"La France est en guerre", répètent les plus hautes autorités de l'Etat depuis les attentats de Paris. Mais contre quel ennemi ? Comment désigner, comment combattre l'ennemi à l'heure des conflits non conventionnels ?
- Michel Goya Ancien colonel des Troupes de marine, auteur du blog "La voix de l'épée"
- Guillaume Perrier Journaliste au service international du Point. Ancien correspondant en Turquie
- Mathias Delori Chercheur CNRS en sciences politique, rattaché au Centre Marc Bloch de Berlin
Un an après les attentats du 13 novembre, quelques mois à peine après ceux de Nice, il est parfois difficile de réaliser que la France est en guerre. Et pourtant, le discours de l’ennemi est omniprésent dans notre vie politique.
Pas une semaine sans que les médias et une partie du personnel politique ne nous rappellent la réalité d’un ennemi qui peut frapper partout, à tout moment, et que la France combat, non seulement dans le soutien à la coalition internationale en Syrie et en Irak, mais aussi à travers l’Etat d’urgence.
Pas un jour également sans que la peur logiquement suscitée par cette situation ne fasse l’objet d’instrumentalisations politiques pour désigner les musulmans comme ennemi potentiel.
En dépit des singularités de la période que nous vivons, cette situation n’est pas entièrement nouvelle, et la désignation d’un ennemi national est aussi ancienne que la guerre elle-même.
Après tout, la France a connu dans son histoire bien des ennemis, parfois héréditaires comme l’Angleterre ou l’Allemagne, parfois de circonstance comme l’Irak lors de la guerre de 1990.
Toutefois, le déclin des guerres conventionnelles a ouvert la voie à toute une série de situations de conflit qui ne ressemblent pas à ceux de notre histoire. Dès lors, les ennemis n’ont pas forcément la même nature, et les désigner devient un enjeu majeur pour mieux les combattre.
L’intellectuel américano-palestinien Edward Saïd nous a rappelé dans son œuvre majeure, L’orientalisme, l’orient créé par l’Occident, que la désignation d’un ennemi nous renseigne sur nos représentations de nous-mêmes, sur la manière dont nous existons face à l’ennemi. Penser l’ennemi est aussi une manière de nous émanciper de la peur qu’il nous inspire tout en revendiquant un système de valeurs face à lui.
Alors, quels sont les enjeux de la désignation d’ennemis et que cela implique-t-il ? Comment cette désignation a-t-elle évolué dans l’histoire ? Qu’est-ce que cela nous dit de nos sociétés ?
Ce sont les questions, graves, que nous posons aujourd’hui à nos invités dans cet Atelier du pouvoir consacré à la construction de l’ennemi et du rapport à la guerre, notamment contre le terrorisme.
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