Cent ans après la Révolution d’Octobre, un concert-fiction exceptionnel qui ressuscite la poésie incandescente de Maïakovski. Le poète chante l’épopée bolchévique, avant la pleine conscience du désastre qui le conduira au suicide.
Cent ans après la « Révolution » d’Octobre 1917, Radio France propose un concert fiction exceptionnel ressuscitant la poésie incandescente de Vladimir Maïakovski (1893-1930).
Dans 150 000 000, La quatrième internationale et surtout le célèbre Ça va !, poème fleuve de 3000 vers écrit en 1926 et 1927, Maïakovski chante l’épopée bolchévique de son peuple. Avant la pleine conscience du désastre qui le conduira au suicide le 14 avril 1930, le poète laisse éclater son génie dans cette « langue de feu » qui l’a rendu si célèbre en sa patrie.
Musique originale de Jonathan Bepler
Réalisation Christophe Hocké
Conseillère littéraire Caroline Ouazana
Denis Lavant récitant
Guillaume Poix dramaturgie
Solistes du choeur de Radio France :
Daia Durimel alto
David Lefort ténor
Mark Pancek baryton
Sylvain Levasseur basse
Solistes de L’orchestre Philharmonique de Radio France
Jonathan Bepler direction
André Markowicz choix des textes, traduction et présentation
Equipe de réalisation Pierre Monteil, Nicolas Depasgraf
Assistante à la réalisation : Julie Briand Note d’André Markowicz
Il y a ce géant, Vladimir Maïakovski (1893-1930), qui, dans ses premiers chefs-d’œuvre comme Le nuage en pantalon, La flûte vertébrale ou Un homme, casse tous les codes de la poésie russe, brise les rythmes réguliers, trouve, en le détruisant, un chant entièrement nouveau et fait jaillir l’énergie brute de chaque mot, dans une violence géniale et destructrice, mettant sans cesse en compte sa mort ou son suicide, — un poète qui, au sens propre du terme, quand il se met à déclamer ses vers, de sa voix de stentor, fait trembler les vitres. Un jeune homme qui révolutionne la langue même. Et il y a cette révolution dans laquelle il se lance à corps perdu, pensant que, comme lui change la langue, trouve du nouveau en cassant l’ancien, l’enkysté, l’encroûté, elle, cette révolution, et eux, les Bolchéviks, les révolutionnaires, vont changer la vie — parce que la poésie, elle n’est pas pour les salons, pour les bureaux, elle est pour cette Russie immense, affamée, ce monstre de misère et d’espérances, et qu’il faut absolument, absolument changer les choses. Et il y a la façon dont, de lui-même, au service de ce qui est devenu une terreur de masse, il casse sa propre voix, il « marche sur la gorge de son propre chant ». Comment, ce qui, en 1915-16, était d’une complexité magnifique, réellement révolutionnaire, devient, volontairement, transparent, direct, déclaratif. Comme cette langue de feu qui se transforme en une langue de slogans — une langue de propagande, délibérément utilitaire. Et, peu à peu, pas seulement pour répandre des notions élémentaires d’hygiène ou l’instruction publique, ou pour faire des chansons destinées aux soldats qui se battent contre les Blancs, mais aussi pour exalter la terreur, chanter la gloire de ceux-là même qui noient le pays bouleversé dans une tempête de sang. Et il y a, en même temps, la conscience de cette transformation — ou bien, comme on voudra, de cette révélation : ceux qui cassent tout l’ordre ancien, — un ordre de privilégiés, un ordre inacceptable, — deviennent les nouveaux privilégiés, et s’enkystent, eux aussi, très vite, dans la bureaucratie. Et, ce qui dirige le pays, ce n’est plus l’espérance d’un homme renouvelé sur une terre fraternelle, mais l’administration tatillonne, grise, pusillanime, qui élimine toute étincelle de vie. Et il y a, en même temps, lui, Maïakovski, devenu une icône soviétique, qui devient un homme riche, achète à Lili Brik, cash, la première Renault qui roulera à Moscou, et profite d'un système de mensonges qui inspire l’espoir à tous les opprimés du monde. Et il y a sa poésie des années vingt, et son théâtre, dans la toute fin des années vingt : une lucidité de son désastre. Il écrit un long poème à la gloire d’Octobre, « C’est bien », — pour célébrer les dix ans du coup d’Etat qu’on appelle « Révolution », — et non, ce n’est pas bien. Et il y a sa solitude d’homme, et sa solitude d’icône, et il y a son suicide, le 14 avril 1930. Un suicide qui, pour chacun en URSS, annonce les grands massacres.
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Ce concert-fiction contient des extraits des poèmes suivants : 150 000 000 et Ça va bien, traduits par Christian David (extraits du recueil À pleine voix, anthologie poétique 1915-1930 de Vladimir Maïakovski, coll. Poésie/Gallimard) ; ainsi que des extraits de : À pleine voix, Le porte-cigare, Pour le jubilé, Philosophie de surface en lieux profonds, Alexandre Blok est mort et Derniers vers (traductions inédites d’André Markowicz).
Note de Jonathan Bepler
Je suis heureux d’avoir eu pour défi d’approcher l’œuvre de Vladimir Maïakovski par la musique. Au lieu de se focaliser sur l’aspect politique, la musique est influencée par des notions comme : la relation complexe entre l’individu et le groupe, l’opposition entre la dissonance et la conformité, la modernité et la tradition, ou le passé et le futur. J’ai voulu évoquer non pas l’esprit russe ou le futurisme en soi, mais plutôt la manière dont ces notions apparaîtraient et résonneraient ici et maintenant.
