Si je perdais mes oreilles... Je deviendrais aveugle

France Culture
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**par Kaye Mortley, réalisation Manoushak Fashahi **

prise de son et mixage: ** Jean-Baptiste Etchepareborde** , Bernard Lagnel

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Si je perdais mes oreilles... Je deviendrais aveugle
Si je perdais mes oreilles... Je deviendrais aveugle

Le son vient à l'or eille

L'oreille se tend vers le son ...

dit le koan.

Et naît, ainsi, à l'esprit (à l'âme , dirait Aristote).

Mais sous quelle forme...?

*Rythmes... grands espaces... horizons... ciels... routes... plans... taches...couleurs.... *

Ou bien* une image qui n'est pas une image... un film invisible qui compose à l'infini avec le réel inscrit en nous... *

disent les uns.

Soit.

Mais... grâce à quelle alchimie...?

Un jour, il y a des années, j'ai rencontré une phrase dans une émission de radio qui parlait de la radio:

Si je perdais mes oreilles, je deviendrais aveugle.

Je pensais l'avoir comprise.

Je pensais, en fait, qu'elle avait dit le dernier mot - de façon belle et paradoxale - sur le processus alchimique qui transforme son en matière sensible.

J'ai rangé la phrase dans ma tête.

Elle m'a souvent servi de guide dans ces pays hors champs que la radio me fait fréquenter.

D'autres années sont passées.

J'ai fait de nouvelles rencontres, rencontres singulières.

Des gens qui ne voyaient pas.

D'autres qui n'entendaient pas.

Et je me suis mise à réfléchir.

Alexandre classe les sons selon des couleurs qu'il distingue à peine:

"Du plus grave au plus aigu, l'ordre serait rouge, jaune, bleu, vert"...

Marie (suite à un implant cochléaire) apprend à déchiffrer les sons qu'elle découvre:

" Est-ce que ça existe, des sons humides ...?"

13 série 2014
13 série 2014

Quand Aurélie pose sa main sur le corps du violoncelle elle entend "l'aiguille qui danse et le vent sur la dune du désert".

Aurélie, vit dans le silence.

" Comme si j'étais aveugle... aveugle d'oreilles".

Et voilà que la phrase qui dort au fond de ma mémoire se remue, se réveille, me taquine, me toise, me pousse sur le chemin accidenté/périlleux qui mène vers le royaume de la représentation.

  • La représentation se distingue de la sensation et de la pensée.*
  • Mais sans représentation il n'y a ni sensation ni pensée. La représentation serait, toutefois, plus proche de la sensation.*
  • Et, ainsi, susceptible d'être vraie ou fausse.*

(Aristote, De l'Ame )

avec:

Aurélie de la Selle

Marie Sage

Roxane Jeseck

et

**Pierre, Mohammed, Alexandre ** et d'autres élèves de l'Institut National de Jeunes Aveugles

**Marion de Bergh ** (orthophoniste à l'Hôpital de la Pitié Salpetrière)

Françoise Michaelis

Michel Créis

Julie Berthier

Hélène Coeur

Emilie Mousset

Aline Pentitot

Chloé Sanchez

voix:

Véronique Brindeau

Chloé

textes:

Aristote : de l'Ame

Aurélie de la Selle : Rien ne sert de parler si fort

Marie Sage : des Bourdonnements

musiques

Improvisations pour violoncelle et voix: Julie Mondor/ Aurélie de la Selle

Arvo Part : Alina

Artur Zimjewsky : Tauber Bach

L'équipe