Maïté incarnée

France Culture
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Un atelier de création proposé par Sabine Macher

Réalisation : Nathalie Battus

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Mixage : Eric Boisset

Maïté incarnée
Maïté incarnée

Une femme est belle et vivante, pour toujours. Elle est médecin, elle danse, elle écrit des carnets, elle a des enfants déjà grands, elle a un prénom, Maïté, et un jour, elle a un cancer, le cancer du pancréas. Le médecin malade, c’est incongru et joueur, comme un retournement. Comme une erreur judiciaire, c’est une peine. Elle a une maladie que la médecine ne guérit pas.

Le temps passe son silence. Elle écrit, après une année une lettre à tous ses patients pour dire à chacun qu’elle ne le retrouvera pas, qu’elle arrête de les soigner. Cette lettre, je la garde longtemps sur un meuble dans mon couloir, je la regarde et la relis.

Un jour je revois Maïté dans une fête, souriante, gracieuse, un peu marquée. Je lui propose de nous rencontrer pendant un temps et lui demande de me parler de son corps. Je l’enregistre avec un appareil qui fait des sons parasites pendant les enregistrements. Le premier entretien, quand elle parle de la caserne où elle a grandi, puisque son père était gendarme, je l’efface en voulant faire de la place pour enregistrer une autre voix, celle de ma mère. Il y a du trouble, mais c’est joyeux. On se voit chez elle, on marche dans Paris, elle titille la petite cuillère sur la soucoupe de la tasse au café juste devant le micro, elle joue du piano désaccordé avec et sans sourdine, elle parle de ses jambes, de son ventre, de ses cheveux. Des rues, de l’eau, des Landes, des livres. Elle raconte ses pieds et ses mains, la modestie, les carnets pour écrire, les stages de canard, le casque glacé. Comment être un miracle de la médecine. Elle laisse des silences avec le temps qu’elle a maintenant dans sa vie, intranquille et libre, elle rit, la voix debout dans le corps.

Ça peut s’appeler un portrait, un carnet, avec ce qu’une parole creuse d’une personne, la mine, pour s’extraire.

Comment ça nous réfléchit.

Laisser penser tout ça se dire se taire.

Avec un texte inédit de Antoine Emaz « Autoportrait en végétal » Atelier des Grames, lu par Maïté Lavielle

Remerciements à Maïté Lavielle, Nathalie Battus, Catherine Chaumié, Pierre Gaudin

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