarion)

Michelle Charrier, traductrice du Maître du Haut Château de Philip K. Dick (Nouveaux millénaires/J’ai lu)

Hélène Collon , traductrice, notamment des Nouvelles de Philip K.Dick (Denoël). Regards sur Philip K. Dick (Anthologie de témoignages, entretiens et textes critiques, Encrage)

Yves di Manno , poète, écrivain. Terre ni ciel (Corti)

Natacha Nisic , artiste, vidéaste, plasticienne.

Textes de Philip K. Dick , Bernard Noël et Peter Handke , lus par Anne Calas

Matériaux concrets et instrumentaux en “fond sonore” composés par Christian Rosset dans les studios – et avec les *machines à illusions – * du GRM.

Création Radiophonique

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](http://www.franceculture.fr/emission-l-atelier-de-la-creation-enchantes-desenchantes-2014-01-08-0)

08.01.2014 - L'Atelier de la création Enchantés, désenchantés 59 minutes Écouter l'émission Ajouter à ma liste de lecture Par Christian Rosset Réalisation Manoushak Fashahi Enchantés, désenchantés, nous sommes en quête de champ et de chant, de voies et de voix, de bruit et de silence, d’illusions comme des choses les plus concrètes : savoureuses, touchantes, musicales, sidérantes, respirables… Le conte dit que Merlin, après avoir livré par amour sa science à Viviane, a été enfermé par elle pour ...