Le travail du compositeur Jonathan Bepler (1959, Philadelphia, USA) s’étend sur une large gamme : concert, film, danse, théâtre, ou installation, dans des lieux comme Bayerische Staatsoper, London Coliseum, Theater Basel, Brooklyn Academy of Music, et le Museum of Contemporary Art, Los Angeles. Ses compositions ont été jouées notamment par l’ Ensemble Modern, Basel Synfonietta, et le Glenn Branca Ensemble. Parmi ses projets transversaux, on peut citer les collaborations avec les chorégraphes Sasha Waltz et Jennifer Lacey, et une longue liste d’œuvres avec l’artiste Matthew Barney, dont the Cremaster Cycle,et le récent Opéra / Film de six heures River of Fundament achevé au bout de sept années.
André Markowicz, né en 1960_,_ est de mère russe et a passé ses premières années en Russie. Depuis 1981, il a publié plus d’une centaine de volumes de traductions, d'ouvrages de prose, de poésie et de théâtre. Il a participé à plus d’une centaine de mises en scène de ses traductions, en France, au Québec, en Belgique ou en Suisse. Il a traduit l'intégralité des œuvres de fiction de Fiodor Dostoïevski pour les éditions Babel/Actes sud (45 volumes), le théâtre complet de Nikolaï Gogol, Du malheur d’avoir de l’esprit d’Alexandre Griboïédov, les pièces d’Alexandre Pouchkine et son roman en vers Eugène Onéguine (Actes Sud), le Bal masqué de Mikhaïl Lermontov, Cœur ardent, La Forêt, L’orage d'Alexandre Ostrovski, ainsi qu’une trentaine d’autres pièces jusqu’alors inédites, publiées aux éditions José Corti ou aux Editions des Solitaires Intempestifs. Il a traduit, en collaboration avec Françoise Morvan, le théâtre complet d’Anton Tchekhov. Après voir également traduit avec elle Le Songe d’une nuit d’été, il a entrepris une retraduction intégrale du théâtre de Shakespeare (une quinzaine de titres parus à ce jour, aux éditions des Solitaires Intempestifs).Paru chez Actes-Sud en 2011, Le Soleil d’Alexandre présente les poèmes et la vie des poètes de la génération de Pouchkine. Il a publié quatre livres de poèmes : Figures (éd. du Seuil), Les gens de cendre et L’emportement (Publie-net), Herem (Le Dernier Télégramme).Ses deux derniers livres sont parus aux éditions Inculte : Partages (chroniques Facebook 2013-2014) I et II (chroniques 2014-2015) et Ombres de Chine. Denis Lavant Formé à la comedia dell'arte par Carlo Boso issu de l'école du Piccolo Teatro et actuellement directeur de l'AIDAS, Denis Lavant est passé par l'ENSATT et le Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Il a notamment travaillé avec les metteurs en scène Antoine Vitez, Matthias Langhoff, Pierre Pradinas, Hans Peter Cloos, Bernard Sobel et Dan Jemmet. Ces dernières années, on a pu l’applaudir dans Elisabeth II de Thomas Bernhardt, mis en scène par Aurore Fattier (Théâtre de Namur), Faire danser les alligators sur la fl ûte de Pan mis en scène par Ivan Morane (Festival d’Avignon et Théâtre de l’oeuvre, Molière 2015 du Meilleur Seul en Scène), Andromaque 10-43 d’après Racine, mis en scène par Kristian Fredric (Théâtre du Grütli), Tabac rouge de et mis en scène par James Thiérrée (Théâtre National de Nice, Théâtre de la Ville), Les Amours vulnérables de Desdémone et Othello de Manuel Piolat-Soleymat et Razerka Ben Sadia-Lavant d’après Shakespeare, mis en scène de Razerka Ben Sadia-Lavant (Théâtre de Nîmes), Les Fourberies de Scapin de Molière mis en scène par Marc Paquien, Cap au pire de Samuel Beckett, mis en scène par Jacques Osinski (Théâtre des Halles à Avignon).Au cinéma, il est le comédien emblématique du réalisateur Leos Carax, depuis Boy meets girl en 1983 jusqu’à Holy Motors sorti en 2012. Il a également joué, entre autres, sous la direction de Jean-Pierre Jeunet, Claire Denis, Harmony Korine, Arnaud des Palières, Wolfgang Becker, Mehdi Charef, les frères Larrieu, Emmanuel Bourdieu, Pablo Agüero, Philippe Ramos, Pierre Schoeller.
Christophe Hocké
Issu d’une formation musicale classique au Conservatoire, il étudie ensuite les Lettres modernes et l’Art dramatique. Metteur en scène, comédien et musicien, il travaille en Allemagne et en France. Il réalise des fictions à Radio France depuis 2015.
Enregistré en public au Studio 104 de la Maison de la Radio le samedi 16 Septembre 2017 dans le cadre des Journées européennes du patrimoine et des 80 ans de l’Orchestre philarmonique de Radio France
Une coproduction France Culture, Orchestre philharmonique et Chœur de Radio France, dans le cadre des 80 ans de l’orchestre
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